A 10 jours de sa tenue, la présidentielle en Libye de plus en plus compromise

Omar Abdel-Aziz Bushah, vice-président du Conseil supérieur d'État libyen, et le vice-président adjoint Mohammed Amzab donnent une conférence de presse sur les derniers développements sur les prochaines élections, dans la capitale libyenne Tripoli le 8 décembre 2021. (Photo, AFP)
Omar Abdel-Aziz Bushah, vice-président du Conseil supérieur d'État libyen, et le vice-président adjoint Mohammed Amzab donnent une conférence de presse sur les derniers développements sur les prochaines élections, dans la capitale libyenne Tripoli le 8 décembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 14 décembre 2021

A 10 jours de sa tenue, la présidentielle en Libye de plus en plus compromise

  • Le scrutin présidentiel annoncé pour le 24 décembre, premier du genre dans l'Histoire du pays nord-africain et où près de 2,5 millions d'électeurs sont appelés à voter
  • A dix jours de l'échéance, la campagne électorale n'a pas encore commencé et la publication de la liste définitive des candidats a été reportée sine die, rendant très improbable sa tenue dans les délais

TRIPOLI : La Libye est censée élire son président dans dix jours mais l'absence d'une liste officielle de candidats et des désaccords persistants entre camps rivaux font peser de sérieux doutes sur sa tenue à la date prévue.

Le scrutin présidentiel annoncé pour le 24 décembre, premier du genre dans l'Histoire du pays nord-africain et où près de 2,5 millions d'électeurs sont appelés à voter, est présenté comme l'aboutissement d'un processus parrainé par l'ONU pour sortir la Libye du chaos ayant suivi la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Mais à dix jours de l'échéance, la campagne électorale n'a pas encore commencé et la publication de la liste définitive des candidats a été reportée sine die, rendant très improbable sa tenue dans les délais, bien que le gouvernement libyen se soit déclaré dimanche "prêt" pour l'organiser.

Cela fait des semaines que le scénario d'un report se dessine, les ingrédients susceptibles de transformer l'échéance historique en fiasco se multipliant: une loi électorale contestée, un calendrier modifié pour repousser les législatives et des figures controversées se déclarant candidats.

Dans ce contexte, "les élections pourraient faire plus de mal que de bien en raison des profondes lignes de fracture sociétales et politiques", observe Jamal Benomar, ancien sous-secrétaire général de l'ONU et président du Centre international pour les initiatives de dialogue.

 

Une population déconcertée par une interminable transition

La Libye va-t-elle enfin achever son interminable transition après une décennie de chaos? Rien n'est moins sûr pour de nombreux Libyens, déconcertés par un processus politique qui bat de l'aile et une présidentielle de plus en plus hypothétique. 

"Je ne suis pas très optimiste. Il y a beaucoup de divergences et rivalités entre régions et il n'est pas sûr que les résultats soient acceptés", déclare à l'AFP Khaled Al-Turki, 25 ans, avec en arrière-plan le port de Tripoli et la Méditerranée.

"S'il y avait eu un candidat capable de rassembler, nous aurions été optimistes. Mais ce n'est pas le cas", indique cet employé du bureau local d'une organisation internationale. 

En février 2011, dans le sillage du Printemps arabe et grâce à l'appui de l'Otan, les Libyens ont lancé une révolte qui a renversé Mouammar Kadhafi, le "Guide" qui dirigeait le pays depuis 1969.

Mais depuis la fin de la révolte avec la mort de Mouammar Kadhafi tué par des rebelles en octobre 2011, la Libye est minée par les rivalités entre les principales régions, le poids des milices et les ingérences étrangères, aux dépens d'une population exsangue malgré les immenses ressources énergétiques du pays.

 

«Trop divisés»

Que le scrutin soit reporté ou pas, les conditions pour des "élections libres et équitables ne sont pas réunies, les Libyens étant trop divisés pour accepter ou s'entendre sur les résultats", selon M. Benomar.

Surmontant les années de guerre entre pouvoirs rivaux de l'Ouest et l'Est, un gouvernement intérimaire a pourtant été installé en mars pour mener à bien la transition jusqu'aux élections. 

Des questions de fond sont cependant restées en suspens.

"Des institutions fragmentées, l'absence d'Etat et de forces de sécurité et armées unifiées ou légitimes sont autant d'éléments qui conduisent à l'instabilité, et ces questions fondamentales sont sans réponse depuis 2012", décortique M. Benomar.

Amanda Kadlec, ancienne membre du groupe d'experts de l'ONU sur la Libye, abonde: "le seuil minimum d'infrastructures et les exigences de sécurité pour une élection libre et équitable ne sont pas réunis à ce stade".

Si une myriade de milices reste déployée dans l'ouest du pays, l'Est est toujours contrôlé par Khalifa Haftar, lui-même candidat. 

En Tripolitaine (ouest), ce maréchal suscite une profonde animosité depuis qu'il a tenté en vain de conquérir militairement la capitale Tripoli en 2019-2020.

Et il n'est pas le seul candidat clivant parmi la centaine en lice: Seif al-Islam Kadhafi, fils de l'ex-dictateur tué pendant la révolte populaire de 2011, figure parmi les candidats les plus en vue, de même qu'Abdelhamid Dbeibah, Premier ministre intérimaire, qui s'était pourtant engagé à ne pas concourir.

 

Les conditions de sécurité sont-elles réunies?

Malgré les progrès politiques enregistrés depuis un an, la sécurité reste précaire. Dans l'Est, le maréchal Haftar a instauré un système très autoritaire, taxé de "dictature militaire" par ses détracteurs.

Ces dernières semaines, le processus électoral a été émaillé d'incidents: des hommes armées ont bloqué l'accès au tribunal de Sebha (sud) pour empêcher les avocats de Seif al-Islam Kadhafi, fils cadet de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, de faire appel du rejet de sa candidature à la présidentielle.

Si ces hommes armés se sont finalement retirés et que la justice a rétabli la candidature du fils Kadhafi, ces incidents ont suscité la "grande inquiétude" du gouvernement intérimaire et de l'ONU.

Des doutes subsistent aussi sur la capacité des autorités à protéger les bureaux de vote. Après les incidents à Sebha, le ministre de l'Intérieur Khaled Mazen a laissé entendre que ses services n'étaient pas en mesure d'assurer la sécurité.

Sur les réseaux sociaux, des électeurs ont affirmé ne pas avoir trouvé leurs cartes électorales, récupérées selon eux par d'autres, alimentant des soupçons de fraude. Plus de 2.300 cartes d'électeurs ont été dérobées dans cinq bureaux de vote par des hommes armés dans l'ouest du pays, notamment à Tripoli.

«Aveuglement»

Pour Anas el-Gomati, directeur du Sadeq Institute, "des élections dans ces conditions juridiques et politiques déstabiliseraient certainement la Libye".  

"Une victoire électorale de Seif ou de Haftar entraînerait une guerre (provoquée) par ceux qui se sont opposés à Kadhafi en 2011 ou à l'assaut de Haftar sur Tripoli en 2019. La candidature de Dbeibah est également contestée, il s'est engagé à ne pas se présenter, et ses opposants contesteraient sa victoire", résume-t-il. 

Et pour ajouter à la confusion, l'émissaire de l'ONU pour la Libye Jan Kubis a jeté l'éponge un mois avant la présidentielle. 

Si aucune raison n'a été avancée, le noeud du problème serait des "divergences de fond sur les élections" avec le chef de l'ONU Antonio Guterres, a révélé à l'AFP un diplomate à New York. M. Kubis était favorable à la tenue de l'élection le 24 décembre alors que M. Guterres était plus dubitatif, selon lui. 

Dans sa quête d'élections coûte que coûte, M. Kubis avait reconnu une loi électorale controversée, taillée sur mesure pour le maréchal Haftar, promulguée sans vote par le Parlement dirigé par son allié Aguila Saleh.

En dépit de tous les signaux d'alerte, la communauté internationale veut la tenue des élections à la date prévue, "faisant avancer aveuglement ce processus électoral sans prendre en compte les risques", pointe Peter Millett, ex-ambassadeur britannique en Libye.

Si un report semble presque inéluctable, trois grandes questions se posent selon lui: "pour combien de temps, qui gouvernera par intérim et à quoi aura servi cette période". 

 

Quels sont les principaux chantiers d'un futur gouvernement?

Les défis restent colossaux après 42 ans de dictature et la décennie de violences post-révolution. L'un des principaux défis sera l'unification des institutions, aussi bien l'armée que la Banque centrale. 

La rédaction d'une Constitution est également primordiale, la Libye n'ayant plus de Loi fondamentale depuis sa suppression par Kadhafi en 1969. 

La réponse apportée à la situation des droits humains sera également scrutée: des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis en Libye depuis 2016, a conclu début octobre une mission d'enquête de l'ONU.

Le pays est aussi devenu la plaque tournante du trafic d'êtres humains sur le continent. Des dizaines de milliers de migrants venus d'Afrique subsaharienne en quête de l'eldorado européen, y sont la proie de trafiquants quand ils ne meurent pas en tentant la traversée de la Méditerranée.

Sans oublier les attentes pressantes d'une population dont le quotidien est rythmé par les coupures de courant, la pénurie de liquidités et l'inflation. Cela passe par une relance d'une économie fortement dépendante des hydrocarbures et jadis parmi les plus prospères de la région. 

Le démantèlement des milices apparaît comme enfin une étape clef à la pacification, de même que le départ des quelque 20 000 mercenaires et combattants étrangers stationnés en Libye.


Gaza: le Hamas rencontre les médiateurs au Caire

L'Egypte et le Qatar sont des médiateurs de longue date dans les pourparlers indirects avec Israël et le Hamas pour mettre un terme à la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023. (AFP)
L'Egypte et le Qatar sont des médiateurs de longue date dans les pourparlers indirects avec Israël et le Hamas pour mettre un terme à la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023. (AFP)
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  • Cette rencontre intervient au lendemain de frappes israéliennes sur Gaza, Israël ayant accusé le Hamas de violations du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre, ce que le mouvement islamiste a réfuté
  • La source a précisé que la rencontre avec les médiateurs au Caire devrait porter notamment sur "les dizaines de frappes aériennes israéliennes" ayant fait la veille "des dizaines de morts dans la bande de Gaza"

LE CAIRE: Une délégation du Hamas, conduite par Khalil al-Hayya, rencontre lundi au Caire des responsables égyptiens et qataris pour évoquer le cessez-le-feu fragile et l'après-guerre à Gaza, a indiqué à l'AFP une source proche des négociations.

Cette rencontre intervient au lendemain de frappes israéliennes sur Gaza, Israël ayant accusé le Hamas de violations du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre, ce que le mouvement islamiste a réfuté.

La source a précisé que la rencontre avec les médiateurs au Caire devrait porter notamment sur "les dizaines de frappes aériennes israéliennes" ayant fait la veille "des dizaines de morts dans la bande de Gaza".

L'Egypte et le Qatar sont des médiateurs de longue date dans les pourparlers indirects avec Israël et le Hamas pour mettre un terme à la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023.

"Unifier" les mouvements 

Par ailleurs, "la délégation, aux côtés de plusieurs dirigeants du mouvement, tiendra des réunions avec des responsables égyptiens au sujet du dialogue interpalestinien que l'Egypte doit prochainement parrainer", a précisé la source familière des négociations.

L'Egypte a déjà accueilli plusieurs rencontres entre les mouvements politiques palestiniens, notamment les deux principaux groupes politiques palestiniens, le Hamas et le Fatah de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne.

Ces deux mouvements sont opposés depuis des décennies.

"Ce dialogue vise à unifier le corps politique palestinien et à aborder les grandes questions, notamment l'avenir de la bande de Gaza et la formation d'un comité d'experts indépendants chargé de la gestion du territoire", a déclaré la source, faisant écho à la mise en place d'une autorité de transition formée de technocrates chapeautée par un comité dirigé par le président américain Donald Trump, et proposée par ce dernier.

Le Hamas a déjà fait savoir qu'il ne tenait pas à gouverner la bande de Gaza, ravagée par deux ans de guerre.

Plusieurs responsables politiques palestiniens ont également évoqué ces derniers mois la création d'un groupe de gestionnaires palestiniens, non affiliés, en charge d'administrer le territoire où le Hamas avait pris le pouvoir par la force en 2007.

Une autre source informée a affirmé que "les contacts et efforts des médiateurs ont permis hier soir de rétablir le calme et de réactiver le cessez-le-feu à Gaza", ajoutant que "les médiateurs continueront de suivre et de surveiller les violations israéliennes".


Gaza: la Défense civile annonce un nouveau bilan de 45 morts dans des frappes israéliennes dimanche

La Défense civile de la bande de Gaza a fait état d'au moins 45 personnes tuées dimanche au cours de frappes aériennes israéliennes dans le territoire palestinien, révisant à la hausse un précédent bilan de 33 morts. (AFP)
La Défense civile de la bande de Gaza a fait état d'au moins 45 personnes tuées dimanche au cours de frappes aériennes israéliennes dans le territoire palestinien, révisant à la hausse un précédent bilan de 33 morts. (AFP)
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  • Quatre hôpitaux du territoire palestinien ont confirmé ce bilan de 45 décès à l'AFP, disant avoir reçu morts et blessés
  • L'armée israélienne a déclaré avoir frappé dans la journée des dizaines de cibles du Hamas à travers le territoire palestinien, Israël et le Hamas s'accusant mutuellement de violer un cessez-le-feu parrainé par le président américain Donald Trump

GAZA: La Défense civile de la bande de Gaza a fait état d'au moins 45 personnes tuées dimanche au cours de frappes aériennes israéliennes dans le territoire palestinien, révisant à la hausse un précédent bilan de 33 morts.

L'armée israélienne a déclaré avoir frappé dans la journée des dizaines de cibles du Hamas à travers le territoire palestinien, Israël et le Hamas s'accusant mutuellement de violer un cessez-le-feu parrainé par le président américain Donald Trump, en vigueur depuis le 10 octobre.

"Au moins 45 personnes ont été tuées du fait de frappes aériennes israéliennes sur plusieurs endroits de la bande de Gaza", a indiqué Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile, service de secours opérant sous l'autorité du Hamas.

Quatre hôpitaux du territoire palestinien ont confirmé ce bilan de 45 décès à l'AFP, disant avoir reçu morts et blessés.

L'hôpital Al-Awda à Nuseirat a recensé 24 morts, l'hôpital Al-Aqsa à Deir al-Balah 12, l'hôpital Nasser à Khan Younès cinq et celui d'Al-Shifa à Gaza-ville  quatre.

Des dizaines de blessés ont également été pris en charge par ces hôpitaux. L'armée israélienne a déclaré à l'AFP qu'elle vérifiait les informations concernant les frappes.

Parmi les victimes figure, selon M. Bassal, six personnes tuées quand une frappe israélienne a ciblé "un groupe de civils" dans la ville de Zuwaida (centre).

Il a également fait état de deux autres Gazaouis, dont un journaliste, tués dans la partie ouest de cette ville.

Deux frappes distinctes ont par ailleurs tué six personnes, dont des enfants, près de Nuseirat (centre) et blessé 13 autres, a-t-il indiqué.

Il a aussi fait état d'une femme et deux enfants tués dans une frappe de drone sur une tente abritant des personnes déplacées au nord de Khan Younès (sud).

Dans la soirée, l'armée israélienne a annoncé cesser ses frappes et reprendre l'application du cessez-le-feu.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

 


Mohammed ben Salmane et Emmanuel Macron discutent de l'évolution de la situation à Gaza

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  • Les entretiens ont porté sur la situation dans la bande de Gaza et sur les efforts en cours pour mettre fin au conflit et rétablir la stabilité au Moyen-Orient
  • Le prince Mohammed et M. Macron ont souligné l'importance d'alléger immédiatement les souffrances humanitaires du peuple palestinien et de parvenir à un retrait israélien complet

RIYADH : Le prince héritier Mohammed bin Salman a reçu dimanche un appel téléphonique du président français Emmanuel Macron, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

Les deux dirigeants ont passé en revue la coopération dans divers domaines et ont discuté des développements régionaux et internationaux d'intérêt commun.

Les entretiens ont porté sur la situation dans la bande de Gaza et sur les efforts en cours pour mettre fin au conflit et rétablir la stabilité au Moyen-Orient.

Le prince Mohammed et M. Macron ont souligné l'importance d'alléger immédiatement les souffrances humanitaires du peuple palestinien et de parvenir à un retrait israélien complet.

Ils ont également souligné la nécessité de prendre des mesures concrètes en vue d'une paix juste et durable fondée sur la solution des deux États.