Liban : pas la moindre perspective de sortie de crise

Michel Aoun, président du Liban, alors qu'il s'adresse virtuellement au débat général des Nations unies. (AFP)
Michel Aoun, président du Liban, alors qu'il s'adresse virtuellement au débat général des Nations unies. (AFP)
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Publié le Dimanche 27 septembre 2020

Liban : pas la moindre perspective de sortie de crise

  • Le renoncement du Premier ministre qui n'a pas pu former un gouvernement, marque un nouvel échec pour le pays déjà en crise
  • «À défaut d'aller en enfer, nous assisterons probablement à une escalade de la violence et à une fragilisation des institutions publiques»

Le Liban se retrouve dimanche sans la moindre perspective de sortie de crise après le renoncement du Premier ministre désigné Moustapha Adib, incapable de former un gouvernement en raison de querelles politiciennes sur les portefeuilles.

Ce renoncement semble marquer l'échec de l'initiative lancée après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth, par le président français Emmanuel Macron qui doit tenir en soirée une conférence de presse au sujet du Liban, pays en proie à la pire crise économique, sociale et politique de son histoire.

Les partis politiques s'étaient engagés auprès de M. Macron, venu à Beyrouth début septembre, à former un cabinet de ministres «compétents» et «indépendants» dans un délai de deux semaines.

Mais samedi, M. Adib, chargé le 31 août de le former, a jeté l'éponge, mettant en avant l'inexistence d'un consensus entre les partis en dépit de l'urgence de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d'aide.

«La page Moustapha Adib tournée, et maintenant?», écrit en une le quotidien francophone L'Orient-Le Jour, parlant de «saut dans l'inconnu, voire même d'une autoroute vers l'enfer». 

«Un renoncement aux graves répercussions et les regards tournés vers Macron», titre le quotidien arabophone Annahar. 

Les craintes vont crescendo d'une dégradation supplémentaire de la situation dans le pays, où la classe dirigeante quasi inchangée depuis des décennies est accusée de corruption, d'incompétence et d'indifférence par une grande partie de la population.

«En jeu!»

Selon la Constitution, le chef de l'Etat doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre. 

Mais ce processus risque, une nouvelle fois, de s'éterniser, voire d'échouer.

Le cas échéant, le Liban se retrouverait avec un gouvernement «boiteux» chargé des affaires courantes, qui ne peut "prendre aucune décision» ou «négocier avec le Fonds monétaire international (FMI) un plan de relance économique», explique à l'AFP Maya Yehya, directrice du centre Carnegie à Beyrouth. 

L'Etat, en faillite officielle, avait amorcé en mai des pourparlers avec le FMI ayant tourné court. 

Avec M. Adib, «il y avait une chance et beaucoup de pression pour former un gouvernement. Cela ne s'est pas produit, ce qui signifie que le problème est plus grand» que les considérations locales, estime Sami Atallah, directeur du Centre libanais d'études politiques, en allusion aux tensions géopolitiques, notamment entre les Etats-Unis et l'Iran, au sujet du Liban.

Le mouvement Hezbollah, un allié de l'Iran, domine la vie politique libanaise. Il est qualifié de «terroriste» par Washington.   

La formation du gouvernement a été entravée par les revendications du Hezbollah et de son allié Amal qui réclamaient le portefeuille des Finances. Selon les observateurs, leur obstination est liée aux sanctions américaines imposées à un ministre d'Amal, qui était aux Finances, et à deux compagnies affiliées au Hezbollah.

«Un tel degré d'irresponsabilité, quand le sort du Liban et de son peuple est en jeu! Politiciens, avez-vous vraiment saboté cette chance unique créée par la France?», s'est insurgé samedi le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis.

«L'enfer» 

M. Macron avait averti que si les promesses de former rapidement un gouvernement et de procéder à des réformes n'étaient pas tenues d'ici octobre, «il y aura des conséquences».

Les craintes pour le pays sont également d'ordre sécuritaire avec une recrudescence des violences. Dimanche, deux soldats ont été tués par des «terroristes» selon l'armée, au lendemain de la mort de neuf membres d'une cellule liée au groupe jihadiste Etat islamique au Liban nord. 

M. Adib avait succédé à Hassan Diab qui avait démissionné après l'explosion dévastatrice le 4 août dans un entrepôt où étaient stockées d'importantes quantités de nitrate d'ammonium au port de Beyrouth: plus de 190 morts, plus de 6,500 blessés et des quartiers détruits.

C'était le drame de trop dans un pays souffrant d'une dégringolade de la monnaie nationale, d'une hyperinflation et d'une paupérisation à grande échelle de sa population, sans oublier la pandémie de Covid-19.

Lundi, Michel Aoun, un allié du Hezbollah, avait averti que le Liban se dirigerait vers «l'enfer» en l'absence d'un nouveau gouvernement. 

Pour le politologue Karim Bitar, «à défaut d'aller en enfer, nous assisterons probablement à une escalade de la violence, à une fragilisation des institutions publiques, à une aggravation de la crise économique et à une vague d'émigration».


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.