Vote final au Parlement pour le dernier budget du quinquennat Macron

Une vue du ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. (AFP).
Une vue du ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. (AFP).
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Publié le Mercredi 15 décembre 2021

Vote final au Parlement pour le dernier budget du quinquennat Macron

  • Après avoir ouvert les vannes de la dépense publique pour sauvegarder l'économie face au Covid, le projet de budget 2022 avait la délicate mission de la canaliser
  • Droite et gauche ont toutefois peu goûté la performance vantée par le gouvernement, sur la forme comme sur le fond

PARIS: Le Parlement achève mercredi son marathon budgétaire avec un ultime vote des députés sur le dernier projet de loi de finances du quinquennat Macron, malgré l'agacement des oppositions qui dénoncent ses visées électoralistes. 


Passer du "quoi qu'il en coûte" au "quoi qu'il arrive", telle est la philosophie du ministre des Comptes publics Olivier Dussopt.


Après avoir ouvert les vannes de la dépense publique pour sauvegarder l'économie face au Covid, le projet de budget 2022 avait la délicate mission de la canaliser tout en tenant compte de la menace épidémique persistante.


Selon ses prévisions, le déficit sera ramené à 5% du PIB, mais l'endettement du pays atteindra des niveaux record à 113,5% du PIB l'année prochaine - loin des promesses de début de mandat d'Emmanuel Macron, épidémie oblige.


Au moment d'entamer la dernière ligne droite vers la présidentielle, l'exécutif peut cependant s'appuyer sur une prévision de croissance de 6,25% pour 2021 et de 4% pour 2022.


Droite et gauche ont toutefois peu goûté la performance vantée par le gouvernement, sur la forme comme sur le fond.


Elles dénoncent "un budget de campagne" et une méthode qui a consisté à muscler le texte à coups de milliards d'euros votés par amendements.


Plan d'investissement France 2030, plan pour Marseille, contrat d'engagement jeune pour les moins de 25 ans, mesures du bouclier tarifaire pour lutter contre la flambée des prix de l'énergie: le gouvernement a multiplié les promesses et annonces en les rajoutant au fil de l'eau de la discussion budgétaire.


"Ce sont des effets d'annonces qui auront par exemple très peu d'effets en termes d'investissement", tacle Eric Coquerel (LFI).

Régalien, plan France 2030, bouclier tarifaire: les mesures du budget 2022

Priorité au régalien, plan d'investissements France 2030, bouclier tarifaire contre la hausse des prix de l'énergie: le projet de loi de finances pour 2022 est marqué par une nette hausse des dépenses des ministères et table sur une croissance forte.

  • Une forte reprise économique

Le projet de budget repose sur une prévision de croissance de 6,25% pour 2021 et de 4% pour 2022, une des reprises économiques les plus fortes de la zone euro, après l'une des récessions les plus massives en Europe (-8% en 2020).


Le gouvernement table sur un déficit public de 8,2% du PIB en 2021 et de 5% du PIB en 2022.


Grâce à la reprise, le ratio de dette publique ne devrait finalement que légèrement augmenter cette année à 115,3% du PIB, puis reculer à 113,5% en 2022.

  • Les missions régaliennes à l'honneur

Les ministères régaliens tirent leur épingle du jeu de la négociation budgétaire, avec +1,7 milliard d'euros pour les Armées, +1,4 milliard pour l'Intérieur et +720 millions pour la Justice.


L'Education est également bien dotée (+1,7 milliard, après +4,3 milliards en 2021), notamment pour financer les revalorisations des rémunérations des enseignants, tout comme la Recherche (+760 millions d'euros).

  • Baisses d'impôts

Le gouvernement maintient le calendrier des baisses d'impôts décidées avant la crise mais ne souhaite prendre aucune nouvelle mesure fiscale.


Les 20% de ménages les plus aisés verront leur taxe d'habitation réduite l'an prochain, après une première étape en 2021. Déjà supprimée totalement pour 80% des ménages, elle le sera pour tous les contribuables en 2023.


De même, l'impôt sur les sociétés passera à 25% pour toutes les entreprises, dernière marche d'une réforme engagée en 2018 dans le but d'améliorer leur compétitivité.

"Stabilité" du nombre de fonctionnairesA l'issue de ce dernier budget, le gouvernement prévoit une stabilité du nombre de fonctionnaires durant l'ensemble du quinquennat, très loin de la réduction d'effectifs de 120.000 agents publics au total préconisée par Emmanuel Macron dans son programme électoral en 2017.

  • Plan d'investissement France 2030

Par un amendement voté durant les débats, ce projet de loi de finances décline le plan d'investissement France 2030 présenté par Emmanuel Macron en octobre. Il prévoit 34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement durant plusieurs années avec une première tranche de 3,5 milliards en 2022.


Ils sont ventilés sur les différents objectifs attribués à France 2030, comme la "production en France d'au moins 20 bio-médicaments" (660 millions en 2022) ou l'ambition de "faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné" (340 millions en 2022).

  • Bouclier tarifaire

L'Assemblée nationale a validé le "bouclier tarifaire" promis par le gouvernement pour atténuer la hausse persistante des prix de l'énergie, via le gel des tarifs réglementés du gaz et une limitation à 4% du tarif réglementé de l'électricité début 2022. Une mesure de dédommagement est prévue pour les fournisseurs.


Les incertitudes entourant la flambée des prix de l'électricité ont conduit le gouvernement à faire adopter un nouvel amendement en deuxième lecture, octroyant la possibilité de bloquer unilatéralement la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) d'électricité.


L'indemnité inflation de 100 euros pour les Français percevant moins de 2.000 euros net par mois est quant à elle comprise dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021.

  • Contrat d'engagement jeune

Le gouvernement prévoit 550 millions d'euros en 2022 pour son nouveau contrat d'engagement jeune, un dispositif fléché vers les moins de 25 ans les plus éloignés de l'emploi, avec une allocation pouvant aller jusqu'à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures de formation et d'accompagnement. Le dispositif, voté via un amendement gouvernemental, vise "au moins 400.000 jeunes" en 2022.

 

  • Plan Marseille

Dans la foulée des déplacements d'Emmanuel Macron à Marseille, le budget prévoit des investissements pour la deuxième ville de France. En 2022, 32 millions d'euros de subventions directes et 100 millions d'euros d'avances remboursables sont destinés aux transports marseillais. Le gouvernement apporte aussi la garantie de l'Etat pour 650 millions d'euros d'emprunts de la future société chargée de piloter la rénovation des écoles de Marseille. Six millions de subventions directes sont également prévues en 2022 sur ce volet.

 

  • Harkis

Cinquante millions d'euros sont prévus pour apporter une première concrétisation de la promesse d'Emmanuel Macron de "réparation" à l'égard des harkis, ces Algériens ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie.

Désormais unie derrière Valérie Pécresse qui avait accusé Emmanuel Macron de "cramer la caisse", la droite, qui prétend incarner le sérieux budgétaire, fustige la dérive des comptes publics. 


Selon les calculs du président LR de la commission des Finances Eric Woerth, l'ajout de quelque 130 amendements en première lecture a gonflé de 12 milliards d'euros les dépenses par rapport au projet de loi de finances initial.


En deuxième lecture au Palais Bourbon, ce sont encore 500 millions de dépenses nouvelles qui ont été votées. 


Baisse de la fiscalité 

Entre-temps, le Sénat dominé par la droite avait refusé d'examiner la partie "recettes" du budget, entraînant mécaniquement le rejet de l'ensemble du texte. En nouvelle lecture mardi, les sénateurs ont voté une motion entraînant d'emblée son rejet.   


La droite sénatoriale s'alarme du niveau des dépenses qui "hypothèque sérieusement l'avenir et obère les marges de manoeuvre de la prochaine majorité", mais le rapporteur général LREM à l'Assemblée Laurent Saint-Martin n'y voit qu'une "posture politique".


Les députés LR ont annoncé une saisine du Conseil Constitutionnel au motif de "l'insincérité" de ce budget.


Dans une campagne présidentielle où règne une quasi-unanimité pour sanctuariser les budgets des ministères régaliens, l'exécutif défend son bilan en affichant les augmentations promises par Emmanuel Macron sur les crédits de l'Intérieur, la Défense, l'Education ou la Recherche mais aussi la Justice.


Ces hausses n'ont rien d'une assurance anti-contestation, comme en témoigne la fronde d'une large partie du monde judiciaire qui crie misère, alors que la place Vendôme peut se prévaloir d'avoir augmenté de 8% en 2021 puis en 2022 son budget. 


Au total, l'enveloppe pour les ministères a grimpé de 11 milliards d'euros. 


Au rayon des promesses tenues, le gouvernement peut en outre se targuer d'avoir allégé la fiscalité des ménages et des entreprises de 50 milliards sur le quinquennat, au grand dam de la gauche qui s'offusque de ces "cadeaux" aux plus riches et au patronat.


Alors que Paris entend convaincre l'UE et en particulier la nouvelle coalition au pouvoir à Berlin d'assouplir les règles du pacte de stabilité européen et la sacro-sainte règle des 3% du PIB pour le déficit, l'examen du budget 2022 par le Parlement est le dernier dans son genre.


Dès l'année prochaine, la discussion budgétaire sera rénovée grâce à l'entrée en vigueur d'une réforme pilotée par Eric Woerth et Laurent Saint-Martin. 


L'année budgétaire sera davantage calée sur le calendrier européen. Le débat parlementaire donnera davantage de place aux questions de dette et d'investissements. Reste à savoir qui à l'Elysée et à Bercy pilotera la prochaine politique économique du pays.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.