Allemagne : pénuries et pandémie freinent la reprise

Des jeunes au marché de Noël traditionnel Striezelmarkt sur la place Alt Markt de Dresde le 6 décembre 2021. Le marché saisonnier, l'un des plus anciens d'Allemagne, devait ouvrir du 22 novembre au 24 décembre 2021, mais a été contraint de fermer en raison d'une augmentation des infections à Covid-19 dans l'État de Saxe. (John Macdougall/AFP)
Des jeunes au marché de Noël traditionnel Striezelmarkt sur la place Alt Markt de Dresde le 6 décembre 2021. Le marché saisonnier, l'un des plus anciens d'Allemagne, devait ouvrir du 22 novembre au 24 décembre 2021, mais a été contraint de fermer en raison d'une augmentation des infections à Covid-19 dans l'État de Saxe. (John Macdougall/AFP)
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Publié le Samedi 18 décembre 2021

Allemagne : pénuries et pandémie freinent la reprise

  • Pour l'année en cours, la Bundesbank table sur une croissance de 2,5%, contre 3,7% précédemment
  • Ce contexte économique fragile pourrait contrarier les plans du nouveau gouvernement, mené par le social-démocrate Olaf Scholz

BERLIN : Douche froide sur l'économie allemande : la Bundesbank a abaissé vendredi sa prévision de croissance pour cette année et l'an prochain, face aux pénuries persistantes dans l'industrie et à la virulente vague de Covid-19, qui contrarient les premiers pas du nouveau gouvernement.

L'institution prévoit une hausse de 4,2% du PIB l'an prochain, contre 5,2% dans ses dernières estimations en juin. Pour l'année en cours, elle table sur une croissance de 2,5%, contre 3,7% précédemment.

Dans la foulée, l'institut Ifo, principal institut économique allemand, a publié son indice du moral des entrepreneurs, en baisse pour la sixième fois d'affilée en décembre.

Ce baromètre particulièrement scruté par les analystes a atteint 94,7 points, 1,9 point en moins sur un mois, signe des difficultés persistantes de la première économie européenne.

Les prévisions de la Bundesbank se rapprochent de celles du ministère de l'Economie, qui prévoit, selon ses dernières projections d'octobre, une hausse de 4,1% du PIB en 2022.

Elles sont en revanche plus optimistes que celles de l'Ifo, qui s'attend à une croissance de seulement 3,7%.

«Les restrictions dues à la pandémie et les goulots d'étranglement dans l'approvisionnement freinent la croissance», a commenté la Bundesbank dans son communiqué.

-Industrie-

L'Allemagne fait face, depuis plusieurs semaines, à une situation sanitaire dégradée sur le front du Covid-19 l'ayant contrainte à réintroduire des restrictions, qui freinent sa reprise économique.

Et l'arrivée du variant Omicron en Europe, considéré comme plus contagieux, fait craindre une nouvelle flambée.

Par ailleurs, les pénuries de matériaux sur les marchés mondiaux plombent l'industrie manufacturière, un secteur clé de la première économie européenne.

La pandémie de coronavirus a en effet bouleversé les chaînes d'approvisionnement, occasionnant des pénuries de matières premières et de composants, ce qui accroît les tensions inflationnistes.

L'inflation, sujet sensible dans l'opinion publique, devrait, selon la Bundesbank, atteindre une moyenne de 3,2% en 2021 et 3,6% en 2022.

L'industrie automobile, pilier de l'économie allemande, est particulièrement touchée, avec une production qui baisse continuellement depuis cinq mois.

Les commandes industrielles ont chuté de 6,9% en octobre, selon les données officielles, après une hausse de 1,8% en septembre.

Et la production industrielle a connu plusieurs mois de baisse, demeurant en dessous de son niveau d'avant crise, malgré une progression de 2,8% sur un mois en octobre.

«La reprise est un peu retardée», a résumé dans un communiqué Jens Weidmann, président sortant de la Bundesbank.

-Come back-

Après une reprise entamée au printemps, avec une hausse de 2% au deuxième trimestre, et 1,7% au troisième trimestre, l'économie allemande va connaître un hiver de stagnation.

L'institut Ifo prévoit ainsi une baisse de 0,5% du PIB au quatrième trimestre.

Selon la Bundesbank, la situation devrait toutefois s'améliorer à partir du «printemps prochain».

Ce contexte économique fragile pourrait néanmoins contrarier les plans du nouveau gouvernement, mené par le social-démocrate Olaf Scholz, en coalition avec les Verts et les Libéraux.

La hausse de l'investissement public en faveur du climat et des infrastructures est en effet un pilier du programme de cette coalition composite, qui aura besoin de croissance pour le financer.

Berlin a déjà approuvé lundi une rallonge de 60 milliards d'euros sur le budget 2021, destinée à des investissements supplémentaires, essentiellement en faveur du climat.

Ces fonds seront prélevés sur «une partie» des dettes contractées cette année pour faire face à la pandémie de coronavirus, mais n'ayant «pas été utilisées», a indiqué le nouveau ministre des Finances Christian Lindner.

Un tour de passe passe budgétaire qui a suscité les critiques de l'opposition, de nombreuses voix s'interrogeant sur le caractère légal d'une telle manoeuvre. Les conservateurs de la CDU entendent même déposer un recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsuhe.

L'Allemagne va terminer l'année «en queue des classements de croissance de la zone euro», constate Carsten Brzeski, analyste chez ING. Comparativement, la croissance française, attendue à plus de 6%, crève les plafonds.

«Mais ne vous inquiétez pas !», assure M. Brzeski : «les mesures de relance gouvernementales antérieures et les politiques d'investissement impressionnantes du nouveau gouvernement se déploieront en 2022» et l'Allemagne fera son retour comme «championne de la croissance en Europe».


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.