13-Novembre: Jean-Louis Périès, quatre mois «à la manoeuvre» d'un procès hors norme

Ce croquis d'audience réalisé le 4 novembre 2021, montre Jean-Louis Peries président de la cour d'assises spéciale lors du procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015. (AFP)
Ce croquis d'audience réalisé le 4 novembre 2021, montre Jean-Louis Peries président de la cour d'assises spéciale lors du procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015. (AFP)
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Publié le Samedi 18 décembre 2021

13-Novembre: Jean-Louis Périès, quatre mois «à la manoeuvre» d'un procès hors norme

  • Devant les rescapés et proches qui ont témoigné pendant cinq semaine de l'horreur des attentats, Périès a été bienveillant, n'interrompant que très exceptionnellement même lorsque l'on s'éloignait franchement des faits jugés
  • Vendredi, Jean-Louis Périès a suspendu l'audience pour la dernière fois de l'année. «Nous avons tous besoin d'un moment de respiration. Rendez-vous dans cette salle le 4 janvier»

PARIS: Il a imposé sa marque et son tempo: le magistrat Jean-Louis Périès, 65 ans, qui préside depuis près de quatre mois le procès "historique et hors norme" des attentats du 13-Novembre, est salué pour son pragmatisme, soulevant toutefois quelques critiques.

Le 8 septembre, Jean-Louis Périès a ouvert le dernier procès de ses 40 ans de carrière. Dans un inhabituel propos liminaire, il a listé de sa voix posée tout ce pourquoi celui-là était exceptionnel : son nombre de participants, sa durée de neuf mois, sa charge émotionnelle et médiatique. Et prévenu : "Ce qui importe, c'est aussi justement le respect de la norme, le respect des droits de chacun, à commencer par les droits de la défense".

Quelques instants plus tard, il ne se démonte pas quand, déclinant son identité, le principal accusé Salah Abdeslam se présente comme un "combattant de l'Etat islamique". 

"J'avais +intérimaire+ comme profession", remarque l'air de rien M. Périès sans lever les yeux de ses notes.

Robe rouge de président d'assises, cheveux grisonnants, yeux facilement rieurs derrières ses lunettes rectangulaires, ce fils et petit-fils d'hommes de droit (son père était magistrat et son grand-père greffier) s'est imposé comme le personnage central du procès. "Un despote éclairé", dit une avocate de la défense. "Il est à la manoeuvre, il tient son audience", abonde-t-on côté parties civiles. 

Avec les accusés, à qui il ne "manque jamais de respect" comme il le leur a rappelé les rares fois où le ton est monté, il a su se montrer ferme: "Laissez parler le témoin, taisez-vous, si vous continuez vous allez sortir de ce box, M. Abdeslam".

Devant les rescapés et proches qui ont témoigné pendant cinq semaine de l'horreur des attentats, il a été bienveillant, n'interrompant que très exceptionnellement même lorsque l'on s'éloignait franchement des faits jugés. "Merci pour votre témoignage émouvant", "vous avez conscience d'avoir sauvé plusieurs personnes ? Je tenais à vous le dire".

"Évidemment qu'il a débordé de son rôle de président, mais c'est le 13-Novembre, ce n'est pas un procès comme les autres", dit une avocate de la défense.

«Le planning»
Autre moment "exceptionnel", l'audition pour la première fois devant les assises d'un ancien président de la République. "Bonjour Monsieur le Président", dit-il à François Hollande. "Bonjour Monsieur le président", répond le second. Les deux hommes connus pour leur humour sourient en coin, la salle aussi. 

On l'a pourtant senti soulagé dès la mi-novembre de débuter un semblant de procès "normal". "On entre dans le vif du dossier", a-t-il répété à l'arrivée des enquêteurs.

Mais c'est là aussi qu'ont commencé les premières vraies crispations. 

D'abord après sa décision très contestée par la défense d'autoriser les enquêteurs belges à témoigner en visioconférence. Puis avec la "légèreté" de certaines de ces auditions, quand certains enquêteurs se contentaient de lire leur rapport, poussant le président à parfois renoncer à poser des questions.

"Il est pragmatique, il a vu qu'il n'y avait rien à en tirer alors il attend que ça passe", analyse une avocate de partie civile.

Certains regrettent ce côté "diplomate". "On voit qu'il ne veut pas d'incidents et il cède sur des choses sur lesquelles il pourrait ne pas céder".  

Le ton est parfois monté, la défense criant à la "censure du micro". Hors salle, une avocate a vilipendé : "Il nous parle comme à des gamins de CP".

"Il ne veut pas se faire déborder", que "le truc lui explose entre les mains", entend une autre, en défense. Mais le "manque de souplesse" peut faire passer à côté de "moments d'audience".

Car le président Périès, qui a récemment multiplié les rappels sur "le port de masque", a une obsession : "Le planning, le planning, le planning",  fustige une avocate. "L'enjeu principal de ce procès, c'est qu'il ait lieu, et pour Périès, c'est de le mener à son terme", résume un avocat de partie civile. 

"Drôle", "accessible", "connaissant le dossier", le magistrat - qui perd plus facilement patience parfois en fin de journée - est sans aucun doute "tenu" par les enjeux du procès. "Ca doit être infernal à gérer", concluent la plupart des acteurs du procès.

Vendredi, Jean-Louis Périès a suspendu l'audience pour la dernière fois de l'année. "Nous avons tous besoin d'un moment de respiration. Rendez-vous dans cette salle le 4 janvier".


Procès libyen: la cour d'appel de Paris libère l'intermédiaire Djouhri sous contrôle judiciaire

 La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
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  • L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France
  • Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie

PARIS: La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.

L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France, de s'absenter de son domicile en région parisienne entre 8H00 et 20H00, d'entrer en contact avec ses coprévenus.

Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie.

Le parquet général s'était opposé à sa libération en pointant notamment sa double nationalité et le risque de départ en Algérie où la coopération judiciaire avec la France est compliquée.

Selon son avocat, Me Pierre-Henri Bovis, il devrait sortir de la prison parisienne de La Santé "dans les prochaines heures".

"La cour d'appel de Paris, par sa décision, a reconnu cette fois-ci qu'il y avait des garanties de représentation suffisantes, et a enfin admis qu'il n'y avait pas de risque de fuite ou de pression" sur les témoins, s'est-il félicité, soulignant que son client ne s'était "jamais dérobé à ses obligations".

Alexandre Djouhri avait déposé une première demande de mise en liberté qui avait été rejetée début novembre, la cour d'appel estimant qu'il présentait un risque de fuite et des garanties de représentation "particulièrement faibles".

Dans ce dossier, deux autres personnes ont été condamnées en première instance à des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt: l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, condamné à cinq ans de prison, et le banquier Wahib Nacer.

L'ex-chef de l'Etat a été incarcéré vingt jours à la prison de la Santé, avant d'obtenir sa libération auprès de la cour d'appel. M. Nacer, qui avait été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à exécution provisoire, a également été libéré de prison.

Alexandre Djouhri devrait donc comparaître libre, comme tous ses coprévenus, au procès en appel  prévu du 16 mars au 3 juin. Au total, 10 personnes, dont Nicolas Sarkozy et deux de ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, seront rejugées dans ce dossier.


Macron de retour sur le thème de la désinformation, après la polémique sur la labellisation

Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron poursuit en Bretagne son tour de France consacré à la régulation des réseaux sociaux et à la lutte contre la désinformation, tout en répondant aux accusations de « dérive autoritaire » liées à son soutien à une labellisation des médias
  • Le président réaffirme qu’il ne s’agit pas d’un label d’État et dénonce les polémiques

PARIS: Emmanuel Macron reprend mercredi en Bretagne son tour de France sur la régulation des réseaux sociaux et la lutte contre la désinformation, l'occasion de répondre en personne aux accusations de dérive "autoritaire" provoquées par son soutien à une labellisation des médias.

Le chef de l'Etat est attendu dans l'après-midi à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, pour un échange avec des lecteurs d'Ouest-France sur le thème de "la démocratie à l'épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes".

Ses précédents débats organisés par la presse régionale l'ont mené depuis un mois à Toulouse, Arras (Pas-de-Calais) et Mirecourt (Vosges), et il devrait enchaîner avec Marseille la semaine prochaine.

Son idée directrice est de réfléchir à une adaptation de la législation pour réguler les réseaux sociaux, qui échappent largement à la loi de la presse de 1881 qui régit les médias traditionnels. Une réflexion censée déboucher sur des "décisions concrètes" début 2026, même si le président a déjà commencé à égrener des pistes.

Parmi elles, une mesure a déclenché une polémique à retardement.

Emmanuel Macron a en effet apporté un soutien très volontariste à des initiatives existantes de labellisation des médias "par des professionnels", pour distinguer les sites et réseaux qui font de l'information, selon les règles déontologiques, des autres.

"On va tout faire pour que soit mis en place un label", a-t-il lancé le 19 novembre à Arras, tout en assurant que ce n'était par à l'Etat de le faire.

- "Dérive totalitaire" -

Le 30 novembre, le Journal du dimanche s'est saisi de cette proposition pour lui reprocher une "dérive totalitaire", ironisant sur sa volonté présumée de mettre en place un "ministère de la Vérité", comme dans le roman dystopique "1984" de George Orwell.

L'accusation a été aussitôt relayée par les autres médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré puis par plusieurs dirigeants de la droite et de l'extrême droite, qui disent soupçonner le chef de l'Etat de vouloir "contrôler l'information" et museler la liberté d'expression à son profit.

En Conseil des ministres, il y a une semaine, Emmanuel Macron a répondu qu'il n'avait "jamais" envisagé de créer un "label d'Etat" pour les médias, et "encore moins" un "ministère de la Vérité", selon les propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Le compte de l'Elysée s'est même fendu d'un message sur le réseau X pour déplorer que "parler de lutte contre la désinformation suscite la désinformation", visant ceux qui avaient attaqué le président, du patron des Républicains Bruno Retailleau au présentateur vedette de CNews Pascal Praud.

Une réaction officielle qui a déclenché une nouvelle cascade de commentaires enflammés y voyant la démonstration de velléités de contrôle macronistes.

A Saint-Malo, le président de la République doit aussi aborder "les conséquences de la désinformation en matière climatique", à l'occasion des dix ans de l'accord de Paris sur le climat, a fait savoir l'Elysée.


France: vote crucial pour le Premier ministre Sébastien Lecornu

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
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  • Sébastien Lecornu joue son avenir politique sur le vote du budget de la Sécurité sociale, menacé d’être rejeté faute de soutien des Républicains et d’Horizons, malgré l’appui inattendu des socialistes
  • Un rejet pourrait provoquer sa chute, alors que le gouvernement avertit qu’un échec ferait bondir le déficit de la Sécurité sociale et que le scrutin reste extrêmement incertain

PARIS: L'avenir du Premier ministre français Sébastien Lecornu pourrait dépendre mardi de son pari de faire adopter sans majorité le projet de budget de la Sécurité sociale par l'Assemblée nationale, où il s'est assuré du soutien des socialistes mais risque d'être lâché par les siens.

Le texte proposé par son gouvernement de centre-droit pourrait être rejeté. Pas à cause du parti Socialiste (PS), dont le patron Olivier Faure a appelé à voter "pour" et avec lequel le Premier ministre a mené les négociations, mais parce que dans son propre camp, les partis de droite Les Républicains (LR) et du centre-droit Horizons refusent de soutenir un budget qui, à leurs yeux, fait trop de concessions à la gauche.

Le scrutin s'annonce donc extrêmement serré sur ce projet de loi, dans lequel le chef du gouvernement a concédé la suspension de l'emblématique réforme des retraites.

Son rejet pourrait précipiter la chute de Sébastien Lecornu, même si la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a jugé dimanche qu'une démission "n'aurait pas de sens".

Nommé il y a trois mois, le chef du gouvernement, qui défend la méthode des "petits pas", a en effet renoncé à recourir à un dispositif, celui de l'article 49.3 de la constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.

Sébastien Lecornu a déjà senti le vent du boulet souffler sur le volet "recettes" du texte, adopté à peu de voix grâce à plusieurs compromis et a de nombreux absents dans la chambre basse.

Il est reparti à la pêche aux voix pour le volet "dépenses" et surtout pour le vote final sur l'ensemble du projet de loi, prévus tous deux mardi.

Lundi soir, le président du parti Horizons, Edouard Philippe, candidat déclaré pour la présidentielle de 2027, a recommandé à ses députés de s'abstenir, en affirmant n'avoir "jamais voulu" une chute du gouvernement.

Les députés écologistes, dont le vote est crucial, pourraient s'abstenir quant à eux si le gouvernement cède à leur demande d'une augmentation des dépenses de l'assurance maladie.

Le gouvernement ne cesse d'avertir que si aucun texte n'est adopté, le déficit de la Sécurité sociale flamberait à 30 milliards d'euros en 2026, contre 23 en 2025.

L'issue du scrutin est d'autant plus incertaine que les votes ne seront pas unanimes au sein des groupes. LFI (gauche radicale) et RN (extrême-droite) avec l'UDR devraient voter contre, et les communistes majoritairement contre.

Le chef des LR, Bruno Retailleau a appelé à ne pas voter un "budget socialiste", mais certains de ses élus pourraient voter pour.

Si le texte est adopté, son chemin n'est pas terminé pour autant: il repartira au Sénat (chambre haute), avant de revenir à l'Assemblée, à qui le gouvernement pourra alors donner le dernier mot.