L'inflation, baromètre des marchés 2022 et danger pour les banques centrales

Baignant depuis près de deux ans dans un environnement débordant d'argent disponible à des taux très bas, les investisseurs n'ont eu qu'un court laps de temps pour s'adapter à l'arrivée d'un resserrement monétaire plus rapide que prévu. (Photo, AFP)
Baignant depuis près de deux ans dans un environnement débordant d'argent disponible à des taux très bas, les investisseurs n'ont eu qu'un court laps de temps pour s'adapter à l'arrivée d'un resserrement monétaire plus rapide que prévu. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 30 décembre 2021

L'inflation, baromètre des marchés 2022 et danger pour les banques centrales

  • En 2021, les Bourses occidentales ont dépassé leurs sommets d'avant la pandémie, en dépit des rechutes sanitaires dues aux variants Delta et Omicron et d'une sous-estimation de la flambée généralisée des prix
  • Sujet brûlant, la montée des prix est à son apogée depuis 39 ans aux Etats-Unis (+6,8% en novembre, à comparer à +4,9% en zone euro). Et elle devrait perdurer une bonne partie de 2022

PARIS : L'inflation pourrait encore donner quelques sueurs froides aux marchés en 2022, "année test" pour les banques centrales qui jouent leur crédibilité en cherchant à maîtriser cette bête noire.

En 2021, les Bourses occidentales ont dépassé leurs sommets d'avant la pandémie, en dépit des rechutes sanitaires dues aux variants Delta et Omicron et d'une sous-estimation de la flambée généralisée des prix.

Sur l'année, l'indice vedette français CAC 40 a grimpé à ce stade d'environ 25%, le Dax allemand de plus de 13% et le FTSE britannique de plus de 12% (clôture du 17 décembre).

A Wall Street, le S&P 500 enregistre environ +24%, le Dow Jones +16%, et l'indice Nasdaq à forte coloration technologique +18% à cette même date.

Sujet brûlant, la montée des prix est à son apogée depuis 39 ans aux Etats-Unis (+6,8% en novembre, à comparer à +4,9% en zone euro). Et elle devrait perdurer une bonne partie de 2022. 

Dans le même temps, les économies décélèrent et les aides des Etats sont en voie d'extinction, contrairement à la pandémie de Covid-19.

Exercice d'équilibristes

"L'évolution de l’inflation, qui devrait continuer à surprendre à la hausse, et la réaction des banques centrales face à ce phénomène seront les thèmes centraux pour les marchés et la préoccupation principale des investisseurs", prévoit AllianzGI, n'excluant pas "une zone de turbulence" au premier semestre.

Les banques centrales vont en effet avancer progressivement dans la réduction de leur soutien monétaire au premier trimestre.

La prochaine étape consistera à relever leurs taux directeurs. La réserve fédérale américaine (Fed) envisage désormais trois hausses de taux en 2022 alors qu'en juin, elle pensait encore attendre 2023. 

La zone euro ne sera pas logée à la même enseigne puisque la BCE a décidé de se donner du temps.

"Une action trop rapide ou trop forte pèserait sur une croissance encore fragile et sur les actifs risqués" comme les actions, prévient Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d'Allianz Global Investors.

A ce stade, le risque d'une erreur de politique monétaire majeure ne peut être exclu, estiment les experts, qui se laisseront guider par les anticipations d'inflation.

Volatilité accrue

Baignant depuis près de deux ans dans un environnement débordant d'argent disponible à des taux très bas, les investisseurs n'ont eu qu'un court laps de temps pour s'adapter à l'arrivée d'un resserrement monétaire plus rapide que prévu.

Ce n'est qu'en novembre que le président de la banque centrale américaine (Fed) Jerome Powell a changé son point de vue sur l'inflation en déclarant qu'il ne fallait plus la considérer comme transitoire.

"Si les banquiers centraux parviennent à éviter la panique et à contenir les pressions actuelles sur les prix, les marchés devraient afficher une plus grande volatilité mais en sortir relativement indemnes, soutenus par la reprise des flux de trésorerie et des bénéfices" des entreprises, estime Jim Cielinski, responsable mondial de la gestion obligataire chez Janus Henderson.

Déjà stimulées par l'arrivée des vaccins dès l'automne 2020 et de généreuses mesures de relance, les actions ont jusqu'ici profité de la résilience des entreprises. Les pénuries de matières premières, qui participent à la remontée des coûts, pourraient toutefois affecter les résultats financiers du 4e trimestre 2021, voire au-delà.

"Il faudra également être vigilant à l’égard du niveau d'endettement de certaines entreprises", favorisé par le bond des opérations de fusions-acquisitions, souligne Vincent Marioni, directeur des investissements crédit d’AllianzGI.

Les investisseurs pourraient être aussi pris de court par de nouvelles mesures en Chine, comme cet été quand les autorités ont durci les réglementations dans le numérique et le soutien scolaire, au nom de la "prospérité commune", faisant dévisser les indices de la deuxième économie mondiale. 

Egalement secouées par une crise de l'immobilier, les places de Hong Kong et Shanghai ont terminé l'année en baisse respective de plus de 14% et de près de 5% (17 décembre).


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.