Procès du 13-Novembre: l'écriture d'une page judiciaire inédite

Les gendarmes français arrivent au Palais de justice de Paris le 8 septembre 2021, avant le début du procès des accusés des attentats de Paris du 13 novembre 2015. (Photo, AFP)
Les gendarmes français arrivent au Palais de justice de Paris le 8 septembre 2021, avant le début du procès des accusés des attentats de Paris du 13 novembre 2015. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 30 décembre 2021

Procès du 13-Novembre: l'écriture d'une page judiciaire inédite

  • Jamais une audience criminelle n'avait connu une telle durée, ni un tel nombre de parties civiles
  • Moment crucial de la première phase du procès, et là aussi inédit dans la place qui leur a été accordée, environ 350 victimes se sont succédé pendant cinq semaines à la barre

PARIS: Le procès des attentats du 13-Novembre, qui doit disséquer pendant neuf mois le pire crime de masse de l'Après-Guerre en France, écrit une page inédite de l'histoire judiciaire. Jamais une audience criminelle n'avait connu une telle durée, ni un tel nombre de parties civiles. 

Ce "procès du siècle" s'est ouvert le 8 septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris, dans une immense salle d'audience de 550 places construite pour l'occasion.

La taille de la salle devait être à la hauteur de l'enjeu: rendre justice lors d'un procès prévu jusqu'à fin mai 2022 et pouvant accueillir sur un même site quelque 330 avocats, des journalistes du monde entier et les parties civiles.

Leur nombre est sans précédent pour un procès d'assises: près de 1 800 avant l'ouverture des débats, plus de 2 300 un mois plus tard et de nouvelles personnes se constituent encore chaque semaine pour faire reconnaître leur statut de victime.

Moment crucial de la première phase du procès, et là aussi inédit dans la place qui leur a été accordée, environ 350 victimes se sont succédé pendant cinq semaines à la barre pour mettre des mots sur leurs maux.

Face à la cour, et à quelques mètres du box des accusés, rescapés des attaques et proches des victimes ont, avec résilience ou colère, tenté de "transformer les kilos de plomb en kilos de plume". La force de leurs dépositions a ébranlé tous les acteurs du procès.

«Tranquillité impossible»

De cet océan de témoignages est ressortie "une vision plus claire" des blessures du corps et de l'âme des victimes de terrorisme, leur "tranquillité impossible", a résumé à la barre Arthur Dénouveaux, président de l'association Life for Paris.

Seule une petite partie des 1 500 personnes réunies au Bataclan avant le massacre du 13-Novembre ont témoigné.

A défaut de la diffusion d'images - une précaution rare - leur récit collectif a permis de se figurer la masse de cadavres enchevêtrés dans la fosse après les exécutions "méthodiques" - "un pleur, un tir, un téléphone qui sonne, un tir" - des trois assaillants.

Les voix de ces derniers ont retenti dans la salle d'audience à la faveur de la diffusion d'un bref enregistrement audio, le 28 octobre. Et avec elles la revendication des attaques au nom du groupe Etat islamique, en réponse aux "bombardements" français en Irak et en Syrie.

"Vous ne pouvez vous en prendre qu'à votre président François Hollande", peut-on entendre dans cet extrait.

Fallait-il convoquer l'ex-chef de l'Etat, ses anciens ministres, des chercheurs et universitaires comme témoins de contexte à ce procès qualifié d'historique avant même qu'il ne commence ?  

La question a été débattue, dans le prétoire et dans des tribunes, mais François Hollande est bien devenu le premier ancien président à venir témoigner, le 10 novembre, devant une cour d'assises.

Le procès est ensuite entré dans le vif d'une enquête colossale et internationale, qui compte 500 tomes de dossier papier.

Les auditions de dizaines d'enquêteurs français et belges sont l'occasion depuis la mi-novembre de mettre en pratique la décision de la cour d'assises spéciale d'inverser le tour des questions posées aux témoins, objet d'un autre débat judiciaire au début du procès. 

Il est de coutume qu'après les questions de la cour, la parole soit donnée en premier aux conseils de parties civiles, puis aux représentants de l'accusation et enfin à la défense.

Tour de parole

Pour la première fois, le ministère public peut interroger les accusés et les témoins qu'il a fait citer avant les 300 avocats de parties civiles. 

C'est une leçon tirée de certains "errements" du procès des attentats de janvier 2015, lui aussi intégralement filmé pour la constitution d'archives historiques de la justice. Certains avocats de parties civiles s'y étaient érigés en procureurs et ont pu abuser de la primauté du tour de parole.

La durée du procès des attentats du 13-Novembre et son architecture font que la parole ne sera donnée plus longuement aux accusés qu'à partir de janvier 2022, pour qu'ils s'expliquent sur le fond du dossier. 

Si ce n'est une brève déclaration spontanée au tout début du procès, ils n'ont pour l'heure été interrogés que sur leur "parcours de vie" avant les attentats, abstraction faite de leur positionnement religieux. 

Le nouveau chapitre du procès qui s'ouvre à partir de janvier lèvera-t-il les dernières zones d'ombre ? Prompt à s'arroger la parole pour justifier les attaques, Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie des commandos jihadistes, éclairera-t-il la cour sur son rôle exact ?  

Réponse à partir de janvier.


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.


Accord UE-Mercosur: semaines décisives à Bruxelles, la France risque l'isolement

Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
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  • La Commission européenne vise à obtenir le feu vert des États membres pour l’accord commercial UE-Mercosur d’ici le 20 décembre, malgré l’opposition française et des agriculteurs inquiets
  • La ratification finale dépendra du Parlement européen, où le vote pourrait être serré, avec une opposition notable de l’extrême gauche, de l’extrême droite et de nombreux députés français et polonais

BRUXELLES: La Commission européenne veut agir vite. Elle se donne jusqu'au 20 décembre pour obtenir le feu vert des États européens sur l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, que la France aura du mal à bloquer.

Le vote des Vingt-Sept, à la majorité qualifiée, pourrait même intervenir début décembre, selon une source au sein de la Commission.

Les agriculteurs européens sont toujours vent debout contre cet accord qu'ils jugent "inacceptable" et voient comme une menace directe pour des filières comme la viande et le sucre.

Mais Bruxelles estime avoir fait ce qu'il fallait pour les rassurer et... amadouer Paris.

La Commission a annoncé en septembre des mesures de sauvegarde renforcées pour les produits agricoles les plus sensibles, promettant une intervention en cas de déstabilisation du marché.

Les diplomates des pays européens devraient d'ailleurs approuver cette clause de sauvegarde ce mercredi.

Elle "sera efficace pour résoudre les problèmes", martèle le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen.

Ce Luxembourgeois insiste au passage sur les "opportunités" que représente ce traité de libre-échange avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay pour les exportations européennes de vins et de produits laitiers. "Nous avons besoin d'exporter", a-t-il souligné après une réunion avec les ministres de l'Agriculture lundi.

Ce rendez-vous à Bruxelles a permis à chacun de réaffirmer ses positions.

Dans le camp des thuriféraires de l'accord, l'Allemagne et l'Espagne appellent à soutenir les exportateurs européens, notamment industriels, au moment où l'UE souffre sur le plan économique.

Ils jugent indispensables de diversifier les partenariats commerciaux depuis l'imposition de taxes douanières dans les États-Unis de Donald Trump.

"Je pense que l'accord avec le Mercosur progresse et qu'il sera ratifié. Nous espérons qu'il pourra entrer en vigueur au début de l'année prochaine", a déclaré le ministre espagnol Luis Planas.

La valse-hésitation des Français commence d'ailleurs à irriter à Bruxelles.

"Plutôt positif" lors d'un déplacement au Brésil, le président Emmanuel Macron avait semblé faire un pas en avant en faveur de l'accord, avant de rétropédaler après le tollé provoqué par ses propos parmi les agriculteurs français comme dans la classe politique.

Depuis, Paris assure que ce traité n'est toujours pas acceptable en l'état et fixe ses conditions.

- Un Parlement européen divisé -

La France voudrait des "mesures miroirs" pour que tous les pesticides interdits dans l'Union européenne "soient véritablement interdits dans les productions issues des pays du Mercosur", a dit la ministre Annie Genevard.

Paris réclame aussi des contrôles plus efficaces pour garantir que les produits importés respectent les normes européennes.

Dans un exercice d'équilibriste, le Premier ministre Sébastien Lecornu a répété l'opposition de la France à l'accord, mais "il ne faut pas qu’on se mente entre nous. Il y a bien des filières françaises qui vont bénéficier du Mercosur. On ne les entend pas beaucoup pour être honnête", a-t-il relevé lundi.

La France semble avoir compris qu'elle aurait du mal à bâtir une coalition suffisamment large pour s'opposer à l'accord, l'Italie penchant plutôt en faveur du traité désormais.

En attendant, Paris multiplie les échanges avec Bruxelles afin d'obtenir des concessions.

Les Français espèrent un geste sur les "limites maximales de résidus" (LMR) de pesticides autorisés, via un texte sur la sécurité alimentaire que doit présenter la Commission mi-décembre.

Sur l'accord en tant que tel, Bruxelles n'a pas l'intention de modifier sa copie en dépit des critiques. Tout juste est-il évoqué d'éventuelles communications ou échanges de lettres pour rassurer une dernière fois les récalcitrants comme la Pologne et la Hongrie.

L'Union européenne vise un feu vert des pays européens avant le sommet du Mercosur du 20 décembre au Brésil.

Mais la ratification devra ensuite passer par un vote du Parlement européen, où la partie pourrait s'avérer serrée.

"Ca ne va pas être facile. L'extrême gauche et l'extrême droite voteront" contre l'accord et dans les autres camps, "tous les Français et la plupart des Polonais" seront contre également, indique une source parlementaire, qui compte 300 opposants potentiels sur un total de 720 élus.

Environ 150 eurodéputés ont déjà appelé le Parlement à se tourner vers la Cour de justice de l'Union européenne pour contester ce traité. Un vote sur ce point pourrait avoir lieu en plénière dans les semaines qui viennent.