L'année où le roi charbon a repris son trône

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Publié le Mardi 04 janvier 2022

L'année où le roi charbon a repris son trône

L'année où le roi charbon a repris son trône
  • Malgré les appels des militants écologistes à abandonner totalement le charbon comme source de production de l’électricité, 2021 est l'année où le roi charbon a repris son trône
  • Le monde a encore besoin de charbon en grandes quantités, en particulier avec la reprise de la croissance économique mondiale à mesure que la pandémie recule

Comble de l’ironie: malgré les appels des militants écologistes à abandonner totalement le charbon comme source de production de l’électricité, 2021 est l'année où le roi charbon a repris son trône sur les marchés mondiaux de l'énergie.

La quantité d'électricité produite par le charbon a atteint des niveaux record cette année, selon l'Agence internationale de l'énergie. Après avoir chuté au cours des deux années précédentes – en raison de facteurs environnementaux en 2019 et de la récession économique en 2020 –, la production d'électricité au charbon a augmenté de 9% en 2021. L'utilisation globale de charbon, y compris dans des domaines tels que la production de ciment et d'acier, devrait rester à ces niveaux historiquement élevés au cours des deux prochaines années.

L'ironie ne pouvait pas être plus saillante. Alors que les écologistes présents à la COP26, à Glasgow, appelaient haut et fort à la «suppression progressive» du charbon, les gouvernements et les responsables de l'énergie, de Shanghai à Washington, s'inclinaient devant l'inévitable.

Le monde a encore besoin de charbon en grandes quantités, en particulier avec la reprise de la croissance économique mondiale à mesure que la pandémie recule. Dans ces circonstances, même l'engagement dilué de la COP26 à «réduire progressivement» la production de charbon semble irréalisable.

Étant donné que l'électricité au charbon représente environ 37% de l'électricité mondiale et qu’elle constitue la plus grande source d'émissions polluantes de dioxyde de carbone – responsable de la moitié des gaz à effet de serre dans le monde environ –, sa réduction représente un défi majeur dans la transition vers des formes d'énergie plus propres qu’il est indispensable d’effectuer pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris d'ici à 2050.

Au centre du problème se trouvent les demandes énergétiques de la Chine et de l'Inde, les deux plus gros consommateurs. Plus de la moitié des besoins énergétiques nationaux de la Chine sont satisfaits par le charbon; en Inde, le pourcentage est impressionnant: 70%. Et ce chiffre est en augmentation.

Les deux pays ont opposé une résistance ferme aux appels à l’«élimination progressive» à Glasgow, et non sans raison. Il est hypocrite de la part des décideurs économiques occidentaux de leur refuser l'utilisation de la ressource que l'Europe et l'Amérique ont utilisée pendant plus de deux siècles pour alimenter leur développement économique. Que les États-Unis et l'Europe brûlent encore du charbon en quantités énormes rend l'hypocrisie d'autant plus flagrante.

De nombreux pays européens appliquent depuis des années des politiques strictes afin de limiter l'utilisation du charbon, et il est vrai qu'il a considérablement diminué en tant que source de combustible. Cependant, dès que les prix du gaz ont commencé à monter en flèche, l'année dernière, les gouvernements, de Londres à Varsovie, n'ont pas hésité à revenir au charbon. Ou leurs électeurs gelaient, ou quelques tonnes de CO2 étaient à nouveau dégagées dans l'atmosphère: les décideurs européens de l'énergie n’ont pas hésité.

Aux États-Unis, dans le cadre d'une position explicitement anticharbon de l'administration Biden, le pouvoir que le charbon conserve dans certaines parties du pays a été démontré par la capacité Joe Manchin, sénateur de Virginie-Occidentale, le berceau du charbon américain, à éviscérer et à enfin bloquer la législation «Build Back Better» («Construire en mieux») de Biden. Manchin, comme les gouvernements européens, a décidé que les intérêts de ses électeurs étaient plus importants que la bataille contre le réchauffement climatique. Et qui l’en blâmerait?

Les pays du Golfe, en tant que plus gros exportateurs de pétrole au monde, sont traditionnellement des observateurs assez détachés du grand débat mondial sur le charbon. Il y a quelques années, Dubaï a pris la décision de construire une centrale électrique au charbon à Hassyan, aux Émirats arabes unis, pour un montant exorbitant de 3,4 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro, NDLR).

Les responsables de la politique énergétique de l'émirat s'inquiétaient alors d'une dépendance excessive à l'égard des importations de gaz, et on peut se demander s'ils prendraient la même décision aujourd'hui.

À Riyad et à Abu Dhabi, où les experts en énergie veulent rester au fait des tendances mondiales, la résurgence du charbon a des implications importantes. L'Inde et la Chine sont d'importants importateurs de pétrole et leur utilisation accrue de charbon pourrait réduire leur demande d'électricité au fioul.

Le revers de la médaille, cependant, réside dans le fait que la demande en pétrole à des fins autres que la production d'électricité – comme la pétrochimie et d'autres procédés non liés au carburant – pourrait être renforcée, ce qui a constitué une stratégie à long terme des producteurs de pétrole régionaux.

Mais, surtout, le retour du charbon démontre la complexité de la transition énergétique et la nécessité de prendre en compte tous les ingrédients du futur mix énergétique, plutôt que de proférer des slogans simplistes de «sortie progressive» des énergies fossiles.

 

Frank Kane est un journaliste d'affaires souvent primé qui habite Dubaï.
Twitter : @frankkanedubai

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com