Présidentielle sous Covid: «pagaille» sanitaire à l'école et pass vaccinal au Sénat 

Vue d'ensemble prise au Sénat à Paris, le 11 janvier 2022, lors du vote du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire dans le contexte de la pandémie de Covid-19. (AFP)
Vue d'ensemble prise au Sénat à Paris, le 11 janvier 2022, lors du vote du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire dans le contexte de la pandémie de Covid-19. (AFP)
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Publié le Mardi 11 janvier 2022

Présidentielle sous Covid: «pagaille» sanitaire à l'école et pass vaccinal au Sénat 

  • L'opération déminage du Premier ministre Jean Castex lundi soir, avec un protocole sanitaire allégé, n'aura pas suffi
  • Le député et porte-parole du PS Boris Vallaud a même appelé à la démission de M. Blanquer

PARIS: « Pagaille » sanitaire à l'école, pass vaccinal débattu au Sénat, organisation plus complexe de la campagne électorale: la crise du Covid s'immisce toujours un peu plus dans la présidentielle, mardi à 89 jours du premier tour, éclipsant les autres thématiques. 

L'opération déminage du Premier ministre Jean Castex lundi soir, avec un protocole sanitaire allégé, n'aura pas suffi.  

L'opposition continue à dénoncer un « grand cafouillage » avant une grève jeudi des enseignants dans les écoles, collèges et lycées, qui s'annonce très suivie avec 75% de grévistes annoncés. 

« On ne fait pas une grève contre un virus », a lancé, bravache, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, au coeur d'une tempête politique et secoué par les députés à l'Assemblée. 

La droite s'est engouffrée dans la brèche: le président LR du Sénat Gérard Larcher a dénoncé une « pagaille » et le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau un »désaveu » pour le ministre.  

« Blanquer l'incompétent »  

La gauche n'est pas en reste sur une thématique qui lui est chère. Le député et porte-parole du PS Boris Vallaud a même appelé à la démission de M. Blanquer. 

« Effectivement, on ne fait pas grève contre un virus, on fait grève contre un ministre qui fait mal son travail », a souligné Christiane Taubira, en dénonçant le »mépris » de M. Blanquer. 

Face à cette avalanche de critiques, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a défendu des mesures de « bon sens ». Même si Emmanuel Macron a convenu qu'il n'y avait « pas de système parfait » et appelé à la « patience » et au « pragmatisme ».  

Covid toujours, avec le Sénat dominé par l'opposition de droite qui s'est saisi du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal. Il devrait voter, probablement mercredi, le texte en première lecture avec des « ajustements », une semaine après les débats très agités à l'Assemblée nationale, électrisés par les propos polémiques d'Emmanuel Macron, qui s'était dit prêt à « emmerder les non-vaccinés ». 

A l'Assemblée, tous les patrons des groupes politiques sont arrivés ensemble mardi dans l'hémicycle derrière Richard Ferrand pour dénoncer à l'unisson la « montée de la haine » à l'encontre des élus à propos du pass vaccinal. 

Le gouvernement espère une entrée en vigueur de la loi dès le 17 janvier. Le temps presse en plein rebond pandémique. Les malades de Covid-19 continuent d'affluer dans les hôpitaux, qui comptent plus de 22 000 patients, dont près de 4 000 en soins critiques. 

Présidentielle: le numérique à la rescousse pour inciter les jeunes à voter

PARIS : Application ressemblant à Tinder pour trouver son candidat ou sa candidate, discussion automatisée sur WhatsApp pour vérifier son inscription sur les listes électorales... S'appuyant sur de nouveaux outils numériques, des organisations tentent de lutter contre l'abstentionnisme chez les jeunes.

"Le point de départ de notre projet, c'était de combattre une abstention galopante qui augmente élection après élection", explique à l'AFP Grégoire Cazcarra, un des co-fondateurs de l'application Elyze. À la manière du géant de la rencontre sur téléphone, celle-ci fait "matcher" l'utilisateur avec un candidat en fonction des propositions politiques qu'il approuve.

"On voulait développer une solution technologique innovante pour intéresser les jeunes à ce scrutin et les encourager à aller voter", notamment ceux "qui suivent de très loin, voire pas du tout, l'actualité politique", raconte l'entrepreneur.

Les débuts sont prometteurs: lancée début janvier, Elyze est depuis l'une des applications les plus populaires en France, avec plus de 500.000 téléchargements en une semaine.

Sensibiliser les jeunes pour contrer l'abstentionnisme, c'est aussi le pari de l'ONG "A Voté" en partenariat avec Meta France (branche française de la maison mère du réseau social Facebook) et les journaux Ouest-France et 20 Minutes. Ils viennent de lancer un chatbot sur WhatsApp pour encourager leur inscription sur les listes électorales.

Il faut envoyer "Bonjour" pour démarrer la conversation. Ensuite, "le chatbot va vérifier que l'utilisateur sera bien majeur au moment du vote puis le rediriger vers les pages dédiées du site www.service-public.fr pour faire évaluer sa situation électorale", détaille Elisa Borry-Estrade, porte-parole de Meta France.

"En France, la mal-inscription touche 6 millions de personnes et la non-inscription 5 millions de personnes. Donc c'est potentiellement un peu plus de 25% du corps électoral qui aura un empêchement pour pouvoir voter", rappelle Dorian Dreuil, co-président de "A Voté".

"L'objectif de ce partenariat inédit en France, c'est d'être sur les plateformes que les jeunes utilisent aujourd'hui, qui sont les nouvelles arènes des débats", ajoute Flore Blondel-Goupil, également co-présidente de l'ONG.

Cette tranche d'âge est particulièrement touchée par l'abstention: 29% des 18-24 ans s'étaient abstenus lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2017, selon une enquête Ipsos/Sopra Steria - sept points de plus que la moyenne tous âges confondus.

« De vrais actes politiques »

Pour Vincent Moncenis, enseignant en sciences politiques à SciencesPo Bordeaux, les plateformes numériques sont "le moyen numéro un" pour toucher les jeunes.

"Il faut absolument mettre le paquet sur ces outils pour être capable de les faire s'exprimer et pour avoir des candidats qui soient représentatifs derrière", insiste le fondateur de DigitaleBox, une application qui aide les candidats à faire campagne en ligne.

Mais pour Anaïs Theviot, spécialiste des questions de campagnes électorales et du numérique, ces nouveaux outils vont avoir du mal à atteindre leur cible.

"C'est avant tout ceux qui s'intéressent déjà à la politique qui vont télécharger cette application ou utiliser le chatbot", met-elle en garde.

"Ça ne va pas toucher des personnes qui ne s'y intéressent pas ou qui s'abstiennent car le thème ne les intéresse tout simplement pas", analyse la maîtresse de conférences en sciences politiques.

Même constat pour Nadia Soulé, 25 ans, qui a téléchargé Elyze à sa sortie.

"Pour les jeunes qui ne sont pas politisés, ce sont des formats ludiques. C'est une bonne idée et c'est bien de voir qu'on nous écoute et qu'on essaie de faire des choses pour nous. Mais je ne suis pas sûre que les abstentionnistes se rendent aux urnes grâce à ça", suppose cette responsable marketing dans l'informatique.

"Pour eux, ce n'est pas tant une question de support, c'est plutôt (le fait de) les interpeller par de vrais actes politiques", poursuit-elle.

Cela n'empêche pas de nombreuses personnalités politiques d'investir les réseaux sociaux et d'en reprendre les codes, notamment sur TikTok et SnapChat très utilisés par les jeunes ou sur la plateforme de diffusion Twitch, largement utilisée par les aficionados de jeu vidéo.

 

Concertation 

Dans ces conditions, comment organiser la campagne électorale? Le Premier ministre a installé mardi une instance de dialogue avec les partis politiques réunis par visio. 

Les questions des participants ont notamment concerné la prise en compte des frais de campagne liés à la Covid-19, qui exige pour certains des salles plus grandes et la distribution de masques. 

Pour l'heure, et s'appuyant sur le droit constitutionnel qui protège la liberté de réunion, l'exécutif a exclu d'imposer toute restriction aux meetings politiques, renvoyant la responsabilité aux organisateurs. 

Dans les intentions de vote, le président sortant et presque candidat, qui a présenté ses voeux à la presse mardi, reste favori.  

Mais le président des Républicains Christian Jacob a saisi la commission des comptes de campagne et l'Arcom (ex-CSA) pour les alerter sur les dépenses liées aux déplacements d'Emmanuel Macron. 

Celui-ci arriverait en tête du premier tour avec 25% des voix, devant la candidate RN Marine Le Pen (17%) et la LR Valérie Pécresse (16%), selon un sondage Opinionway pour Les Echos et Radio Classique. 

L'autre candidat d'extrême droite Eric Zemmour est donné quatrième à 12%. Au sein d'une gauche profondément divisée, Jean-Luc Mélenchon pour LFI recueillerait 9% des voix, devant l'écologiste Yannick Jadot (8%) et la socialiste Anne Hidalgo (4%). 

Le candidat de La France insoumise, par ailleurs condamné mardi pour injures publiques et diffamation publique pour avoir traité des journalistes de franceinfo d'« abrutis » et de « menteurs », a de nouveau fustigé la stratégie de « l'union à tout prix à gauche », qu'il compare à « une machine à désespérer ». 

« Ce qui compte, ce n'est pas l'union mais la mobilisation », a insisté Mélenchon, qui critique les partisans de la « primaire populaire », cette initiative citoyenne qui va aboutir à l'investiture d'un candidat, du 27 au 30 janvier. Avec peut-être une nouvelle candidature à gauche, celle de Christiane Taubira. 

Une nouvelle candidature est d'ores et déjà survenue mardi: celle du philosophe libéral Gaspard Koenig, qui veut « simplifier » la vie des Français en réduisant « par 100 le nombre de normes ». 


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.