Présidentielle française : dans le bassin de Decazeville, trois générations d'ouvriers sacrifiées

Délégué syndical CGT et ancien salarié de la fonderie SAM David Gistau et son père Pierre Gistau, posent sur l'ancien site de l'usine où travaillait Pierre Gistau, à Decazeville, dans le sud-ouest de la France, le 6 janvier 2022. (Photo, AFP)
Délégué syndical CGT et ancien salarié de la fonderie SAM David Gistau et son père Pierre Gistau, posent sur l'ancien site de l'usine où travaillait Pierre Gistau, à Decazeville, dans le sud-ouest de la France, le 6 janvier 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 21 janvier 2022

Présidentielle française : dans le bassin de Decazeville, trois générations d'ouvriers sacrifiées

  • Un chevalement haut d'une vingtaine de mètres se dresse sur la colline fouettée par un vent glacial
  • Autrefois utilisé pour descendre dans la mine et en remonter le charbon, il fait la fierté d'habitants soucieux de préserver la «mémoire» des lieux

DECAZEVILLE : "C'est la même histoire qui se répète": comme son père sidérurgiste et son grand-père mineur de fond, David Gistau assiste à la fermeture de son usine de Decazeville, bassin sinistré du Sud, alors que la désindustrialisation s'impose comme un thème dominant dans la campagne pour la présidentielle française.

Un chevalement haut d'une vingtaine de mètres se dresse sur la colline fouettée par un vent glacial. Autrefois utilisé pour descendre dans la mine et en remonter le charbon, il fait la fierté d'habitants soucieux de préserver la "mémoire" des lieux.

"Ce bassin représente une terre de résistance, qui a beaucoup souffert et beaucoup donné au pays: l'exploitation charbonnière et la fabrication d'acier et de fonte ont permis d'alimenter des milliers de kilomètres de rails en France", explique à l'AFP David Gistau, 51 ans.

Son père Pierre a du mal à contenir son émotion devant l'immense terrain vague sur lequel se dressait l'usine sidérurgique où il travaillait à Decazeville.

"Ici c'était la fonderie, là-bas l'atelier mécanique et plus loin la chaudronnerie", explique cet homme de 76 ans aux yeux d'un bleu délavé, rappelant les fantômes de bâtiments rasés, de machines démontées, voire envoyées à la casse.

"C'est dur de revenir ici, de voir cette zone complètement sinistrée, ça fait très mal", murmure-t-il, se remémorant l'hiver 1987, quand les hauts-fourneaux se sont éteints, laissant des centaines d'ouvriers sur le carreau.

«Mêmes trahisons»

Avant lui, son père Marius avait connu en 1962 la fin des mines de fond. Marius, un Espagnol, parmi les milliers de Polonais, d'Italiens, de Russes, venus travailler dans les mines françaises au début du XXe siècle. Souvent des migrants ayant fui dictatures et persécutions.

"Ils nous ont assassinés, et maintenant c'est le coup de poignard dans le dos des ouvriers de la SAM", lance-t-il.

La Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), à Viviez, sur les hauteurs de Decazeville, employait quelque 350 salariés et produisait des pièces automobiles pour Renault.

En décembre 2019, elle a été placée en redressement judiciaire. Puis, le 26 novembre dernier, la justice a acté la cessation d'activité et sa liquidation, après le refus du groupe au losange de soutenir l'unique projet de reprise.

"Est-on condamné, dans un territoire comme le nôtre à subir de génération en génération les mêmes politiques, avec les mêmes conséquences ?", s'insurge David Gistau. "C'est mon histoire, mais aussi l'histoire de centaines, voire de milliers de familles d'ici. Mêmes trahisons, mêmes drames sociaux, et des territoires qui se meurent", déplore-t-il.

La lutte contre la désindustrialisation s'est imposée comme un thème phare dans la course à la présidence d'avril. Le sortant Emmanuel Macron ferraille au niveau européen pour faire passer la taxe carbone, afin que les industries françaises ne subissent pas la "concurrence déloyale" venant de pays à "la discipline écologique" moindre.

«Grand emprunt»

Une mesure que soutient sa grande rivale, la candidate de la droite traditionnelle Valérie Pécresse. A l'extrême droite, Marine Le Pen propose "un grand emprunt de reconstruction nationale" de 500 milliards d'euros, tandis que l'écologiste Yannick Jadot prône une réindustrialisation verte de l'économie.

Des mesures vraisemblablement trop tardives pour Decazeville. Le bassin comptait plus de 30 000 habitants en 1968. Ils ne sont plus que 18 000 en 2018, selon les derniers chiffres officiels.

"Tant qu'il y avait du pognon à faire, ça a été fait, et quand on a jugé que ça n'était plus rentable pour engraisser le système capitaliste, le coût humain et social, on s'est assis dessus", enrage Yves Lacout, fondateur d'un musée des mémoires à Cransac, autre village minier proche de Decazeville.

Lui soutient aujourd'hui les ouvriers de la SAM qui occupent leur usine car, dit-il, "quand tu luttes, tu gagnes ou pas. Mais quand tu ne luttes pas, tu as déjà perdu".

Pour sa fille Manon Lacout, 29 ans, le bassin garde aussi un avenir. Même si la maternité où elle est née n'existe plus, de nombreux commerces du centre-ville ont fermé, et les panneaux "à vendre" ou "à louer" tapissent les façades.

"Nos grands-parents se sont battus, ils ont fait grève, ils se sont défendus, ils ont marché ensemble dans la rue, jamais résignés, ils y ont toujours cru", chantonne cette directrice d'école. Un refrain appris alors qu'elle était enfant. Manon Lacout est déterminée à rester au pays.


Troisième jour de grève au Louvre, le musée partiellement ouvert

Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre. (AFP)
Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre. (AFP)
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  • "On est déterminés mais en tant que syndicalistes responsables on a envie d'un apaisement. Il y a eu des avancées mais ça ne répond pas à nos revendications"
  • En première ligne dans ce dossier, le ministère de la Culture a jusqu'à présent notamment promis l'annulation d'une baisse de 5,7 millions d'euros des dotations publiques au Louvre et des recrutements que les syndicats jugent insuffisants

PARIS: Les agents du Louvre ont reconduit leur mouvement de grève jeudi au troisième jour de leur mobilisation contre leurs conditions de travail, contraignant de nouveau le musée à n'ouvrir qu'une partie de ses espaces, a-t-on appris de sources concordantes.

Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre.

De nouveau réunis en assemblée générale jeudi matin, les salariés ont approuvé la poursuite de leur mobilisation contre les problèmes de sous-effectifs, la hausse des tarifs pour les non-Européens ou la dégradation du bâtiment, ont indiqué la CFDT et la CGT.

"On est déterminés mais en tant que syndicalistes responsables on a envie d'un apaisement. Il y a eu des avancées mais ça ne répond pas à nos revendications", a déclaré à l'AFP la déléguée CFDT Valérie Baud.

En première ligne dans ce dossier, le ministère de la Culture a jusqu'à présent notamment promis l'annulation d'une baisse de 5,7 millions d'euros des dotations publiques au Louvre et des recrutements que les syndicats jugent insuffisants.

Jeudi, avec quelques heures de retard liées à la mobilisation, le musée a, comme mercredi, ouvert partiellement ses espaces aux visiteurs qui ont notamment accès au "parcours chefs d’œuvre" incluant la Joconde, la Vénus de Milo ou la Victoire de Samothrace, a indiqué la direction à l'AFP.

"Ce n'est pas un message positif par rapport aux grévistes", a réagi la CFDT.

Parallèlement à ce conflit social, la présidente du Louvre s'est de nouveau défendue jeudi matin, au lendemain d'une audition au Sénat où sa gestion de la sécurité du musée a été durement critiquée.

Interrogée sur France Inter, Laurence des Cars a affirmé disposer encore du crédit suffisant pour se maintenir à la tête du Louvre, qu'elle dirige depuis fin 2021.

"Je suis à la manoeuvre, je dirige ce musée dans une tempête, c'est très clair, mais je suis calme, déterminée pour accompagner les 2.300 agents du Louvre", a-t-elle assuré, ajoutant prendre sa "part quotidienne" de responsabilité dans les dysfonctionnements du musée.

 


«Marseille doit continuer à être debout», appelle Amine Kessaci, invité du conseil municipal

"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire. (AFP)
"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire. (AFP)
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  • Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes"
  • "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers"

MARSEILLE: "Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue", a appelé jeudi le militant écologiste Amine Kessaci, après le meurtre de son frère Mehdi en novembre, invité du dernier conseil municipal de la ville avant les prochaines élections municipales.

"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire.

Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes". "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers".

Pour le militant écologiste, "attaquer les petits jeunes au pied d'immeuble ne va pas stopper ces trafics internationaux". Il faut "exiger des pays comme l'Arabie Saoudite, comme le Qatar, comme la Thaïlande" d'extrader "les têtes de réseau qui vivent très bien de l'argent de la drogue, vivent loin du territoire et font couler le sang ici chez nous et nos enfants se retrouvent assassinés".

Mardi, lors de son déplacement à Marseille, le président de la République Emmanuel Macron a réaffirmé sa détermination à mener la "guerre" contre le narcotrafic.

Il a affiché sa volonté d'aller "chercher dans les pays où sont les têtes de réseau de la coopération, pour pouvoir saisir leurs biens, pour pouvoir arrêter les têtes de réseau, nous les restituer".

Le chef de l’Etat doit se rendre dimanche pour le Noël aux troupes aux Emirats arabes unis, où d'importants narcotrafiquants ont trouvé refuge, selon la justice française.


Pour le Noël des armées, Macron fait cette année le choix des Emirats

La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
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  • En se rendant aux Émirats arabes unis pour le Noël des armées, Emmanuel Macron adresse un message de soutien aux militaires français tout en réaffirmant l’engagement stratégique de la France dans une région marquée par de fortes tensions géopolitiques
  • Ce déplacement met en lumière la solidité du partenariat de défense franco-émirien, pilier de la présence militaire française dans le Golfe et vecteur de stabilité régionale

En choisissant les Émirats arabes unis pour célébrer, les 21 et 22 décembre, le traditionnel Noël des armées françaises, le président Emmanuel Macron a voulu adresser un message clair à ses militaires engagés loin de leurs familles, mais aussi aux partenaires de la France dans une région marquée par de fortes turbulences géopolitiques.

Ce déplacement présidentiel, à la fois militaire et diplomatique, illustre la solidité d’un partenariat stratégique noué de longue date entre Paris et Abou Dhabi.

Comme le veut la tradition, le président de la République partagera un moment privilégié avec les forces françaises déployées sur place, après une séquence bilatérale avec les autorités émiriennes.

Selon le palais de l’Élysée, Emmanuel Macron se rendra directement auprès des militaires : il dînera avec eux, avant de consacrer la matinée suivante à des échanges de terrain et à des démonstrations opérationnelles, au plus près de la réalité de leur engagement en période de fêtes.

Si le choix des Émirats arabes unis n’a rien d’anodin, c’est parce que la région concentre aujourd’hui un grand nombre de crises majeures : conflits persistants au Moyen-Orient, tensions maritimes affectant le commerce mondial, instabilité chronique de plusieurs États.

Un déplacement stratégique dans une région sous tension

Le Golfe est devenu un carrefour stratégique où se croisent enjeux sécuritaires, diplomatiques et économiques et, en s’y rendant, le chef de l’État entend rappeler que la France demeure un acteur militaire et diplomatique engagé à l’échelle mondiale.

Mais ce déplacement est aussi l’occasion d’incarner la relation de confiance qui lie Paris et Abou Dhabi depuis plus de trente ans.

Le partenariat de défense franco-émirien, formalisé et renforcé par un accord signé en 2009, s’est progressivement imposé comme l’un des piliers de la présence française dans la région. Il repose sur une coopération étroite, une interopérabilité accrue des forces et un partage d’objectifs communs en matière de stabilité régionale.

Les Émirats arabes unis accueillent en effet un dispositif militaire français structurant. À Abou Dhabi se trouve un état-major interarmées, à la tête duquel est placé un amiral commandant à la fois les Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFAU) et les forces françaises déployées dans l’océan Indien.

Cette implantation est complétée par une base navale française, ainsi que par une base aérienne située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, où sont notamment stationnés des avions de combat Rafale.

À environ 70 kilomètres à l’ouest d’Abou Dhabi, dans une zone désertique, est également déployé le 5ᵉ régiment de cuirassiers, équipé de matériels de dernière génération, dont des chars Leclerc et des véhicules blindés de combat.

C’est sur ce site que se déroulera l’essentiel de la séquence militaire du déplacement présidentiel, avec une démonstration interarmées illustrant les capacités opérationnelles françaises.

Au total, près de 900 militaires français sont stationnés aux Émirats arabes unis. Ils jouent un rôle clé dans plusieurs opérations majeures.

Un partenariat militaire franco-émirien au cœur de la présence française dans le Golfe

Les moyens aériens basés aux Émirats contribuent notamment à l’opération Chammal de lutte contre le terrorisme, tandis que les capacités maritimes participent à l’opération européenne Aspides, destinée à sécuriser le trafic international en mer Rouge, récemment menacé par des attaques visant la navigation commerciale.

Au-delà de la dimension opérationnelle, la présence française aux Émirats arabes unis constitue un symbole fort de coopération stratégique et traduit la volonté partagée de renforcer la stabilité régionale, de sécuriser les grandes routes maritimes internationales et de soutenir les efforts de paix dans des zones fragilisées comme l’Irak, le Yémen, la Libye ou encore le Soudan.

Tous ces sujets pourraient être abordés lors des échanges entre le président français et le président émirien, Cheikh Mohamed ben Zayed.

En se rendant auprès des forces françaises à Noël, accompagné de la ministre des Armées, Emmanuel Macron entend surtout témoigner de son attachement personnel aux militaires engagés loin de la métropole.

Le message qu’il veut leur adresser est autant humain que politique, puisqu’il s’agit d’exprimer la reconnaissance de leur engagement et d’affirmer la crédibilité militaire française.

Dans un contexte international tendu, le choix des Émirats arabes unis pour le Noël des armées apparaît ainsi comme un signal fort : celui d’une France fidèle à ses alliances, pleinement investie dans la sécurité internationale et consciente que sa présence militaire est indissociable de relations diplomatiques durables et de partenariats stratégiques solides.