Droits humains en Afghanistan: les Occidentaux exposent leurs exigences aux talibans

Amir Khan Muttaqi et Jan Egeland du Conseil norvégien pour les réfugiés assistent à une réunion entre des organisations humanitaires norvégiennes et des représentants des talibans à l'hôtel Soria Moria à Oslo, en Norvège, le 25 janvier 2022. (AFP)
Amir Khan Muttaqi et Jan Egeland du Conseil norvégien pour les réfugiés assistent à une réunion entre des organisations humanitaires norvégiennes et des représentants des talibans à l'hôtel Soria Moria à Oslo, en Norvège, le 25 janvier 2022. (AFP)
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Publié le Mercredi 26 janvier 2022

Droits humains en Afghanistan: les Occidentaux exposent leurs exigences aux talibans

  • Les talibans voient dans ces rencontres à l'hôtel Soria Moria, sur une colline enneigée d'Oslo, un pas vers une reconnaissance internationale
  • Puissance invitante, la Norvège affirme, elle, que les discussions ne sont ni «une légitimation ni une reconnaissance» du gouvernement taliban

OSLO : Liant la reprise des aides à l'Afghanistan au respect des droits humains, les Occidentaux ont étalé leurs exigences aux talibans mardi à Oslo, au dernier jour d'une visite inédite et controversée des islamistes.

Ultime chapitre de leur premier déplacement officiel en Europe depuis leur retour au pouvoir en août, les talibans, toujours en quête de reconnaissance internationale et d'argent, ont eu des rencontres bilatérales à huis clos avec plusieurs diplomates occidentaux.

Ces derniers ont saisi l'occasion d'exposer ce qu'ils attendent des talibans redevenus maîtres d'un pays où plus de la moitié de la population est menacée par la faim cet hiver. 

"J'ai aussi souligné la nécessité que les écoles primaires et secondaires soient ouvertes aux garçons et aux filles dans tout le pays quand l'année scolaire commencera en mars", a tweeté l'envoyé spécial de l'Union européenne en Afghanistan.

Tomas Niklasson répondait à un autre tweet du porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères, lequel se félicitait d'un engagement de l'UE à "continuer son aide humanitaire à l'Afghanistan".

Emmenée par leur ministre des Affaires étrangères, Amir Khan Muttaqi, la délégation des islamistes a aussi eu des entretiens bilatéraux avec un haut fonctionnaire français, Bertrand Lotholary, l'envoyé spécial britannique Nigel Casey et des membres du ministère norvégien des Affaires étrangères.

La tenue de discussions similaires avec les représentants américains n'a pas été confirmée.

Les talibans voient dans ces rencontres à l'hôtel Soria Moria, sur une colline enneigée d'Oslo, un pas vers une reconnaissance internationale.

"Le fait d'être venus en Norvège (...) est une réussite en soi car nous avons partagé la scène internationale", s'est félicité M. Muttaqi lundi, "de ces rencontres, nous sommes certains de retirer un appui dans les secteurs humanitaire, sanitaire et éducatif en Afghanistan".

Puissance invitante, la Norvège affirme, elle, que les discussions ne sont ni "une légitimation ni une reconnaissance" du gouvernement taliban.

Mais sa décision d'accueillir cette délégation, transportée dans un jet privé qu'elle a affrété à grands frais, a été vivement critiquée par nombre d'experts, membres de la diaspora et militants afghans. 

Également dans leur collimateur: la présence parmi les 15 membres de la délégation - exclusivement masculine - d'Anas Haqqani, un des chefs du réseau Haqqani, responsable d'attentats meurtriers en Afghanistan et considéré par les Etats-Unis comme groupe "terroriste".

«Changements graduels»

Cette visite "est la première étape pour commencer à traiter avec ceux qui détiennent de facto le pouvoir en Afghanistan", a expliqué le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store.

"Si nous ne commençons pas par cette première étape, je crains que nous ne soyons exposés à quelque chose d'assez terrible en matière de catastrophe humanitaire", a-t-il poursuivi, défendant l'initiative controversée de cette visite.

Aucun Etat n'a pour l'instant reconnu le régime taliban et la communauté internationale attend de voir comment les islamistes gouvernent le pays avant un déblocage éventuel des aides.

"Ce n'est pas le début d'un processus ouvert et infini dans le temps", a affirmé le secrétaire d'Etat norvégien Henrik Thune qui devait s'entretenir avec les talibans dans la soirée.

"Nous allons avancer des exigences tangibles dont on pourra assurer un suivi et voir s'ils les remplissent", a-t-il dit lundi à l'agence norvégienne NTB.

Outre la possibilité de fournir une aide humanitaire directement à la population afghane, ces exigences devaient principalement porter sur les droits humains, en particulier ceux des femmes et des minorités, tels que l'accès à l'éducation et aux services de santé, le droit de travailler et la liberté de mouvement.

Sous le règne des talibans, les femmes sont largement exclues des emplois de fonctionnaires et les écoles secondaires pour filles restent pour la plupart fermées.

Le sort de deux féministes disparues la semaine dernière à Kaboul après avoir participé à une manifestation devait aussi être soulevé. Les talibans nient toute implication.

"On ne peut sauver des vies sans que les sanctions soient levées", a déclaré mardi Jan Egeland, chef du Conseil norvégien pour les réfugiés, avant une rencontre entre les ONG comme la sienne et les talibans.

Le gel des aides "pénalise les mêmes civils que ceux pour la défense desquels les pays de l'Otan ont dépensé des centaines de milliards jusqu'en août", a-t-il fait valoir.

Conséquence de la suspension des aides mais aussi de plusieurs sécheresses, 55% de la population afghane est menacée par la faim, selon l'ONU.

À Oslo, un observateur occidental dit avoir relevé "quelques changements graduels des deux côtés".

"Mais je pense que nous aurons besoin de plus de ces réunions avant que les talibans et l'Occident n'arrivent à traiter les uns avec les autres", a-t-il dit.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.