Nouvelle mobilisation anti-putsch au Soudan, sous les grenades lacrymogènes

Des manifestants soudanais participent à un rassemblement pour protester contre le coup d'État militaire de l'an dernier, dans la capitale Khartoum, le 30 janvier 2022.(AFP)
Des manifestants soudanais participent à un rassemblement pour protester contre le coup d'État militaire de l'an dernier, dans la capitale Khartoum, le 30 janvier 2022.(AFP)
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Publié le Dimanche 30 janvier 2022

Nouvelle mobilisation anti-putsch au Soudan, sous les grenades lacrymogènes

  • Malgré les soldats en armes bloquant routes et ponts et les blocs de ciment installés devant le QG de l'armée et le palais présidentiel, la mobilisation ne faiblit pas
  • Toujours privé d'aide internationale en rétorsion au putsch, le pays, l'un des plus pauvres au monde, est de plus en plus divisé

KHARTOUM : Un manifestant a été tué dimanche alors que des milliers de Soudanais convergent une nouvelle fois vers le palais présidentiel de Khartoum pour dénoncer le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane et réclamer justice et démocratie.

Malgré les soldats en armes bloquant routes et ponts et les blocs de ciment installés devant le QG de l'armée et le palais présidentiel, la mobilisation ne faiblit pas, plus de trois mois après le coup d'Etat mené le 25 octobre par le chef de l'armée et en dépit de la répression.

Depuis le putsch, 79 manifestants ont été tués selon un syndicat de médecins pro-démocratie. Parmi eux, figure un homme de 27 ans qui a été touché à la poitrine dimanche à Khartoum, rapporte ce syndicat affirmant ne pas pouvoir préciser dans l'immédiat la nature de la blessure.

Il peut s'agir d'une balle, comme cela a souvent été le cas par le passé ou d'une grenade lacrymogène l'ayant frappé de plein fouet, comme cela a été le cas pour plusieurs blessés aux abords du palais présidentiel, aussitôt transportés par des camarades, comme l'a constaté un journaliste de l'AFP sur place.

"Oeil pour oeil", crie dimanche la foule à Khartoum et "les militaires à la caserne", scandent les manifestants à Gedaref, Kessala et Wad Madani (est), au Darfour (ouest), à Kosti (sud) ou Dongola et Atbara (nord).

Comme à la veille de toute mobilisation contre le pouvoir militaire, les autorités ont de nouveau raflé 45 militants ces trois derniers jours selon les comités de résistance locaux.

Alors que Washington a prévenu que poursuivre la répression pourrait "avoir des conséquences", les autorités ont annoncé avoir "confisqué les armes" de soldats filmés tirant à la kalashnikov sur des manifestants, mais disent sur les médias d'Etat avoir encore besoin des témoignages des manifestants.

Face aux critiques, elles enquêtent aussi sur un autre dossier: les "ambassades qui ne respectent pas les usages diplomatiques", rapporte l'agence de presse officielle.

Quand la police avait annoncé mi-janvier qu'un de ses généraux avait été poignardé par des manifestants, un homme présenté comme l'auteur des coups mortels avait été arrêté en quelques heures.

Une nouvelle fois malgré tout, l'ONU a rappelé que "restreindre la liberté d'expression et de rassemblement mènera à plus de tensions". 

"Nous appelons les autorités à laisser les manifestations se dérouler sans violence", plaide encore sa mission à Khartoum.

Camps rivaux 

Toujours privé d'aide internationale en rétorsion au putsch, le pays, l'un des plus pauvres au monde, est de plus en plus divisé. 

Comme juste avant le coup d'Etat, des cortèges concurrents défilent désormais à Khartoum. 

Mercredi, les pro-armée avaient conspué par milliers l'ONU et son initiative de dialogue devant son QG. L'émissaire des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, a dénoncé des "amis du NCP", le Parti du Congrès national du dictateur déchu Omar el-Béchir.

S'ils sont rivaux, les deux camps s'accordent sur un point: le rejet du dialogue. 

Les pro-armée veulent entériner le statu quo post-putsch alors que les pro-démocratie refusent désormais tout partenariat avec les généraux.

En 2019, après trente années de dictature militaro-islamiste du général Omar el-Béchir, les civils avaient choisi de partager le pouvoir avec l'armée, quasiment toujours aux commandes au Soudan depuis son indépendance il y a 66 ans.

Mais aujourd'hui, crie la rue, "pas de partenariat, pas de négociation" possibles avec les généraux qui n'en finissent plus de purger les institutions créées en 2019 pour débarrasser le pays des réseaux du NCP.

"Nous ne partirons pas des rues avant la chute du régime des putschistes, l'avènement d'un Etat démocratique et le procès des criminels qui s'en sont pris au peuple", promettent les Forces de la liberté et du changement (FLC), principal bloc pro-civils du pays.

En dépit des appels à se débarrasser du pouvoir militaire, son numéro deux, le chef des très redoutées forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), le général Mohammed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", a multiplié les apparitions publiques à l'intérieur du pays comme à l'étranger ces derniers jours. 

Il est allé en Ethiopie voisine et ne cesse de rencontrer chefs tribaux et représentants des conseils locaux, dignitaires puissants sous Béchir mis à l'écart par la génération de la "révolution" de 2019.


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
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  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
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  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
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  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.