Racisme et discriminations: l'envers du décor de l'usine californienne de Tesla

L'usine Tesla à Fremont, en Californie, photo prise le 10 février 2022 (AFP).
L'usine Tesla à Fremont, en Californie, photo prise le 10 février 2022 (AFP).
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Publié le Samedi 12 février 2022

Racisme et discriminations: l'envers du décor de l'usine californienne de Tesla

  • Cette semaine l'Etat de Californie a engagé des poursuites séparées contre l'usine pour discrimination raciale mais la procédure est sans cesse repoussée
  • des accusations de « ségrégation raciale» et de harcèlement sexuel sur son site californien jettent l’opprobre sur l'entreprise automobile la plus valorisée en Bourse

SAN FRANCISCO: Les prouesses économiques et technologiques de Tesla ont longtemps occulté les critiques contre son fantasque patron Elon Musk et les plaintes de certains employés. Mais des accusations de "ségrégation raciale" et de harcèlement sexuel sur son site californien jettent l’opprobre sur l'entreprise automobile la plus valorisée en Bourse.

"Quand j'ai vu Tesla s'installer dans la baie (de San Francisco), j'étais très content", se souvient Larry Organ, un avocat spécialisé dans les droits civiques. "Ils répondent au changement climatique, ils font du recyclage, leurs voitures électriques sont bien notées... Tout semblait parfait. Et puis j'ai commencé à recevoir des appels."

Il a reçu tellement de plaintes d'employés noirs victimes de racisme qu'une action de groupe est en cours en justice depuis 2017, contre l'usine de Fremont, qui produit la majorité des véhicules de la marque prestigieuse.

La procédure est sans cesse repoussée. "J'ai plaidé des milliers d'affaires mais Tesla est l'un des pires adversaires en termes d'obstination et de mauvaise foi", souligne M. Organ.

Mercredi, l'Etat de Californie a engagé des poursuites séparées contre l'usine pour discrimination raciale.

"Après avoir reçu des centaines de plaintes de travailleurs, nous avons trouvé des preuves de ségrégation raciale à l'usine de Fremont", a déclaré mercredi Kevin Kish, le directeur de la DFEH, l'agence chargée d'enquêter sur les affaires civiles.

En décembre, six femmes ont déposé plainte, accusant Tesla d'avoir toléré du harcèlement sexuel (grivoiseries et contacts physiques non sollicités).

L'usine a aussi fait les gros titres ces dernières années au sujet des échecs de tentatives de syndicalisation et après un meurtre sur le parking.

Clause contractuelle

Comment la situation s'est-elle dégradée au point que l'accusation de "ségrégation raciale" soit prononcée ?

Parce que ces problèmes "n'affectent pas les profits" de Tesla, répond Owen Diaz, un ex-employé du groupe et victime de racisme.

Il évoque la clause contractuelle qui oblige à résoudre les conflits en interne, très répandue dans les sociétés américaines.

"L'entreprise ne prend jamais ses responsabilités", explique-t-il. Les "arbitres", payés par le groupe, "prennent toujours son parti".

Ouvrier sur la chaîne d'assemblage pendant neuf mois en 2015-2016, il raconte avoir subi des insultes racistes au quotidien, y compris le "N-word" (le terme raciste et extrêmement méprisant pour désigner les Noirs). Sans conséquences pour les auteurs de ces propos dégradants.

En octobre, un jury a condamné le fabricant automobile à lui payer 137 millions de dollars de dommages et intérêts, pour avoir fermé les yeux.

"Quand on rapportait ce qui se passait, on s'entendait dire qu'on avait une attitude négative", relate M. Diaz.

Il évoque aussi l'attitude du patron, Elon Musk, deuxième homme le plus riche au monde selon Forbes.

En octobre, il avait tweeté qu'il aimerait ouvrir une université baptisée "Texas Institute of Technology & Science", suscitant l'hilarité de ses nombreux fans, car l'acronyme, TITS, signifie "nénés".

C'était à la même période où surgissaient les récits sur le sexisme observé chez le constructeur, mais aussi chez SpaceX, une autre société de l'entrepreneur.

Vision

La culture de Tesla consiste à "mettre en scène la transgression, le non-respect des règles", commente David Lowe, l'avocat de plusieurs femmes ayant porté plainte.

"Cela contribue à un environnement où les gens croient qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, (...) que cela blesse les autres ou non."

Tesla a connu une croissance hors norme, portée par la détermination d'Elon Musk, jamais réticent à un clash avec les autorités boursières ou gouvernementales.

Il a ainsi longuement menacé la Californie de partir à cause des restrictions sanitaires pendant la pandémie, qui retardaient la production. Et à l'automne, il a déplacé le siège du groupe au Texas.

Tesla, qui n'a pas réagi à une sollicitation de l'AFP, a publié mercredi un communiqué sur les poursuites engagées par l'Etat américain, assurant vouloir offrir un lieu de travail "sûr, respectueux, juste et inclusif".

Le groupe juge la plainte "injuste et contre-productive", "au moment où les emplois industriels quittent la Californie".

Le fabricant a livré près d'un million de voitures en 2021 et réalisé 5,5 milliards de dollars de profits, malgré les difficultés mondiales d'approvisionnement.

"Les ouvriers nous parlent régulièrement des quotas et de la pression pour produire des véhicules tellement vite que beaucoup se blessent", indique Steve Smith, directeur de la communication d'une fédération californienne de syndicats.

"Mais ils ont trop peur de perdre leur emploi pour se plaindre ou s'exprimer publiquement".

"Je crois toujours en la vision" d'Elon Musk, remarque Owen Diaz, désormais conducteur de bus. "Nous avons besoin de nous débarrasser des énergies fossiles".

"Mais je n'aime pas ses méthodes. C'est comme un coup de poignard dans le dos".


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com