La France et ses partenaires européens se retirent militairement du Mali

Le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel. (AFP).
Le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel. (AFP).
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Publié le Jeudi 17 février 2022

La France et ses partenaires européens se retirent militairement du Mali

  • La France et ses partenaires européens ont officialisé leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris
  • Paris et ses partenaires souhaitent toutefois «rester engagés dans la région» sahélienne et «étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest» pour contenir la menace jihadiste

PARIS: Poussés dehors par les "obstructions" de la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé jeudi leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris.

"En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états Européens opérant aux côtés de l'opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d'entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations", soulignent-ils dans une déclaration conjointe. 

Paris et ses partenaires souhaitent toutefois "rester engagés dans la région" sahélienne et "étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest" pour contenir la menace jihadiste. Les "paramètres" de cette réorganisation seront arrêtés "d'ici juin 2022". 

Emmanuel Macron devait tenir à l'Elysée une conférence de presse à 08H00 GMT, notamment aux côtés du président du conseil européen Charles Michel, pour annoncer les décisions actées mercredi soir lors d'un sommet réunissant plusieurs dirigeants européens et africains.

La France est militairement présente depuis 2013 au Mali, proie des groupes jihadistes qui sévissent aussi dans d'autres Etats sahéliens. Paris est intervenu pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux menaçant Bamako et a ensuite mis sur pied une vaste opération régionale, Barkhane, déployant des milliers de soldats pour lutter contre les franchises locales d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique.

Mais malgré des victoires tactiques, le terrain n'a jamais été véritablement repris par l'Etat malien et ses forces armées. 

Facteur aggravant, le gouvernement malien a été renversé lors d'un double coup d'Etat en 2020 et en 2021, aboutissant à l'arrivée au pouvoir d'une junte qui refuse d'organiser des élections avant plusieurs années et qui surfe sur un sentiment antifrançais croissant dans la région.

Mises au ban par les Etats ouest-africains, les autorités maliennes fustigent la présence militaire occidentale sur leur sol et font désormais appel, selon les Européens, aux mercenaires russes de la société Wagner.

Quelque 25.000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4.300 Français (2.400 au Mali dans le cadre de Barkhane), selon l'Elysée. Le pays accueille aussi 15.000 soldats de l'ONU au sein de la Minusma, dont l'avenir est désormais en suspens puisqu'elle comptait sur un large soutien de Barkhane.

«Vide» sécuritaire

Le Mali était au cœur du dispositif antiterroriste français et européen au Sahel. Emmanuel Macron avait déjà décidé d'amorcer à l'été 2021 une réduction des effectifs français au profit d'un dispositif régional moins visible, mais ce départ contraint du pays va forcer Paris à accélérer cette réorganisation dans d'autres pays de la région menacés par la contagion jihadiste, notamment dans le golfe de Guinée. 

"Nous considérons que la lutte contre le terrorisme est quelque chose d'essentiel pour le Mali, pour le Burkina, pour le Niger et pour les pays côtiers", a assuré le président ivoirien Alassane Ouattara mercredi sur RFI et France 24.

"Le départ de Barkhane et de Takuba (groupement de forces spéciales européennes, NDLR) crée un vide. Nous serons obligés d'acheter des armes, d'avoir une plus grande professionnalisation mais c'est notre devoir aussi. Les armées nationales doivent régler les problèmes sur nos territoires nationaux et c'est cela notre philosophie", a-t-il estimé. 

"Nous avons besoin de réinventer notre partenariat militaire avec ces pays", a souligné mardi la présidence française. "Il ne s'agit pas de déplacer ce qui se fait au Mali ailleurs, mais de renforcer ce qu'on fait au Niger et de soutenir davantage le flanc sud", a-t-elle ajouté.

Retrait du Mali: premières réactions politiques en France

Voici les premières réactions politiques en France après l'officialisation par la France et ses partenaires européens jeudi de leur retrait militaire du Mali, au terme de neuf ans de lutte antidjihadiste.

Valérie Pécresse (Candidate LR à la présidentielle sur LCI):

"Notre mission au Sahel de lutte contre l'islamisme n’est pas terminée, je souhaite que la France reste au Sahel, que nos militaires qui ont payé le prix du sang, je veux que ces militaires puissent continuer cette lutte contre l'islamisme, le djihadisme au Sahel. En revanche, je pense que la façon dont la France est traitée par la junte malienne n'est pas digne et qu'on ne peut pas payer le prix du sang pour un pays qui ne veut pas de vous. Cette décision de réorganisation est une bonne décision, si c'est réorganiser. Mais il ne faut pas partir comme l'ont fait les Américains en Afghanistan, il ne faut pas abandonner ce terrain sur lequel la France défend des valeurs universelles. Il faut rester au Sahel. Si on abandonne ce terrain alors nos soldats seront sans doute morts pour rien et ça je ne l'accepterai pas".

Fabien Roussel (candidat du PCF, sur Cnews):

"La France doit se retirer de manière concertée du Mali, voire du Sahel, le faire en concertation avec ces pays, elle doit surtout changer de politique, le monde a changé, l'Afrique a changé, la France n'a pas changé, c'est encore la France-Afrique, la solution ne sera pas militaire, elle sera celle de la coopération et du développement. La Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, NDLR) impose un blocus aujourd'hui au Mali, ce blocus va appauvrir les populations d'abord, et nous nous opposons à ce blocus, je regrette que Jean-Yves Le Drian le soutienne".

Olivier Faure (Premier secrétaire du PS, sur France 2): a rendu hommage aux combattants de l'opération Barkhane disparus au Sahel, qui ont défendu, "nos valeurs, nos liberté et la possibilité pour les Maliens de vivre en dehors de la soumission au djihadisme". "C'était une opération très utile. Il faut que les Français restent sous une autre forme dans la bande sahélienne, même si avec le Mali c'est devenu plus compliqué. Il va falloir continuer à maintenir une présence parce qu'elle est demandée et qu'elle est souhaitable pour notre sécurité collective".

Guillaume Lacroix (président du PRG sur Twitter):

"Après des années de combat pour notre sécurité et nos libertés face aux djihadistes qui s’installent au Sahel, la France acte son retrait militaire du Mali. Mon inquiétude est immense. Mes pensées vont aux 58 militaires tombés pour nous."

Jean-Christophe Lagarde (Président de l'UDI, sur Twitter):

"Le départ de l’Armée Française était devenu inévitable, malgré l’énorme travail de nos soldats, face à un pouvoir malien usurpé qui se nourrit d’une propagande anti-française éhontée. Ce départ signe aussi hélas l’échec total des stratégies successives de M. Macron. Jour sombre"

Selon une source proche de l'Elysée, la France a promis de coordonner son retrait avec la mission de l'ONU au Mali et la Mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM), qui continueront de bénéficier d'un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens.

Hors du Mali, Paris compte poursuivre la lutte antijihadiste dans la région, où les mouvements affiliés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l'élimination de nombreux chefs.

Outre un possible renforcement de sa présence au Niger voisin, qui héberge déjà une base aérienne française et 800 militaires, Paris ambitionne de proposer ses services à d'autres pays d'Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire, Sénégal, Bénin...) pour les aider à contrer la propagation du jihadisme vers le golfe de Guinée.

Depuis 2013, 53 soldats français ont été tués au Sahel, dont 48 au Mali.

Génération Barkhane: clap de fin après une décennie de guerre asymétrique

Avec le retrait militaire français du Mali et la fin annoncée de l'opération antidjihadiste française Barkhane, une page se tourne pour les armées tricolores au terme de près d’une décennie de guerre asymétrique marqué par l'irruption de l’usage des drones armés par les Français.

Barkhane au Sahel, la plus grosse opération extérieure actuelle de la France, a mobilisé jusqu'à 5 500 hommes sur le terrain en 2020. Elle a entamé sa mue à l'été sur décision du président Emmanuel Macron, qui prévoit de réduire le nombre de militaires français au Sahel à 2 500 ou 3 000 d'ici 2023.

Depuis 2013 et le lancement de l'opération Serval, à laquelle à succédé Barkhane l'année suivante, une génération entière de soldats français a foulé les sables sahéliens pour traquer les groupes djihadistes affiliés à Al Qaïda et au groupe Etat islamique.

Un conflit asymétrique dans une zone semi-désertique vaste comme l'Europe, contre un ennemi souvent soucieux d'éviter l'affrontement direct, mobile et capable de se fondre dans la population. L'arme principale des djihadistes au Sahel: les bombes artisanales, première cause de mortalité et de blessures côté français. Les groupes djihadistes ont également recours à des tirs indirects (tirs de mortiers, roquettes) et sont capables de monter des attaques complexes contre des bases isolées ou des convois.

Face à cette menace mouvante, le dispositif français, réparti sur plusieurs emprises (Gao, Ménaka, Gossi au Mali, Niamey au Niger) mobilise d'importants moyens terrestres, notamment des blindés, dont certains modèles vieillissants présentent toutefois des vulnérabilités face aux bombes artisanales. Les armées ont ainsi entrepris de renforcer leurs véhicules blindés légers (VBL), et commencé à déployer à l'automne dernier le véhicule de transport de troupes de nouvelle génération Griffon, pour remplacer le véhicule de l'avant blindé (VAB).

Quelques centaines de forces spéciales basées au Burkina Faso sont chargées des raids antiterroristes.

La France bénéficie aussi de capacités aériennes permettant d'agir rapidement : avions de chasse Mirage 2000, hélicoptères de combat Tigre, Caiman et Gazelle et drones Reaper, armés depuis fin 2019 et qui réalisent aujourd'hui plus de la moitié des bombardements aériens.

Priorité à la haute intensité

Au Sahel, 80 % des éliminations de djihadistes "sont le fait de ces moyens aériens" combinés, confiait en 2020 l'ancien chef d'état-major de l'armée de l'Air, Philippe Lavigne.

Mais ce modèle de guerre asymétrique, qui occupait depuis l'Afghanistan une place centrale dans la préparation opérationnelle des soldats, n'est plus la priorité des armées françaises, qui se préparent aujourd'hui à des scénarii de conflit majeur, dit de haute intensité.

Le Sahel et le Mali ont "été notre opération symbolique au cours des dernières années", mais "ce n'est pas la quintessence de ce que l'armée de terre doit être capable de faire", prévenait récemment le chef d'état-major de l'armée de terre française Pierre Schill lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes de défense (AJD).

Les militaires français doivent "être capables (...) d'être éventuellement opposés à un adversaire qui serait à parité" , estime-t-il, en allusion à un conflit entre Etats.

"La conflictualité est en train de changer, les pays se sont réarmés et n'hésitent plus à employer la force pour exercer leur volonté", renchérit le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées. "Aujourd'hui, le +niveau d'emploi+ en bande sahélo-saharienne est d'environ 1 000 à 1 200 hommes. Mais demain, la guerre se déroulera au niveau des brigades et des divisions, soit entre 8 000 et 25 000 hommes".

Un changement de paradigme qui impose d'adapter la préparation des soldats, d'investir dans les nouveaux champs d'affrontements - espace, cyber, réseaux sociaux - et de poursuivre la modernisation des matériels, tout en intégrant des robots et de l'intelligence artificielle dans l'espace de bataille à l'horizon 2040.

"On est dans une période de transition vers une ère qui imposera de changer le format de nos forces armées", juge l'historien militaire Michel Goya. "Or la principale faiblesse de notre outil de défense, c'est sa grande vulnérabilité au changement rapide pour faire face à des surprises stratégiques qui viendront forcément dans les prochaines années".


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".