Le retrait français du Mali, un chantier logistique titanesque

Photo d'archive prise le 15 janvier 2013 montrant des troupes françaises de l'opération "Licorne" basée à Abidjan (Côte d'Ivoire) arrivant sur la 101e base aérienne militaire près de Bamako. (Photo, AFP)
Photo d'archive prise le 15 janvier 2013 montrant des troupes françaises de l'opération "Licorne" basée à Abidjan (Côte d'Ivoire) arrivant sur la 101e base aérienne militaire près de Bamako. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 18 février 2022

Le retrait français du Mali, un chantier logistique titanesque

  • Actuellement, quelque 2 400 militaires français sont déployés au Mali, sur un total de 4 600 dans la bande saharo-sahélienne
  • Le désengagement de ces hommes, des matériels déployés, dont des centaines de véhicules blindés, et le démantèlement des bases représente quelque 6 000 containers

PARIS : Le retrait militaire français du Mali annoncé jeudi pose un défi logistique titanesque aux armées dans un contexte sécuritaire dégradé, dont le délai de "quatre à six mois" fixé par le président Emmanuel Macron semble irréaliste.

"Nous allons progressivement fermer, dans un exercice qui va prendre 4 à 6 mois, les bases au Mali", soit Gao, Ménaka et Gossi, a déclaré jeudi le chef de l'Etat.

Actuellement, quelque 2 400 militaires français sont déployés au Mali, sur un total de 4 600 dans la bande saharo-sahélienne. Le désengagement de ces hommes, des matériels déployés, dont des centaines de véhicules blindés, et le démantèlement des bases représente quelque 6 000 containers.

Quitter ce pays, où la France est engagée dans la lutte antidjihadiste depuis 2013, implique "une manœuvre complète que nous allons mener à notre rythme de manière coordonnée avec Sahéliens et Européens", a commenté jeudi le porte-parole de l'état-major, le colonel Pascal Ianni, évoquant lui aussi un délai "d'environ six mois".

Mais cet immense chantier logistique, qui mobilise depuis des semaines le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), va s'opérer dans un contexte sécuritaire et politique hautement inflammable, dans un pays dirigé par une junte hostile à la France et en proie à de tenaces violences djihadistes.

"Il va surtout s'agir de se coordonner avec les forces armées maliennes sur les mouvements et actions durant toute cette phase de réarticulation", pendant laquelle "nous allons continuer nos actions contre les groupes terroristes", qui chercheront des opportunités d'actions, a souligné le haut gradé.

Et le facteur climatique va compliquer l'opération avec le début de la saison des pluies en avril-mai au Mali, propre à transformer le paysage semi-désertique du nord-est du pays en désert de boue collante.

Convoi terrestre attaqué

Dans ces conditions, et avec les moyens logistiques dont dispose la force Barkhane, il faudrait non pas six mois, mais entre 12 et 18 mois pour boucler ce retrait, selon trois sources militaires françaises consultées par l'AFP.

Les armées ont déjà connu un tour de chauffe au Mali avec le récent départ de leurs trois emprises les plus au nord du pays : Kidal, Tessalit et Tombouctou. Cette manœuvre s'est étalée de fin août à décembre et a mobilisé 400 logisticiens envoyés en renfort, pour acheminer par voie aérienne et terrestre les matériels vers la base militaire de Gao, qui constitue la plus grosse emprise française au Mali, transformée en "hub" logistique.

Ces trois bases, qui hébergeaient moins de 500 soldats au total, ont représenté un volume de 500 containers. Les équipements destinés à retourner en France ont été acheminés vers les ports d'Abidjan en Côte d'Ivoire, Cotonou au Bénin et Douala au Cameroun.

La force du G5 Sahel, espoir déçu de relais de l'engagement militaire français

Dès son arrivée au pouvoir, le président français Emmanuel Macron avait misé sur la création d'une force antidjihadiste par le G5 Sahel pour ouvrir la voie à un désengagement de l'opération Barkhane. Mais au moment de donner le signal du départ, cet espoir s'est largement évaporé.

M. Macron s'était même rendu le 2 juillet 2017 à Bamako au sommet où le G5 Sahel avait solennellement lancé sa force conjointe pour reconquérir le terrain perdu sur les groupes djihadistes, en particulier dans la "zone des trois frontières", aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Etats membres de cette organisation régionale, avec la Mauritanie et le Tchad.

Organisée en trois couloirs, ou "fuseaux" de 100 km de part et d'autre des frontières communes, elle compte officiellement huit bataillons, soit quelque 5 000 hommes, tous basés dans leur pays respectif, à l'exception d'un bataillon tchadien déployé au Niger depuis mars 2021.

Depuis le début, Barkhane, dont la France a annoncé jeudi le départ du Mali, assure la planification et la coordination de toutes les opérations de la force G5 Sahel, très largement financée par l'Union européenne, selon des sources diplomatiques et de sécurité.

«Efficacité et moral sapés»

Manquant de moyens essentiels, dépourvue de financement pérenne et d'un mandat fort de l'ONU en raison de l'opposition américano-britannique au Conseil de sécurité, entachée par des accusations de violations des droits de l'Homme - exécutions sommaires de civils et viols notamment - la force sahélienne n'a guère fait de différence sur le terrain.

"Depuis le début de l'opération Barkhane, il y a évidemment côté français un désir de trouver une voie de sortie parce que maintenir une opération extérieure sur des années, au bout d'un moment ça devient compliqué, notamment avec les opinions publiques", explique Alain Antil, spécialiste du Sahel à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Dans l'idéal, les armées nationales auraient pris le relais de Barkhane, "en particulier l'armée malienne, mais elle est toujours dans une situation de très grande fragilité. Ensuite la France a espéré que le G5 Sahel puisse contribuer à sécuriser certaines zones, en particulier la zone des trois frontières", poursuit Alain Antil.

Mais dans cette zone correspondant au "fuseau central" de la force, "la France, au lieu de pouvoir petit à petit diminuer son dispositif, a dû maintenir un dispositif important, voire réinvestir plus fortement au Mali" début 2020, rappelle-t-il.

"Ses capacités opérationnelles et logistiques étant limitées, la force conjointe a toujours énormément de mal à approvisionner ses troupes", déplorait l'ONU dans un rapport en mai 2021. "L'insuffisance du matériel est restée une préoccupation quotidienne, entravant l'efficacité et les opérations des militaires déployés dans les garnisons et sapant leur moral", ajoutait-il, déplorant l'absence de moyens aériens pourtant "indispensables".

Elargir la coopération

Depuis, l'instabilité politique des Etats membres a encore bridé cette dynamique poussive, avec un second putsch au Mali en mai 2021 et un autre au Burkina Faso en janvier.

La dernière opération d'envergure de la force s'est achevée il y a plusieurs mois. Une autre de moindre ampleur, également dans la zone des trois frontières, a mobilisé début février des troupes nigériennes et tchadiennes. Mais les Burkinabè ont décliné, invoquant la situation dans leur pays et l'absence d'ordres de leur hiérarchie, selon des sources diplomatique et proche de la force conjointe.

"La force conjointe dans les faits aujourd'hui, c'est des opérations de la France, des Nigériens et des Tchadiens du côté nigérien des trois frontières seulement", a résumé cette dernière à l'AFP.

"On a toujours des opérations efficaces avec les Maliens, les Nigériens, les Tchadiens. Néanmoins, le contexte actuel est compliqué par la situation transitoire au Burkina Faso : période de suspension, d'incertitudes", tempère pour sa part une source à la présidence française.

Face à la nouvelle donne, Paris a exprimé son intention d'élargir la coopération régionale.

"Si le G5 Sahel demeure une enceinte incontournable pour coordonner les efforts à l'échelle de la bande sahélienne, l'Initiative d'Accra, qui rassemble le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, doit aussi devenir un cadre de référence", a déclaré jeudi M. Macron.

"Non pas pour créer de nouvelles structures régionales", a-t-il précisé, "mais pour veiller à ce que chaque État fasse sa part des efforts et reçoive des partenaires le soutien bilatéral dont il a besoin".

Reste le problème de l'acheminement par voie terrestre vers ces ports. Courant novembre, un convoi militaire français reliant Abidjan à Gao a été arrêté par les barrages d'une foule en colère, au Burkina Faso puis au Niger, alors que le sentiment antifrançais gagne du terrain dans la région.

"Ils avaient des pancartes +à bas la France+, ils nous jetaient des pierres", témoignait à Gao en décembre le commandant du convoi, le capitaine François-Xavier, auprès de l'AFP.

De fait, le transport aérien pourrait être privilégié pour atténuer ces risques. Or si la France dispose désormais en propre d'avions de transport stratégique (A400M, A330 MRTT), sa flotte risque de ne pas suffire, exigeant d'envisager le recours à des affréteurs privés qui pourraient considérablement saler la facture de ce déménagement voulu rapide par l'Elysée.

Il faudra enfin trancher la délicate question de la rétrocession des emprises françaises aux forces maliennes. Une démarche compliquée, à l'heure d'un divorce consommé entre Paris et Bamako et du déploiement dans le pays des mercenaires du groupe russe Wagner, violemment dénoncé jeudi par Emmanuel Macron malgré les dénégations de la junte malienne.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.

 


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
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  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.