En Turquie, «insulte au président», le délit qui ratisse large

Une affiche électorale géante du président turc Recep Tayyip Erdogan, avec le slogan "Istanbul est une histoire d'amour pour nous" sur la façade d'un immeuble le 26 mars 2019 à Istanbul. (Ozan Kose/AFP)
Une affiche électorale géante du président turc Recep Tayyip Erdogan, avec le slogan "Istanbul est une histoire d'amour pour nous" sur la façade d'un immeuble le 26 mars 2019 à Istanbul. (Ozan Kose/AFP)
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Publié le Lundi 21 février 2022

En Turquie, «insulte au président», le délit qui ratisse large

  • «Cette loi antidémocratique de lèse-majesté est devenue un outil de répression qui illustre la politique autoritaire du gouvernement», dénonce le représentant de RSF en Turquie
  • En 2020, plus de 31.000 personnes ont été mises en examen pour outrage présumé au président et 36.000 en 2019, contre quatre en 2010

ISTANBUL : La journaliste turque Sedef Kabas entame mardi son deuxième mois de détention pour «insulte au président»: un délit de plus en plus courant qui permet d'étouffer les voix critiques à 16 mois de la présidentielle, estiment les observateurs.

D'ores et déjà, Mme Kabas, 52 ans, est la journaliste qui aura passé le plus de temps en prison pour ce délit, relève Reporters sans Frontières (RSF).

Lors d'une émission de télévision, elle avait cité un vieux proverbe affirmant qu'une tête couronnée devient généralement plus sage, et ajouté: «on voit bien que c'est faux».

La journaliste avait réitéré sa comparaison, jugée désobligeante pour le président Recep Tayyip Erdogan et son régime, sur son compte Twitter suivi par 900.000 abonnés.

Trois semaines plus tard, Sedef Kabas a été formellement inculpée, sa demande de remise en liberté rejetée et le chef de l'Etat lui réclame 250.000 livres turques (plus de 16.000 euros) de dommages et intérêts.

Elle sera jugée le 11 mars et risque, cumulé, 12 ans et dix mois de prison pour insulte au président et à deux de ses ministres.

«Cette loi antidémocratique de lèse-majesté est devenue un outil de répression qui illustre la politique autoritaire du gouvernement», dénonce le représentant de RSF en Turquie, Erol Onderoglu.

Pour lui, le délit d'insulte au président - article 299 du code pénal dont RSF demande l'abrogation - «permet de réduire au silence les critiques et d'affaiblir les médias».

La Cour européenne des droits de l'homme s'est émue en novembre dernier du recours abusif à l'article 299.

- «Respect de la fonction» -

Et le chef de l'État a prévenu que le cas de Mem Kabas «ne restera pas impuni» et en a appelé «au respect et à la protection de la fonction» présidentielle.

«Ca n'a rien à voir avec la liberté d'expression», a insisté M. Erdogan. 

Peu après, huit mandats d'arrêt étaient lancés, dont un contre le nageur olympique Derya Buyukuncu, pour des messages sur Twitter tournant en dérision le Covid du président, testé positif (sans symptômes) ainsi que son épouse.

En 2020, plus de 31.000 personnes ont été mises en examen pour outrage présumé au président et 36.000 en 2019, selon les statistiques judiciaires officielles, qui n'en relevaient que quatre en 2010.

Plus générique que l'accusation de «terrorisme», la plus répandue après la tentative de coup d'Etat de 2016, celle d'insulte au président vise plus large, relève Sumbul Kaya, chercheuse à l'Irsem, l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire de Paris.

«Ce délit permet de s'attaquer aux citoyens ordinaires», estime-t-elle, décelant une «rétraction du pouvoir dans le judiciaire» alors que la Turquie traverse une crise économique qui altère la popularité du chef de l'Etat dans la perspective d'une réélection en 2023.

Le délit «d'insulte aux fonctionnaires» existait de longue date, mais celui d'insulte au président, bien plus fréquent désormais, a été créé en 2005 sous la houlette de l'AKP, le parti de M. Erdogan, au pouvoir depuis 2002, explique Mme Kaya.

«Avec l'exemple du nageur, le président Erdogan a estimé que la fonction était attaquée mais il s'agissait de sa personne: on glisse de la protection de la fonction vers celle de la personne du président», appuie-t-elle.

Pour Ahmet Insel, économiste et politologue, «l'usage massif de l'article 299 vise à bâillonner toute expression fortement critique contre la personne (du président)».

«Beaucoup de journalistes et d'avocats sont incarcérés sous l'accusation de propagande d'organisation terroriste, mais quand on ne peut pas l'appliquer, comme dans le cas de Sedef Kabas, les avocats d'Erdogan déposent une plainte au titre de l'article 299».

Cette évolution répond selon lui à la «conception très autocratique de la fonction présidentielle par Erdogan, devenu en 2018 à la fois chef d'Etat, chef de gouvernement et chef du parti au pouvoir».

Les observateurs pointent encore l'extrême jeunesse du procureur d'Istanbul - diplômé en 2018 - qui a inculpé Mme Kabas.

«Plus de 4.000 juges et procureurs ont été révoqués depuis 2016 et remplacés par de jeunes avocats proches de l'AKP, après des procédures (de recrutement) opaques», accuse M. Insel, qui affirme que «les ordres viennent d'en haut, directement du palais présidentiel».

Près d'une trentaine d'organisations internationales de défense des journalistes ont réclamé la remise en liberté immédiate de Sedef Kabas.

La Turquie figure à la 153ème place au classement mondial de la liberté de la presse de l'ONG Reporters sans frontières.


Zelensky va rencontrer des responsables du Pentagone sur fond d'initiative américaine pour régler le conflit

 Volodymyr Zelensky va rencontrer jeudi à Kiev des haut responsables du Pentagone, a annoncé son administration, au lendemain du dévoilement des éléments d'un plan américain pour mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine, à des conditions favorables au Kremlin. (AFP)
Volodymyr Zelensky va rencontrer jeudi à Kiev des haut responsables du Pentagone, a annoncé son administration, au lendemain du dévoilement des éléments d'un plan américain pour mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine, à des conditions favorables au Kremlin. (AFP)
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  • Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier, peu de responsables américains se sont rendus en Ukraine
  • Selon un média américain Axios, Washington et Moscou préparent discrètement un plan pour mettre fin à la guerre en Ukraine, lancée en février 2022 avec l'invasion russe du pays voisin

KIEV: Volodymyr Zelensky va rencontrer jeudi à Kiev des haut responsables du Pentagone, a annoncé son administration, au lendemain du dévoilement des éléments d'un plan américain pour mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine, à des conditions favorables au Kremlin.

Cette réunion intervient au retour d'une visite infructueuse mercredi en Turquie du président ukrainien, qui espérait que Washington s'investisse à nouveau dans les négociations de paix. Mais l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, ne s'est pas déplacé.

Elle intervient également au lendemain d'une frappe russe ayant tué au moins 26 personnes dans une ville de l'ouest de l'Ukraine, l'une des attaques les plus meurtrières de Moscou sur son voisin ukrainien cette année.

La délégation du Pentagone, conduite par le secrétaire à l'Armée américaine, Daniel Driscoll, a rencontré mercredi le commandant en chef des armées ukrainiennes Oleksandre Syrsky et le ministre ukrainien de la Défense Denys Chmygal, selon leurs communiqués respectifs.

Le président Zelensky doit recevoir la délégation jeudi soir, a indiqué la présidence.

Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier, peu de responsables américains se sont rendus en Ukraine.

Selon un média américain Axios, Washington et Moscou préparent discrètement un plan pour mettre fin à la guerre en Ukraine, lancée en février 2022 avec l'invasion russe du pays voisin.

Un haut responsable ukrainien a indiqué à l'AFP que ce plan requiert notamment que l'Ukraine cède à la Russie des territoires qu'elle occupe et réduise son armée de moitié.

Le Kremlin s'est refusé à tout commentaire et Washington et Kiev n'ont pas commenté publiquement les propositions de ce plan.

 


Grèce: découverte d'une toile géante avec 111.000 araignées dans une grotte

Appelée la "Sulfur cave", exceptionnellement riche en soufre, la grotte est située dans les gorges de Vromoner, une zone géologique à la frontière entre l'Albanie et la Grèce (nord-ouest), à 450km d'Athènes. (AFP)
Appelée la "Sulfur cave", exceptionnellement riche en soufre, la grotte est située dans les gorges de Vromoner, une zone géologique à la frontière entre l'Albanie et la Grèce (nord-ouest), à 450km d'Athènes. (AFP)
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  • La toile d'araignée découverte couvre quelque 106 m2 et comprend "69.000 individus de tégénaires domestiques (Tegenaria domestica) et plus de 42.000 de Prinerigone vagans (Linyphiidae)"
  • Des images, reçues mercredi par l'AFP, montrent des pans de cette immense toile, pendant sur la paroi comme un lourd rideau de velours noir, dans les profondeurs de cette grotte sous le regard fasciné d'un scientifique équipé comme un spéléologue

ATHENES: Des scientifiques ont récemment découvert une toile d'araignée géante de plus de 100 m2 avec quelque 111.000 araignées dans une grotte à la frontière entre la Grèce et l'Albanie, selon une étude publiée dans la revue Subterranean Biology.

Appelée la "Sulfur cave", exceptionnellement riche en soufre, la grotte est située dans les gorges de Vromoner, une zone géologique à la frontière entre l'Albanie et la Grèce (nord-ouest), à 450km d'Athènes.

La toile d'araignée découverte couvre quelque 106 m2 et comprend "69.000 individus de tégénaires domestiques (Tegenaria domestica) et plus de 42.000 de Prinerigone vagans (Linyphiidae)".

Des images, reçues mercredi par l'AFP, montrent des pans de cette immense toile, pendant sur la paroi comme un lourd rideau de velours noir, dans les profondeurs de cette grotte sous le regard fasciné d'un scientifique équipé comme un spéléologue.

"Mon dieu, incroyable! Quelle texture!", s'exclame en anglais ce scientifique touchant la toile avec ses doigts.

Selon lui, dans chacun de ces trous il y a une arachnide à l'origine de ces "mégapoles" d'araignées. On voit ensuite un membre de l'équipe réussir à attraper une araignée et la poser dans une tube à essai.

Dans la revue, les chercheurs évoquent "la découverte (...) d’un assemblage extraordinaire d’araignées coloniales" alors que ces deux espèces sont normalement solitaires.

Il s'agit du "premier cas documenté de formation de toile coloniale chez ces espèces", notent d'ailleurs les experts qui précisent que cette immense toile est formée "de nombreuses toiles individuelles, (...) chacune étant stratégiquement placée à un endroit où les ressources trophiques (la nourriture disponible, ndlr) sont abondantes".

"Certaines sections de la toile peuvent se détacher de la paroi sous leur propre poids", expliquent-ils.

Des sources d'eau situées dans les recoins profonds de la grotte alimentent un ruisseau sulfuré qui traverse toute la longueur du passage principal de la grotte, selon l'étude.

Les araignées partagent la grotte avec de nombreux autres insectes, notamment des mille-pattes, des scorpions et des coléoptères.

La découverte de cette immense toile a été rapportée pour la première fois par des membres de la Société spéléologique tchèque, selon l'étude.

 


Trump désigne l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald Trump. (AP)
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald Trump. (AP)
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  • L’annonce a été faite lors d’un dîner de gala à la Maison-Blanche en l’honneur du prince héritier
  • Mohammed ben Salmane salue une nouvelle phase dans la coopération bilatérale et les liens économiques

WASHINGTON : Le président Donald Trump a annoncé mardi que les États-Unis désigneront officiellement l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN, marquant une élévation significative des liens de défense entre les deux pays.

Il a révélé cette décision lors d’un dîner de gala à la Maison-Blanche en l’honneur du prince héritier Mohammed ben Salmane.

« Ce soir, j’ai le plaisir d’annoncer que nous portons notre coopération militaire à un niveau encore plus élevé en désignant officiellement l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN — quelque chose de très important pour eux », a déclaré Trump.

« Et je vous le dis pour la première fois, car ils voulaient garder un petit secret pour ce soir. »

Ce nouveau statut ouvre la voie à une coopération militaire plus profonde et revêt un poids symbolique fort, Trump affirmant qu’il fera progresser la coordination militaire américano-saoudienne « à des sommets encore plus élevés ».

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Le prince héritier a remercié Trump pour un « accueil chaleureux et formidable », ajoutant : « Nous nous sentons chez nous. » Il a évoqué les fondements historiques de la relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, rappelant que leur partenariat remonte à près de neuf décennies, à la rencontre entre le président Franklin D. Roosevelt et le roi Abdelaziz, fondateur de l’Arabie saoudite moderne.

Il a également souligné les jalons à venir pour les deux nations, les États-Unis approchant de leur 250e anniversaire et l’Arabie saoudite de son 300e, estimant que ces célébrations mettent en lumière la longue trajectoire d’une coopération partagée.

En retraçant l’histoire de l’alliance, le prince héritier a mis en avant les efforts communs durant la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide, et la longue lutte contre l’extrémisme et le terrorisme.

Mais il a insisté sur le fait qu’aujourd’hui marque une nouvelle phase de la coopération bilatérale, les liens économiques s’étendant à des secteurs sans précédent.

« Aujourd’hui est un jour particulier », a déclaré le prince héritier. « Nous pensons que l’horizon de la coopération économique entre l’Arabie saoudite et l’Amérique est plus vaste dans de nombreux domaines.

« Nous avons signé de nombreux accords qui peuvent ouvrir la voie à un approfondissement de la relation dans plusieurs secteurs, et nous allons travailler dessus. »

Il a ajouté : « Nous estimons que les opportunités sont immenses ; nous devons donc nous concentrer sur la mise en œuvre et continuer à accroître les opportunités entre nos deux pays. »

Trump a exprimé à plusieurs reprises son appréciation pour le partenariat et le leadership du prince héritier, mettant en avant les accords majeurs signés lors de la visite, notamment dans l’énergie nucléaire civile, les minéraux critiques et l’intelligence artificielle, qualifiant l’ampleur des investissements d’inédite.

Trump a souligné que l’Arabie saoudite entreprend une expansion majeure de ses capacités de défense, évoquant les projets du Royaume portant sur près de 142 milliards de dollars d’achats d’équipements et de services militaires américains, qu’il a qualifiés de « plus grande acquisition d’armement de l’histoire ».

Il a présenté ces acquisitions comme faisant partie d’une stratégie plus large visant à renforcer la sécurité au Moyen-Orient et à consolider le rôle du Royaume comme force de stabilité.

En plus de la désignation d’allié majeur hors OTAN, Trump a annoncé que les États-Unis et l’Arabie saoudite avaient signé un accord stratégique de défense historique qui permettra de créer « une alliance plus forte et plus capable » et de soutenir ce qu’il a décrit comme le moment où le Moyen-Orient est le plus proche d’une « paix véritablement durable ».

Trump a remercié le prince héritier « pour toute l’aide » dans ce qu’il a décrit comme un moment historique pour la paix régionale et la coopération américano-saoudienne, et pour son rôle central dans les avancées diplomatiques récentes, notamment des étapes ayant contribué à la fin de la guerre à Gaza.

« Même les grands experts… appellent cela un miracle », a-t-il dit à propos des évolutions régionales récentes. Les deux dirigeants ont présenté ce moment comme le début d’un nouveau chapitre.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com