La guerre d'Algérie, un conflit aux plaies encore vives

Tlemcen se prépare à accueillir François Hollande en visite officielle de deux jours en Algérie le 20 décembre 2012. Le président français avait alors reconnu la domination coloniale «brutale» de la France sur le peuple algérien, sans s'en excuser, alors qu'il cherchait à lancer une nouvelle ère dans les relations avec l’Algérie. (Bertrand Langlois/Pool/AFP)
Tlemcen se prépare à accueillir François Hollande en visite officielle de deux jours en Algérie le 20 décembre 2012. Le président français avait alors reconnu la domination coloniale «brutale» de la France sur le peuple algérien, sans s'en excuser, alors qu'il cherchait à lancer une nouvelle ère dans les relations avec l’Algérie. (Bertrand Langlois/Pool/AFP)
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Publié le Mardi 22 février 2022

La guerre d'Algérie, un conflit aux plaies encore vives

  • Emmanuel Macron reconnaît en 2018 que le mathématicien Maurice Audin est mort sous la torture de l'armée française en 1957, et demande «pardon» à sa veuve
  • En septembre, le président Macron demande «pardon» aux harkis qui furent «abandonnés» par la France après avoir combattu pour elle

PARIS : Soixante ans après la fin de la guerre de l'Algérie (1954-1962), les plaies sont encore vives de part et d'autre malgré des gestes symboliques au fil des ans de la France, qui exclut toutefois «repentance» ou «excuses».

Introspection douloureuse

Il faut attendre près de 40 ans, en 1999, pour que la France qualifie officiellement de «guerre» cette période douloureuse et sanglante ayant scellé l'indépendance de son ancienne colonie.

Comme Valéry Giscard d'Estaing, premier chef d'État français à effectuer en 1975 une visite officielle dans l'Algérie désormais indépendante, François Mitterrand et Jacques Chirac se gardent de condamner la colonisation durant leurs mandats élyséens.

En 2007, en visite à Alger, le président Nicolas Sarkozy déclare que «le système colonial a été profondément injuste», mais évoque «d'innombrables victimes des deux côtés».

En 2012 à Alger, François Hollande va plus loin en déclarant que «pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal». Le 19 mars 2016, il est le premier président à commémorer la fin de la guerre d'Algérie, provoquant une levée de boucliers parmi une partie de la classe politique.

Cinq ans après, en février 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, provoque un tollé à droite et parmi les rapatriés d'Algérie en déclarant que la colonisation «c'est un  crime  contre  l’humanité», «une vraie barbarie». «Ca fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes», ajoute-t-il. 

«Actes symboliques»

En septembre 2018, devenu président, M. Macron reconnaît que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin est mort sous la torture de l'armée française en 1957, et demande «pardon» à sa veuve.

Après la publication du rapport de l'historien français Benjamin Stora, en janvier 2021, il s'engage à des «actes symboliques» pour tenter de réconcilier les deux pays, mais exclut cette fois «repentance» et «excuses».

Début mars, il reconnaît ainsi, «au nom de la France», que l'avocat nationaliste Ali Boumendjel a été «torturé et assassiné» le 23 mars 1957 par l'armée française, contredisant la thèse officielle de son suicide.

En septembre, le président Macron demande «pardon» aux harkis qui furent «abandonnés» par la France après avoir combattu pour elle, et annonce un projet de loi «de réparation», adopté le 15 février 2022.

Regain de tension avec Alger

Le 2 octobre 2021, Alger rappelle, pour trois mois, son ambassadeur à Paris, en réaction indignée aux propos d'Emmanuel Macron affirmant devant des jeunes que l'Algérie, après son indépendance, s'est construite sur «une rente mémorielle» entretenue par «le système politico-militaire».

Le 16 octobre, M. Macron déclare que «les crimes commis le 17 octobre 1961 sous l'autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République», 60 ans après le massacre de manifestants algériens pacifiques à Paris.

Après avoir annoncé un accès facilité aux archives classifiées, Paris annonce le 10 décembre l'ouverture de celles concernant «les enquêtes judiciaires» de la guerre d'Algérie.

Le 26 janvier 2022 Emmanuel Macron exprime «la reconnaissance» de la France envers les rapatriés d'Algérie et invite à reconnaître comme tels deux «massacres» ayant eu lieu après la signature des accords d'Evian : la fusillade de la rue d'Isly à Alger, le 26 mars 1962, et le «massacre du 5 juillet 1962» à Oran.

Le 8 février, il rend hommage aux manifestants morts au métro Charonne à Paris le 8 février 1962 lors d'un rassemblement pacifique contre l'OAS très violemment réprimé par la police. C'est le premier président à rendre hommage aux neuf victimes de ce rassemblement organisé entre autres par le parti communiste, la CGT, et l'Unef.

Marseille revisite ses «histoires» d'Algérie

Avant-poste de la France coloniale, port d'arrivée pour des milliers d'ouvriers algériens puis pour les rapatriés à l'indépendance de l'Algérie il y a 60 ans, Marseille concentre des histoires franco-algériennes multiples et souvent douloureuses qu'elle commence à revisiter.

Dans la deuxième ville de France, «on estime que sur plus de 800.000 habitants, près de 200.000 sont concernés de près ou de loin par l'Algérie», souligne Samia Chabani, directrice d'Ancrages, centre de ressources sur l'histoire et les mémoires des migrations à Marseille.

Parmi elles, les pieds-noirs, Européens originaires de France, d'Espagne ou d'Italie, établis en Algérie depuis des générations et rapatriés dans l'urgence et la douleur après une guerre qui fit près de 500.000 morts civils et militaires, dont quelque 400.000 Algériens, selon les historiens.

Mais aussi des Harkis, supplétifs de l'armée française, des Marseillais appelés à combattre en Algérie, ainsi que des immigrés algériens, parfois militants indépendantistes, et les descendants de tous ces groupes.

Les grandes cités de Marseille construites à la va-vite dans les années 1960 virent passer une partie de ces populations ballottées entre les deux pays.

Des Algériens fuyant la «décennie noire» (1991-2002) ou des étudiants ont ensuite rejoint la ville portuaire. Chaque semaine, les ferries blancs reliant Alger symbolisent les liens toujours forts entre ces cités méditerranéennes «miroirs».

Quand il s'agit d'évoquer la guerre d'Algérie et les 130 ans de colonisation, les mémoires restent «compartimentées», constate l'historienne Karima Dirèche, spécialiste de l'Algérie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). S'il existe un monument aux rapatriés, il n'y a pas de lieu du souvenir faisant consensus entre les mémoires blessées.

Certains à Marseille travaillent pourtant au dialogue de ces histoires.

Comme Jacques Pradel, président de l'Association nationale des pieds-noirs progressistes, qui, avec Ancrages et des associations de la diaspora algérienne et antiracistes, organisent des commémorations pour les accords d'Evian. Une démarche peu commune, beaucoup de pieds-noirs refusant de commémorer ces accords qu'ils vivent comme un moment sombre.

Né à Tiaret (nord-ouest de l'Algérie), Jacques Pradel a grandi dans «une famille de colons français, un milieu privilégié», même si l'ancêtre arrivé au XIXe siècle «était un petit paysan du Tarn chassé par la misère»

«Comme mes parents étaient fondamentalement antiracistes, cela m'a aidé à ouvrir les yeux sur la réalité» du système colonial, raconte à l'AFP ce scientifique retraité. A 18 ans, pour éviter d'être enrôlé de force dans l'Organisation de l'armée secrète (OAS) luttant contre l'indépendance de l'Algérie, il part en France. Ses parents suivront.

«Réconciliation sincère»

Même si des blessures restent, l'exil, la perte de cet ami d'enfance algérien qui se détourna de lui pendant la guerre, il milite pour une réconciliation «sincère et durable» entre les deux pays. Sa bibliothèque regorge d'ouvrages sur l'Algérie, mais sans nostalgie, avec nombre d'auteurs algériens contemporains.

La réconciliation passe par la pénétration dans la société du «formidable travail des historiens», dit celui qui approuve la déclaration du président français Emmanuel Macron admettant que la colonisation était «une vraie barbarie».

Ancrages raconte de son côté les histoires souvent oubliés des Algériens de Marseille. Comme ces ouvriers recrutés en masse par les industries de la région et qui s'étaient reconstitués un foyer dans les rues étroites de Belsunce.

«Le café nord-africain y constitue un lieu de sociabilité, d'expression musicale, mais c'est là aussi que s'organisent les revendications pour l'indépendance», rappelle Samia Chabani en illustrant ses propos avec la façade désormais murée du Moka.

Pendant la guerre, «ces cafés seront très contrôlés par la police française et certains immigrés internés», rappelle-t-elle.

Fatima Sissani, établie à Marseille, a elle réalisé un documentaire sur des femmes engagées dans le Front de libération nationale (FLN), pour comprendre l'histoire d'une guerre que ses parents, immigrés en France, taisaient.

En mai dernier, Marseille a donné le nom d'un tirailleur algérien ayant participé à la libération de la ville en 1944, Ahmed Litim, à une école auparavant baptisée Bugeaud, un militaire colonisateur, même si mi-février aucune plaque n'était encore visible avec ce nouveau nom.

«Une école ne saurait ériger en modèle un bourreau des guerres coloniales. Nous ne pouvons ni l'expliquer ni le justifier à nos enfants», avait plaidé le maire Benoît Payan.

Fadila avait elle un grand-père algérien ayant combattu pour la France en 1914-1918. Cette Marseillaise aimerait que ces histoires soient mieux connues.

Préférant taire son nom, car le sujet de la guerre d'Algérie reste sensible, elle voudrait qu'un jour les blessures cicatrisent: «Parce que la France et l'Algérie, on est liés, comme ça ensemble», dit-elle en croisant les doigts de ses mains.


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.