A Chypre-Nord, la crise économique en Turquie se fait durement sentir

Une photo aérienne montrant le drapeau de la République turque autoproclamée de Chypre du Nord (RTCN). (AFP).
Une photo aérienne montrant le drapeau de la République turque autoproclamée de Chypre du Nord (RTCN). (AFP).
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Publié le Dimanche 27 février 2022

A Chypre-Nord, la crise économique en Turquie se fait durement sentir

  • «Tout devient plus cher: nourriture, eau, électricité», soupire un tailleur à Nicosie, en République turque de Chypre-Nord (RTCN), entité reconnue seulement par la Turquie
  • Sous embargo international, la RTCN et ses 300.000 habitants dépendent de la Turquie, ce qui la rend vulnérable aux chocs de l’économie turque

NICOSIE: "Tout devient plus cher: nourriture, eau, électricité", soupire Mehmet Cobe, tailleur à Nicosie, en République turque de Chypre-Nord (RTCN). Dans cette entité reconnue seulement par la Turquie, la chute de la livre frappe durement une économie sous perfusion d'Ankara, déjà fragilisée par la pandémie.

La RTCN a été créée en 1983, neuf ans après l’invasion du tiers nord de l’île méditerranéenne par la Turquie, en réponse à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui voulaient la rattacher à la Grèce.

Sous embargo international et quasiment coupée du monde, la RTCN, avec ses plus de 300.000 habitants, dépend de la Turquie dont elle a adopté la monnaie, ce qui la rend vulnérable aux chocs de l’économie turque.

"Deux jours après avoir reçu mon salaire, il ne me reste presque plus rien" déplore Dodo, une quadragénaire qui ne veut pas révéler son nom.

Cette femme qui travaille dans deux hôtels de Nicosie pour environ 6.000 livres turques (TL), soit un peu moins de 400 euros, dit être obligée de demander de l’argent à ses enfants, entrés dans la vie active.

Isolement

Faiz Sucuoglu, Premier ministre de la RTCN, a indiqué le 22 février vouloir faire de l’économie la "priorité" du gouvernement, après avoir formé une coalition de droite nationaliste.

Le coût de la vie a augmenté en raison de la "hausse du coût des transports et des marchandises (qui) a affecté l’économie de Chypre-Nord", explique à l’AFP Turgay Deniz, président de la Chambre de commerce et d’industrie de la RTCN.

La livre turque (TL), qui a perdu près de 45% de sa valeur en 2021, s'échange désormais à 15,5 livres pour 1 euro, contre 8,5 il y a un an. 

Avec des taux élevés d’inflation (plus de 46%) et de chômage (10%) - une "première depuis neuf ans" - le PIB, après avoir déjà subi une contraction de 16,2% en 2020, devrait "continuer à chuter en 2021", selon les dernières estimations données par M. Deniz.

En raison de son isolement international, "la RTCN ne peut signer d’accords qu’avec la Turquie" qui, d’après M. Deniz, fournit 15% du budget de la RTCN, jusqu’à un tiers selon d’autres sources.

"En plus de reposer sur les importations et les devises étrangères, l’économie nord-chypriote est dépendante de l’aide financière extérieure, la seule disponible étant celle de la Turquie", souligne Mustafa Besim, économiste à l’Université de Famagouste. 

Sur l'enveloppe destinée par la Turquie à la RTCN, "la moitié des fonds n’a pas été transférée", estime-t-il. "Les transferts de fonds turcs ont été retardés en raison de la situation en Turquie".

Dépendance

Une grande partie des fonds n'a ainsi "pas été utilisée pour les infrastructures et pour soutenir les entreprises". A contrario, le secteur de la défense, prioritaire, est entièrement financé par la Turquie, qui dispose de plus de 30.000 soldats en RTCN.

Sans Banque centrale pour réguler l’offre de monnaie, la RTCN dépend de l’institution turque, malmenée par le limogeage de trois gouverneurs depuis 2019.

"La livre turque est un paramètre que nous ne pouvons pas contrôler. Elle est contrôlée par le président turc" Recep Tayyip Erdogan, explique Vargin Varer, dirigeant de l’entreprise de transport de fret Armen Shipping.

"Comme nous utilisons la livre et que nous importons la plupart des produits, les prix augmentent ici quand les taux de change augmentent", continue M. Varer, qui s’estime mieux loti que d’autres entreprises, malgré une baisse de son chiffre d’affaires.

Il veut cependant garder espoir. Car "en raison de la dévaluation", le tourisme en RTCN, premier contributeur du PIB avec 22% avant la pandémie, est devenu plus attractif, "comparativement à d’autres concurrents dans la région".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.


Automobile: les équipementiers français pressent Bruxelles d'imposer un contenu local

 Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
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  • Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe
  • Mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie"

PARIS: Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi.

Dans cette missive adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et datée du 12 décembre, les dirigeants des équipementiers Valeo, Forvia et OPmobility demandent à la Commission "des mesures claires sur le contenu local lors des annonces du 16 décembre".

Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe, mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie", écrivent Christophe Périllat (Valeo), Martin Fisher (Forvia) et Félicie Burelle (OPmobility).

"Les perspectives actuelles indiquent que 350.000 emplois et 23% de la valeur ajoutée des automobiles dans l'UE sont en danger d'ici 2030 si des mesures fortes ne sont pas prises de manière urgente", ajoutent-ils.

Ces équipementiers soutiennent "la position des ministres français en faveur de +flexibilités ciblées+ dans la réglementation sur (les émissions de) CO2 si elle est assortie de conditions de critères de contenu local, dans l'intérêt des emplois, du savoir-faire dans l'automobile" et de "l'empreinte carbone" en Europe.

Les constructeurs automobiles européens et l'Allemagne notamment réclament depuis des semaines de nets assouplissements dans l'interdiction de vendre des voitures neuves thermiques ou hybrides prévue à partir de 2035.

Les annonces de la Commission sont attendues mardi après-midi.

La semaine dernière, plusieurs ministres français avaient envoyé une lettre aux commissaires européens pour dire qu'ils acceptaient des "flexibilités ciblées", à condition qu'elles s'accompagnent d'une règlementation incitative à la production en Europe.

"On est prêt à faire preuve de flexibilité", avait ensuite expliqué Roland Lescure, ministre français de l'Economie. "Si vous voulez vendre encore un peu de moteurs thermiques en 2035 très bien, mais il faut qu’ils soient faits en Europe", avec "au moins 75% de la valeur ajoutée faite en Europe", avait-il ajouté.