Larmes, colère, «défiance démocratique», des Français face à la fracture numérique

Un travailleur social aide les habitants du quartier à résoudre des problèmes administratifs en ligne à Béziers, France. (AFP).
Un travailleur social aide les habitants du quartier à résoudre des problèmes administratifs en ligne à Béziers, France. (AFP).
Short Url
Publié le Samedi 05 mars 2022

Larmes, colère, «défiance démocratique», des Français face à la fracture numérique

  • 13 millions de Français demeurent «éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages»
  • Demande de logement social, retraites... Il est désormais quasi impossible de faire valoir ses droits sans devoir créer un compte en ligne

BEZIERS: "En larmes, en colère", beaucoup de Français se sentent désemparés face à la dématérialisation des services publics, un sentiment qui accentue la défiance envers la démocratie dans un pays où l'abstention a progressé ces dernières années.

Devant la poste de Béziers (Hérault), Marine Molinier, médiatrice sociale, gare son "bureau" transporté sur un triporteur électrique. Tel un origami, elle déploie une table, un ordinateur, une imprimante, deux tabourets.

Très vite, une jeune femme, justificatifs en main, s'approche avec l'espoir de faire fonctionner son pass sanitaire. Après une après-midi passée au téléphone, la médiatrice réussit à ouvrir un compte sur le site de la sécurité sociale pour la mère de famille, qui repart "soulagée".

A son tour, Yveline Dequéker, 74 ans, qui bute sur un disque vocal à choix multiple, s'agace: "Il y a un magnéto qui vous dit +tapez un, tapez deux, tapez trois+. C'est absolument le stress!". "Je n'y arrive pas, je n'ai pas de smartphone et il n'y a pas de bureau où on peut aller voir les fonctionnaires, les employés", déplore la retraitée, loin d'être la seule dans ce cas.   

Selon des chiffres gouvernementaux, 13 millions de Français demeurent "éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages".

Des "exclus" que l'anthropologue spécialiste des usages du numérique Pascal Plantard répartit en trois groupes: les habitants des territoires bas débit et des "zones blanches" (non couvertes par un réseau mobile), les personnes en situation de pauvreté-précarité, qui n'ont pas les moyens de se payer le matériel et les abonnements nécessaires, et enfin celles subissant des déconnexions involontaires, faute de maîtriser les outils, ou choisissant la déconnexion volontaire.

"Il y a une grosse fracture numérique", constate derrière son triporteur Marine Molinier. "On leur dit où chercher l'information et ce n'est qu'en dernier recours qu'on le fait pour eux, mais, malheureusement, c'est assez souvent le cas".

Marche forcée

Grâce à ses "guitounes", comme elle les a baptisées, l'association "Luoga" se déplace dans l'espace public, sur les places et dans les rues. Et elle est en train d'essaimer dans une trentaine de villes en France: "On touche des gens pour qui c'est un peu la dernière chance", commente sa directrice-fondatrice, Thérèse Bérard.

Permis de conduire, carte grise, demande de logement social, impôts, retraites... Il est désormais quasi impossible de faire valoir ses droits sans devoir créer un compte en ligne avec un mot de passe alambiqué, puis scanner et attacher des pièces jointes.

Si le chef de l'Etat Emmanuel Macron a promis de rendre 250 démarches administratives "essentielles à la vie quotidienne des Français" accessibles en ligne d'ici la fin de son quinquennat, sur le terrain, on déplore les effets parfois dramatiques de cette avancée à marche forcée. 

Des jeunes demandeurs du Revenu de solidarité active (RSA) aux agriculteurs voulant faire valoir leur droit à la retraite, France Services, installé dans un centre social de Carpentras (Vaucluse) qui fait de l'accompagnement informatique depuis de nombreuses années, a vu depuis 2017 son public "s'élargir" avec la généralisation du tout numérique.

"On a tous les profils, des gens perdus qui ne savent plus à qui s'adresser avec la disparition des accueils physiques dans les administrations", observe sa directrice, Isabelle Faure. Avec des conséquences graves: certains se retrouvent sans aucune ressource faute d'avoir réussi à effectuer les démarches en ligne.

"Dès que vous ne rentrez pas dans les cases, ce qui représente une majorité de cas, la dématérialisation complexifie les démarches", souligne Thierry Petrone, médiateur de France Services à Carpentras.

"La numérisation n'est pas un problème en soi si l'objectif est d'améliorer la qualité du service rendu. Mais, malheureusement, ce n'est pas l'objectif, qui en réalité est de faire des économies de fonctionnaires et sur le foncier", dénonce Prune Helfer-Noah, membre du collectif de fonctionnaires "Nos services publics".

Frustration, sidération, révolte

En 2021, le Défenseur des droits chargé de protéger les droits des usagers des services publics a enregistré une augmentation de 15% des saisines, "fortement liée à la dématérialisation".

"On a des gens en larmes, en colère, qui ont un sentiment d'inégalité et une défiance envers notre démocratie et notre société", relate auprès de l'AFP la dirigeante de cette autorité administrative indépendante, Claire Hédon. 

"C'est parce qu'on a accès aux services publics qu'on se sent citoyens", insiste Mme Hédon, qui estime "indispensable" le maintien d'un accueil physique dans les administrations.

"Il y a de tels décalages entre la réalité quotidienne et le discours de l'Etat qu'on est dans une situation où on ne peut qu'augmenter les frustrations", analyse également l'anthropologue Pascal Plantard. "On est dans le fantasme d'un techno-solutionnisme dont le mot d'ordre serait +Y'a qu'à, faut qu'on+", dénonce le chercheur. 

Cette dépendance à internet est encore plus préjudiciable pour les plus précaires, qui ont 40 fois plus de démarches administratives en ligne à effectuer (rétablissement du chauffage suite à une coupure, demandes d'allocations et autres aides...) qu'une famille aisée, observe encore le professeur du plus grand pôle de recherches français sur le sujet.

"Cela provoque un processus de stigmatisation et de disqualification sociale qui se manifeste de deux manières, avertit M. Plantard: la sidération administrative, avec l'abandon de ses droits, ou une révolte, comme l'a montré le mouvement des +gilets jaunes+ qui a rassemblé des gens partageant des galères communes". 


Incendie dans l'Aude: 10.000 hectares parcourus, un blessé grave, axe France-Espagne fermée

A la coopérative viticole de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, seules quelques palettes sur le parking ont brûlé. Mais la maison voisine est détruite, des véhicules calcinés fument dans la cour, un tas de bois coupé pour l'hiver s'est transformé en brasier. (AFP)
A la coopérative viticole de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, seules quelques palettes sur le parking ont brûlé. Mais la maison voisine est détruite, des véhicules calcinés fument dans la cour, un tas de bois coupé pour l'hiver s'est transformé en brasier. (AFP)
Short Url
  • Affecté par la sécheresse et l'arrachage de vignes, qui avaient une fonction de coupe-feu naturel et ralentissaient l'avancée des flammes, le département de l'Aude a connu une forte augmentation des surfaces brûlées ces dernières années
  • Le directeur de la cave coopérative de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse redoute le lever du jour mercredi, par crainte de constater que la production des 400 hectares de vigne est perdue

LAGRASSE: Un incendie d'une intensité exceptionnelle a ravagé en quelques heures 10.000 hectares de végétation dans le massif des Corbières, dans l'Aude, fait neuf blessés et obligé les autorités à fermer l'A9, principal axe autoroutier entre France et Espagne.

Depuis son déclenchement, peu après 16h00 mardi, l'incendie se propage très vite et devait atteindre dans la nuit l'autoroute A9, qui longe la Méditerranée. Là, "on va positionner beaucoup de moyens sur l’autoroute afin d’attaquer le feu à cet endroit, ce qui pourrait constituer une barrière" à la progression des flammes, prévient la secrétaire générale de la préfecture de l'Aude Lucie Roesch, jointe par l'AFP.

Non loin de là, dans la commune touristique de La Palme, deux campings hébergeant environ 500 vacanciers ont été évacués au préalable.

Mardi en fin d'après-midi, les flammes, attisées par le vent soufflant en rafales, ont sauté de forêts en broussailles, avant de fondre sur le village de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, où au moins huit maisons ont été brûlées.

A la coopérative viticole de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, seules quelques palettes sur le parking ont brûlé. Mais la maison voisine est détruite, des véhicules calcinés fument dans la cour, un tas de bois coupé pour l'hiver s'est transformé en brasier.

"Quand on a vu le vent tourner dans notre sens, on a évacué la coopérative. Le feu a foncé sur le village à une vitesse impressionnante, le village a été quasiment encerclé par les flammes, le feu passait d'une maison à l'autre. Des feux, on en voit chaque année, mais comme ça, jamais", témoigne Anael Payrou, le directeur de la cave coopérative.

Deux personnes ont été blessées, "dont une personne en urgence absolue, gravement brûlée," selon la préfecture.

Dans un message sur X, le président de la République Emmanuel Macron a adressé un message de soutien aux pompiers et aux sinistrés. "Tous les moyens de la Nation sont mobilisés", a-t-il assuré, appelant à "la plus grande prudence".

Pompiers blessés 

Les vacanciers des campings de Lagrasse et de Fabrezan ont été évacués de façon préventive, ainsi qu'une trentaine de maisons à Tournissan, un autre village du secteur. Le feu a pris dans plusieurs jardins, où des habitants tentaient de contrer l'avancée des flammes à l'aide de tuyaux d'arrosage, parfois chaussés de tongs, a constaté un photographe de l'AFP.

"Le vent est en train de faiblir. A la faveur de la nuit, il y a un peu plus d'humidité. On peut espérer que le feu progresse moins vite cette nuit", observe la secrétaire générale de la préfecture de l'Aude.

Sur place, 1.250 pompiers sont mobilisés. Sept ont été légèrement blessés. Jusqu'à la tombée de la nuit, neuf Canadair, cinq Dash et deux hélicoptères bombardiers d'eau, soit "le maximum des capacités nationales" souligne la sous-préfète, se sont relayés au dessus du brasier, sans parvenir à le maîtriser.

Dans les villages de Lagrasse, Fabrezan, Tournissan, Coustouge, Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, la solidarité s'organise, des salles communales accueillent les personnes évacuées ou des sinistrés.

De nombreuses routes départementales sont fermées à la circulation pour faciliter le travail des pompiers, et 5.000 foyers sont privés d'électricité dans une vingtaine de villages.

Rester confiné 

"Il est demandé aux populations de rester confinées à l’intérieur de leurs habitations sauf ordre d’évacuation donné par les sapeurs-pompiers", insiste la préfecture dans un communiqué.

Le préfet de l'Aude a appelé à la prudence et à s'informer via les sources officielles, sans relayer des "fausses informations".

Miné par une sécheresse persistante qui rend facilement inflammable la végétation, le département de l'Aude avait été placé mardi en vigilance rouge aux feux de forêt, avec un risque "très élevé" d'incendie, alors qu'un épisode de chaleur s'installe sur le sud-ouest de la France, selon Météo-France.

Depuis le début de l'été, plusieurs incendies sont intervenus dans l'Aude. L'un d'eux, au début du mois de juillet, le plus important dans le département depuis 40 ans, avait parcouru 2.000 hectares et mobilisé près de 1.000 pompiers près de Narbonne.

Affecté par la sécheresse et l'arrachage de vignes, qui avaient une fonction de coupe-feu naturel et ralentissaient l'avancée des flammes, le département de l'Aude a connu une forte augmentation des surfaces brûlées ces dernières années.

Le directeur de la cave coopérative de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse redoute le lever du jour mercredi, par crainte de constater que la production des 400 hectares de vigne est perdue. "On eu le gel en 2022, la sécheresse en 2023 et 2024, énumère-t-il, et cette année le feu. On a l'impression qu'on est maudits. On devait vendanger dans 15 jours...".

"On a dû arracher des milliers d'hectares, on a enlevé des pare-feux naturels", regrette-t-il.

 


Largages humanitaires français sur Gaza: inefficaces mais politiquement confortables

Sur le terrain, les largages provoquent des scènes chaotiques : des centaines de Gazaouis affamés se ruent sur les colis, parfois au péril de leur vie ; certains sont blessés lors de l’atterrissage des palettes, d’autres se battent pour un sac de farine. (AFP)
Sur le terrain, les largages provoquent des scènes chaotiques : des centaines de Gazaouis affamés se ruent sur les colis, parfois au péril de leur vie ; certains sont blessés lors de l’atterrissage des palettes, d’autres se battent pour un sac de farine. (AFP)
Short Url
  • L’action est devenue un impératif, pour atténuer, autant que possible, l’horreur insoutenable suscitée par la vue de ces petits corps osseux voués à une mort certaine
  • Ainsi, le vendredi 1er août, un avion militaire français a largué dix tonnes de vivres sur Gaza : des palettes parachutées depuis le ciel, composées de denrées non périssables

PARIS: Ébranlé par les images relayées par les médias, montrant des enfants et des nourrissons décharnés par la famine imposée aux habitants de Gaza, le monde ne pouvait plus se contenter de détourner le regard.
L’action est devenue un impératif, pour atténuer, autant que possible, l’horreur insoutenable suscitée par la vue de ces petits corps osseux voués à une mort certaine.

Ainsi, le vendredi 1er août, un avion militaire français a largué dix tonnes de vivres sur Gaza : des palettes parachutées depuis le ciel, composées de denrées non périssables.
Un geste présenté comme un acte de solidarité par le président français Emmanuel Macron — un geste similaire à ceux des Jordaniens, des Émiratis, des Allemands et d’autres encore.

Un geste dérisoire

Mais pour ceux qui connaissent la réalité humanitaire sur le terrain, il s’agit surtout d’un geste dérisoire face à l’ampleur de la catastrophe.
La vérité, c’est que personne n’est dupe — ni les ONG, ni les diplomates, ni même les responsables politiques qui admettent eux-mêmes que « les largages ne suffisent pas ».

Mais persister dans cette mise en scène permet de contourner l’essentiel, parce que faire plus, c’est-à-dire briser le blocus israélien, exige un courage politique qui manque cruellement aujourd’hui.
Le largage aérien est une technique de dernier recours, utilisée lorsque les routes sont impraticables — or ce n’est pas le cas à Gaza, où les camions peuvent passer.

Ils l’ont déjà fait lors du cessez-le-feu instauré début 2024 : entre 500 et 600 camions entraient chaque jour dans l’enclave, atteignant la totalité de la population « en toute sécurité et dignité », rappelle le patron de l’UNRWA, Philippe Lazzarini.
Aujourd’hui, 6 000 camions sont prêts à franchir la frontière, mais ils sont bloqués par décision politique.

En comparaison, un avion transporte deux fois moins qu’un camion et coûte cent fois plus cher, souligne l’ancien officier français Guillaume Ancel, sur son blog Ne pas subir.
Sur le terrain, les largages provoquent des scènes chaotiques : des centaines de Gazaouis affamés se ruent sur les colis, parfois au péril de leur vie ; certains sont blessés lors de l’atterrissage des palettes, d’autres se battent pour un sac de farine.

« Une faim créée par l’homme ne peut être traitée que par la volonté politique », martèle Lazzarini.
Sans réseau organisé de distribution, ces parachutages sont condamnés à rester aléatoires, et ne remplacent pas un acheminement massif par voie terrestre, seul capable d’assurer une aide équitable et durable.

Si Israël autorise ces largages, c’est parce qu’ils offrent un alibi, affirme Ancel, ajoutant que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, « simule une ouverture tout en persistant à étrangler la population ».
Le geste donne l’illusion d’un effort humanitaire, mais en réalité, il permet de maintenir le blocus sans en assumer la responsabilité politique — c’est, en somme, un faux-semblant.

Toutefois, ce faux-semblant arrange aussi certaines capitales occidentales, car il leur permet de dire : « Nous agissons », tout en évitant d’affronter frontalement Tel-Aviv.
Le largage est donc une scène de théâtre diplomatique, où l’essentiel n’est pas d’aider vraiment, mais de se donner bonne conscience et de montrer que l’on fait quelque chose.

Pourtant, le blocus de Gaza n’est pas une fatalité, mais un choix politique — et c’est là que réside le nœud du problème.
L’ONU, le Programme alimentaire mondial, l’UNICEF et Médecins Sans Frontières sont unanimes : il faut rétablir immédiatement des couloirs terrestres, laisser entrer des centaines de camions par jour, avec de la nourriture, de l’eau, du carburant et du matériel médical.

Des largages politiquement confortables 

Cindy McCain, directrice du Programme alimentaire mondial, appelle à « inonder Gaza d’aide alimentaire massive », mais tant que le blocus israélien ne sera pas levé, ces appels resteront lettre morte.
Les largages peuvent continuer à tomber du ciel — coûteux, inefficaces, mais politiquement confortables.

Confortables, car personne ne peut briser le blocus : les Européens sont divisés, trop dépendants de Washington, et les Nations unies n’ont aucune emprise sur la situation.
Reste les États-Unis, indique Ancel, qui rappelle que le président américain Donald Trump avait réussi à imposer à Netanyahou la fin d’une opération militaire contre l’Iran, en 2020.
Cependant, aujourd’hui, aucun dirigeant occidental ne semble prêt à exercer la même pression pour Gaza.

Alors, en attendant, la famine avance et tue.
Plus de 150 morts par malnutrition ont déjà été recensés, et chaque jour sans camions est un jour de trop, affirment les organisations humanitaires.
Chaque largage aérien, aussi bien intentionné soit-il, est une diversion qui permet au blocus de perdurer.

Pour parler clairement, il faut dire que larguer quelques tonnes de vivres sur Gaza ne sauvera pas la population : c’est un geste de communication, pas une stratégie humanitaire.
Les dirigeants qui s’en contentent se réfugient dans le confort du symbole, au lieu d’affronter la réalité politique.
Car seule la levée, même partielle, du blocus permettra d’éviter une famine massive — et c’est d’ailleurs ce que le président français reconnaît dans un post sur X.

Ce n’est pas une question de moyens techniques, ni même une question de financement, mais une question de volonté politique.
Tant que celle-ci fera défaut, Gaza restera prisonnière de ce que Lazzarini appelle « une faim créée par l’homme » : une faim délibérée, qui n’est pas le fruit du hasard, mais d’une stratégie assumée — et tolérée — par tous.


Tourisme en France: un an après les JO, un bilan prometteur mais insuffisant

La fréquentation aérienne à Paris devrait augmenter de 18 % en juillet et de 7 % en août. « On ne fantasme pas une explosion de fréquentation grâce aux Jeux, mais l’image de Paris s’est consolidée », affirme l’Office de tourisme de Paris. La tendance est également positive ailleurs dans l’Hexagone, même si elle reste tributaire de facteurs saisonniers. La météo joue toujours un rôle majeur dans les réservations. (AFP)
La fréquentation aérienne à Paris devrait augmenter de 18 % en juillet et de 7 % en août. « On ne fantasme pas une explosion de fréquentation grâce aux Jeux, mais l’image de Paris s’est consolidée », affirme l’Office de tourisme de Paris. La tendance est également positive ailleurs dans l’Hexagone, même si elle reste tributaire de facteurs saisonniers. La météo joue toujours un rôle majeur dans les réservations. (AFP)
Short Url
  • Les anciens sites olympiques suscitent encore la curiosité : des touristes viennent découvrir les lieux où étaient installés les stades éphémères, et la vasque olympique, désormais située dans le jardin des Tuileries, s’impose comme un symbole fédérateur
  • La fréquentation aérienne à Paris devrait augmenter de 18 % en juillet et de 7 % en août. « On ne fantasme pas une explosion de fréquentation grâce aux Jeux, mais l’image de Paris s’est consolidée », affirme l’Office de tourisme de Paris

PARIS: Un an après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, la France continue de récolter les fruits de cet événement mondial.
Si l’été olympique avait quelque peu déçu certains professionnels du tourisme, l’été 2025 marque un tournant plus favorable.
L’Île-de-France, en particulier, affiche une dynamique encourageante : entre janvier et mai, 19,2 millions de visiteurs y ont été recensés, soit une hausse de 1 % par rapport à l’an dernier.
Ce rebond est porté principalement par la clientèle étrangère, en augmentation de 8 %, selon le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France.
Les anciens sites olympiques suscitent encore la curiosité : des touristes viennent découvrir les lieux où étaient installés les stades éphémères, et la vasque olympique, désormais située dans le jardin des Tuileries, s’impose comme un symbole fédérateur.
La fréquentation aérienne à Paris devrait augmenter de 18 % en juillet et de 7 % en août. « On ne fantasme pas une explosion de fréquentation grâce aux Jeux, mais l’image de Paris s’est consolidée », affirme l’Office de tourisme de Paris.
La tendance est également positive ailleurs dans l’Hexagone, même si elle reste tributaire de facteurs saisonniers. La météo joue toujours un rôle majeur dans les réservations.
Si les régions du Nord-Ouest ont pâti d’un été 2024 maussade, la Bretagne et la Normandie reprennent des couleurs grâce au beau printemps 2025 et à la canicule de juin. Les campings enregistrent une hausse de 4 % des réservations, et les professionnels anticipent une croissance globale de 2,5 % dans l’hôtellerie de plein air.
Au niveau national, les signaux sont au vert, selon Atout France : les réservations dans l’hôtellerie sont en hausse de 1,5 %, et de 16 % pour les locations de vacances. Juin a été un excellent mois, porté notamment par une clientèle de seniors, attirés par des températures plus clémentes et une moindre affluence.

Contexte économique difficile
Si les Français restent prudents en raison du contexte économique, les étrangers sont bien au rendez-vous.
Les Américains, malgré une parité euro-dollar moins avantageuse, maintiennent leur fréquentation, tandis que les Canadiens, Scandinaves, Australiens et Chinois affichent une croissance de 10 à 15 %.
Au total, les visiteurs internationaux devraient être 4,7 % plus nombreux cet été qu’en 2024.

Mais tous ces efforts ne masquent pas certaines failles persistantes. Un sondage mené auprès de plus de 100 touristes à Paris révèle une légère baisse de satisfaction par rapport à l’été olympique.
Alors que la capitale avait obtenu la note moyenne de 8,18/10 en 2024, elle plafonne à 7,94 en 2025. En cause : la dégradation perçue de la propreté (passée de 7 à 6,5/10) et de la sécurité (de 8,6 à 7,6/10).
Paris est une ville magnifique, mais les touristes ont bien des raisons de se plaindre : certains quartiers sentent l’urine, d’autres pâtissent de la présence de détritus, de crottes de chien ou d’un sentiment d’insécurité accru.
Sans le dispositif policier exceptionnel des JO, les incivilités semblent avoir regagné du terrain.
Les transports, eux aussi, cristallisent les critiques : le métro parisien est jugé vétuste, mal indiqué, et les procédures de billetterie souvent incompréhensibles pour les étrangers.
Enfin, si les serveurs gagnent en amabilité (note moyenne de 7,9 contre 7,2 en 2024), les Parisiens, dans leur ensemble, sont perçus comme moins accueillants, malgré l’importance de l’impact touristique sur le plan économique.

En 2024, 100 millions de visiteurs étrangers

Avec 100 millions de visiteurs étrangers accueillis en 2024, la France reste la première destination touristique mondiale en nombre. Mais en termes de recettes, elle stagne à la quatrième place, derrière l’Espagne (126 milliards d’euros), les États-Unis et le Royaume-Uni.
En 2024, les recettes touristiques françaises s’élevaient à 71 milliards d’euros. Pour corriger ce déséquilibre, le Comité interministériel du tourisme, réuni fin juillet à Angers, a fixé un objectif ambitieux : atteindre 100 milliards d’euros de recettes d’ici 2030.
Cette transformation passe par une diversification et une montée en gamme de l’offre : tourisme durable, œnotourisme, tourisme de savoir-faire, tourisme sportif ou encore tourisme d’affaires.
Des mesures concrètes ont été annoncées, parmi lesquelles une nouvelle régulation des meublés touristiques, une simplification de l’embauche dans le secteur, ainsi que des campagnes de promotion ciblées, notamment vers l’Asie.
Le gouvernement souhaite également renforcer l’attractivité des métiers du tourisme, avec un plan « saisonniers » et une nouvelle édition de la Semaine des Métiers du Tourisme.

La campagne internationale lancée sous le slogan « Jouez les prolongations » vise à capitaliser sur l’héritage des Jeux pour prolonger l’élan positif. Car au-delà des infrastructures rénovées et des chiffres flatteurs, l’enjeu est désormais qualitatif : faire en sorte que chaque visiteur reparte avec une image chaleureuse, fluide et durable de la France.