Larmes, colère, «défiance démocratique», des Français face à la fracture numérique

Un travailleur social aide les habitants du quartier à résoudre des problèmes administratifs en ligne à Béziers, France. (AFP).
Un travailleur social aide les habitants du quartier à résoudre des problèmes administratifs en ligne à Béziers, France. (AFP).
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Publié le Samedi 05 mars 2022

Larmes, colère, «défiance démocratique», des Français face à la fracture numérique

  • 13 millions de Français demeurent «éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages»
  • Demande de logement social, retraites... Il est désormais quasi impossible de faire valoir ses droits sans devoir créer un compte en ligne

BEZIERS: "En larmes, en colère", beaucoup de Français se sentent désemparés face à la dématérialisation des services publics, un sentiment qui accentue la défiance envers la démocratie dans un pays où l'abstention a progressé ces dernières années.

Devant la poste de Béziers (Hérault), Marine Molinier, médiatrice sociale, gare son "bureau" transporté sur un triporteur électrique. Tel un origami, elle déploie une table, un ordinateur, une imprimante, deux tabourets.

Très vite, une jeune femme, justificatifs en main, s'approche avec l'espoir de faire fonctionner son pass sanitaire. Après une après-midi passée au téléphone, la médiatrice réussit à ouvrir un compte sur le site de la sécurité sociale pour la mère de famille, qui repart "soulagée".

A son tour, Yveline Dequéker, 74 ans, qui bute sur un disque vocal à choix multiple, s'agace: "Il y a un magnéto qui vous dit +tapez un, tapez deux, tapez trois+. C'est absolument le stress!". "Je n'y arrive pas, je n'ai pas de smartphone et il n'y a pas de bureau où on peut aller voir les fonctionnaires, les employés", déplore la retraitée, loin d'être la seule dans ce cas.   

Selon des chiffres gouvernementaux, 13 millions de Français demeurent "éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages".

Des "exclus" que l'anthropologue spécialiste des usages du numérique Pascal Plantard répartit en trois groupes: les habitants des territoires bas débit et des "zones blanches" (non couvertes par un réseau mobile), les personnes en situation de pauvreté-précarité, qui n'ont pas les moyens de se payer le matériel et les abonnements nécessaires, et enfin celles subissant des déconnexions involontaires, faute de maîtriser les outils, ou choisissant la déconnexion volontaire.

"Il y a une grosse fracture numérique", constate derrière son triporteur Marine Molinier. "On leur dit où chercher l'information et ce n'est qu'en dernier recours qu'on le fait pour eux, mais, malheureusement, c'est assez souvent le cas".

Marche forcée

Grâce à ses "guitounes", comme elle les a baptisées, l'association "Luoga" se déplace dans l'espace public, sur les places et dans les rues. Et elle est en train d'essaimer dans une trentaine de villes en France: "On touche des gens pour qui c'est un peu la dernière chance", commente sa directrice-fondatrice, Thérèse Bérard.

Permis de conduire, carte grise, demande de logement social, impôts, retraites... Il est désormais quasi impossible de faire valoir ses droits sans devoir créer un compte en ligne avec un mot de passe alambiqué, puis scanner et attacher des pièces jointes.

Si le chef de l'Etat Emmanuel Macron a promis de rendre 250 démarches administratives "essentielles à la vie quotidienne des Français" accessibles en ligne d'ici la fin de son quinquennat, sur le terrain, on déplore les effets parfois dramatiques de cette avancée à marche forcée. 

Des jeunes demandeurs du Revenu de solidarité active (RSA) aux agriculteurs voulant faire valoir leur droit à la retraite, France Services, installé dans un centre social de Carpentras (Vaucluse) qui fait de l'accompagnement informatique depuis de nombreuses années, a vu depuis 2017 son public "s'élargir" avec la généralisation du tout numérique.

"On a tous les profils, des gens perdus qui ne savent plus à qui s'adresser avec la disparition des accueils physiques dans les administrations", observe sa directrice, Isabelle Faure. Avec des conséquences graves: certains se retrouvent sans aucune ressource faute d'avoir réussi à effectuer les démarches en ligne.

"Dès que vous ne rentrez pas dans les cases, ce qui représente une majorité de cas, la dématérialisation complexifie les démarches", souligne Thierry Petrone, médiateur de France Services à Carpentras.

"La numérisation n'est pas un problème en soi si l'objectif est d'améliorer la qualité du service rendu. Mais, malheureusement, ce n'est pas l'objectif, qui en réalité est de faire des économies de fonctionnaires et sur le foncier", dénonce Prune Helfer-Noah, membre du collectif de fonctionnaires "Nos services publics".

Frustration, sidération, révolte

En 2021, le Défenseur des droits chargé de protéger les droits des usagers des services publics a enregistré une augmentation de 15% des saisines, "fortement liée à la dématérialisation".

"On a des gens en larmes, en colère, qui ont un sentiment d'inégalité et une défiance envers notre démocratie et notre société", relate auprès de l'AFP la dirigeante de cette autorité administrative indépendante, Claire Hédon. 

"C'est parce qu'on a accès aux services publics qu'on se sent citoyens", insiste Mme Hédon, qui estime "indispensable" le maintien d'un accueil physique dans les administrations.

"Il y a de tels décalages entre la réalité quotidienne et le discours de l'Etat qu'on est dans une situation où on ne peut qu'augmenter les frustrations", analyse également l'anthropologue Pascal Plantard. "On est dans le fantasme d'un techno-solutionnisme dont le mot d'ordre serait +Y'a qu'à, faut qu'on+", dénonce le chercheur. 

Cette dépendance à internet est encore plus préjudiciable pour les plus précaires, qui ont 40 fois plus de démarches administratives en ligne à effectuer (rétablissement du chauffage suite à une coupure, demandes d'allocations et autres aides...) qu'une famille aisée, observe encore le professeur du plus grand pôle de recherches français sur le sujet.

"Cela provoque un processus de stigmatisation et de disqualification sociale qui se manifeste de deux manières, avertit M. Plantard: la sidération administrative, avec l'abandon de ses droits, ou une révolte, comme l'a montré le mouvement des +gilets jaunes+ qui a rassemblé des gens partageant des galères communes". 


Le budget de la Sécurité sociale et son débat sur les retraites suspendus au vote sur les "recettes"

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (en bas) s'exprime lors d'un débat parlementaire sur le budget 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 31 octobre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (en bas) s'exprime lors d'un débat parlementaire sur le budget 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 31 octobre 2025. (AFP)
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  • Les députés doivent voter sur la partie « recettes » du budget de la Sécurité sociale, dont le rejet bloquerait l’examen de la suspension de la réforme des retraites prévue dans la partie « dépenses »
  • Malgré les divisions, le gouvernement appelle à la responsabilité pour éviter un blocage, tandis que les oppositions cherchent à peser sur le déficit et la répartition des recettes

PARIS: Le budget de la Sécurité sociale va-t-il poursuivre son chemin à l'Assemblée? Les députés doivent se prononcer, potentiellement samedi, sur sa partie "recettes" largement remaniée, et dont le rejet interromprait les débats avant même l'article-phare suspendant la réforme des retraites.

Signe de l'importance du moment, le ministère des Relations avec le Parlement a appelé les députés à adopter cette partie du texte pour que le débat "se poursuive" sur les dépenses, avant un vote sur l'ensemble du texte prévu mercredi, plutôt que d'envoyer dès ce week-end tout le projet de loi initial au Sénat. Laconique, et s'exprimant depuis le Mexique, Emmanuel Macron a tout de même répété ses vœux de "stabilité" pour le pays, en misant sur "la responsabilité de chacun" dans l'examen de ce budget.

La partie "dépenses" contient des "sujets de santé, de prévention, d'hôpital" et "la suspension de la réforme des retraites", rappelle le ministère.

Un message nécessairement adressé aux oppositions, mais qui peut aussi se lire comme un appel à la mobilisation de son propre camp, échaudé par certaines concessions à la gauche.

"On est loyal à un gouvernement qui fait n'importe quoi", s'est emporté anonymement cette semaine un député Renaissance.

L'opportunité d'aborder tous les sujets pèse à gauche: "on ne votera pas contre la partie recettes, ne serait-ce que parce qu'on veut qu'il y ait le débat sur la réforme des retraites", a expliqué à l'AFP Stéphane Peu, patron du groupe communiste, qui devrait s'abstenir.

Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN, pense que tous les groupes ont "intérêt à ce qu'on aborde les dépenses" car "ce n'est pas bon de laisser entendre aux Français que quand on parle de budget on ne parle que de fiscalité". Mais la décision sera actée par la patronne Marine Le Pen.

Le gouvernement espérera nécessairement une abstention des socialistes plutôt qu'un vote contre, alors que le PS, qui a obtenu sous la menace d'une censure l'annonce d'une suspension de la réforme des retraites, a un intérêt objectif à ce que les débats aillent jusqu'à cet article crucial.

- Quel déficit? -

Les oppositions, mais aussi une partie du camp gouvernemental, peuvent aussi se targuer d'avoir largement réécrit la partie recettes: exit la surtaxe sur les mutuelles, la cotisation patronale sur les tickets-restaurants ou la fin d'une exonération sur les salaires des apprentis.

Et la gauche a aussi fait adopter des amendements PS, LFI et communiste pour une hausse de CSG sur les revenus du patrimoine, et dégager 2,8 milliards de recettes en 2026. Le tout avec un avis favorable, quoique très froid, du gouvernement, qui n'a pas approuvé le dispositif mais veut qu'il reste sur la table pour la suite de la navette parlementaire.

"C'est la seule chose, pour l'instant, qu'ils ont cédée. Si les choses ne changent pas (...) ce sera un vote contre", estimait vendredi après-midi Hendrik Davi, du groupe écologiste, qui décidera samedi de sa position.

"J'aurais bien aimé qu'il y ait un petit peu plus de recettes", pointait aussi Jérôme Guedj (PS) vendredi, déçu du manque de soutien à certaines réductions d'exonérations patronales. "Il faut qu'on voit à la fin ce qu'il y a."

Plus d'impôts, moins de dépenses... Tous les groupes s'inquiètent à leur manière de la façon dont sera réduit le déficit de la Sécu. La copie du gouvernement prévoyait 17,5 milliards d'euros de déficit en 2026 (contre 23 milliards en 2025).

Mais le feu nourri des parlementaires contre plusieurs mesures-phares, comme le gel des retraites et des minima sociaux auquel le gouvernement entend renoncer, éloigne l'objectif.

"Il faudra nous assurer que, de manière absolue, le déficit de la sécurité sociale ne soit pas supérieur à 20 milliards d'euros", a insisté mercredi la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.

Une alerte perçue comme une marge de manœuvre par certains à gauche, qui considèrent que le gouvernement de Sébastien Lecornu est effectivement prêt à renoncer à certaines mesures d'économies.


La présidente du Louvre déterminée à mener à bien la modernisation du musée

 La présidente-directrice du Louvre, musée le plus visité au monde, a assuré vendredi "avoir pris toute la mesure" des problèmes de sécurité du musée, après le vol retentissant de bijoux de la Couronne et un rapport très critique de la Cour des comptes. (AFP)
La présidente-directrice du Louvre, musée le plus visité au monde, a assuré vendredi "avoir pris toute la mesure" des problèmes de sécurité du musée, après le vol retentissant de bijoux de la Couronne et un rapport très critique de la Cour des comptes. (AFP)
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  • "J'ai pris toute la mesure de nos problèmes de sécurité", a déclaré Laurence des Cars, en précisant que le plan de sécurisation du Louvre, ou "schéma directeur" des équipements de sûreté, rentrait "en application aujourd'hui"
  • Il consiste en "toute une série de travaux d'améliorations, notamment en matière de vidéosurveillance", qui constitue "un des points faibles" du musée, comme l'a rappelé la présidente

PARIS: La présidente-directrice du Louvre, musée le plus visité au monde, a assuré vendredi "avoir pris toute la mesure" des problèmes de sécurité du musée, après le vol retentissant de bijoux de la Couronne et un rapport très critique de la Cour des comptes.

"J'ai pris toute la mesure de nos problèmes de sécurité", a déclaré Laurence des Cars, en précisant que le plan de sécurisation du Louvre, ou "schéma directeur" des équipements de sûreté, rentrait "en application aujourd'hui".

Il consiste en "toute une série de travaux d'améliorations, notamment en matière de vidéosurveillance", qui constitue "un des points faibles" du musée, comme l'a rappelé la présidente, qui en avait déjà fait état lors de son audition devant la commission de la Culture du Sénat fin octobre.

"Je veux remercier la confiance qui m'est accordée" pour "porter la transformation du Louvre, qui a plus que jamais besoin de transformation, de modernisation, pour devenir pleinement un musée du XXIe siècle. Ce qu'il n'est pas aujourd'hui", a ajouté la présidente, dont la démission avait été refusée après le vol.

Laurence des Cars, en poste depuis septembre 2021, a convoqué un conseil d'administration d'urgence vendredi pour revoir la gouvernance du musée le plus visité du monde.

Le 19 octobre, des malfaiteurs avaient réussi à s'introduire au Louvre et à dérober des joyaux d'une valeur de 88 millions d'euros, qui restent introuvables. Quatre suspects ont été mis en examen et écroués.

La Cour des comptes a étrillé jeudi le grand musée parisien dans un rapport en estimant qu'il avait "privilégié des opérations visibles et attractives" au détriment de la sécurité.

Entre 2018 et 2024, le Louvre a consacré 26,7 millions d'euros à des travaux d'entretien et de mise aux normes et 105,4 millions d'euros "pour l'acquisition d'œuvres", selon le rapport.

Mais, pour Laurence des Cars, "le Louvre est un tout" dans "lequel il ne faut pas opposer les travaux aux acquisitions des oeuvres, l'accueil de tous les publics". "Nous avons assuré l'ensemble de nos missions".

 


Un jeune homme tué par arme blanche dans une rixe à Clermont-Ferrand

Un jeune homme a été tué par arme blanche lors d'une rixe dans la nuit de jeudi à vendredi à Clermont-Ferrand et l'auteur des coups est en fuite, a indiqué le procureur à l'AFP. (AFP)
Un jeune homme a été tué par arme blanche lors d'une rixe dans la nuit de jeudi à vendredi à Clermont-Ferrand et l'auteur des coups est en fuite, a indiqué le procureur à l'AFP. (AFP)
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  • A un moment, l'un des protagonistes est parti chercher un couteau. A son retour, il a frappé au thorax un jeune homme qui n'a pas pu être ranimé par les secours, a précisé le magistrat
  • La victime était âgée de 20 ans et son meurtrier s'est enfui avec l'arme du crime, selon une source policière

CLERMONT-FERRAND: Un jeune homme a été tué par arme blanche lors d'une rixe dans la nuit de jeudi à vendredi à Clermont-Ferrand et l'auteur des coups est en fuite, a indiqué le procureur à l'AFP.

Une rixe est survenue entre deux groupes de personnes dans le centre de la ville en fin de soirée pour un motif encore inconnu, a expliqué Eric Serfass.

A un moment, l'un des protagonistes est parti chercher un couteau. A son retour, il a frappé au thorax un jeune homme qui n'a pas pu être ranimé par les secours, a précisé le magistrat.

La victime était âgée de 20 ans et son meurtrier s'est enfui avec l'arme du crime, selon une source policière.

Il n'y a pas eu d'autres blessés et aucune interpellation n'a encore eu lieu, selon le procureur.

Une enquête pour homicide volontaire est ouverte.