Le spectre de Tchernobyl inquiète le Conseil de sécurité de l'ONU

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni pour discuter du danger posé sur la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine (Photo, AP/Reuters).
Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni pour discuter du danger posé sur la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine (Photo, AP/Reuters).
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Publié le Samedi 05 mars 2022

Le spectre de Tchernobyl inquiète le Conseil de sécurité de l'ONU

  • L'envoyé américain a déclaré qu'une catastrophe avait été évitée de justesse en Ukraine après qu'une attaque russe a déclenché un incendie dans la plus grande centrale nucléaire d'Europe
  • L'ambassadeur de Russie a décrit l'incident et la réunion comme une nouvelle tentative de l'Occident de semer l'hystérie à propos de l'Ukraine dans le cadre d'une campagne de désinformation

NEW YORK : «Par la grâce de Dieu, le monde a évité de justesse une catastrophe nucléaire hier soir», a déclaré vendredi Linda Thomas-Greenfield, la représentante permanente des États-Unis auprès de l'ONU, au Conseil de sécurité.

"Nous avons tous attendu le souffle coupé en suivant en temps réel l'horrible situation se dérouler sous nos yeux", tels étaient les mots de Linda Thomas-Greenfield pour décrire son émotion lors d'une réunion d'urgence du conseil convoquée par le Royaume-Uni pour discuter d'un incendie qui s'était déclaré la nuit précédente à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine alors que les troupes russes attaquaient et prenaient le contrôle de l'installation.

L'envoyé a déclaré que l'attaque contre la plus grande centrale nucléaire d'Europe était "incroyablement imprudente et dangereuse" et l'avait mise "en grave danger".

Le feu a été éteint tôt vendredi. Il a causé des dommages à une installation de formation de la centrale mais n'a affecté aucun de ses six réacteurs.

Rafael Grossi, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a confirmé qu'aucun des réacteurs nucléaires ou autres équipements essentiels n'a été endommagé et que les niveaux de rayonnement restent normaux. Le personnel ukrainien de l'usine continue de la faire fonctionner et les systèmes de sécurité fonctionnent, a-t-il ajouté.

L'incident a déclenché une condamnation dans le monde entier, ainsi que des avertissements sur les conséquences potentiellement catastrophiques d'une telle attaque sur le peuple ukrainien et les populations de la région.

Rosemary DiCarlo, sous-secrétaire générale de l'ONU aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que le peuple ukrainien n'était que trop conscient des ravages que les accidents nucléaires peuvent causer.

"La catastrophe de Tchernobyl en 1986 est un exemple durable de la raison pour laquelle il est vital de garantir que toutes les centrales nucléaires respectent les normes de sûreté et de sécurité les plus élevées", a-t-elle déclaré au conseil.

Elle a ajouté que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a suivi "avec une grande inquiétude" les informations faisant état de combats autour de l'usine.

"Les opérations militaires autour des sites nucléaires et d'autres infrastructures civiles critiques sont non seulement inacceptables mais hautement irresponsables", a déclaré DiCarlo. "Tous les efforts doivent être faits pour éviter un accident nucléaire catastrophique."

Thomas-Greenfield s'est joint à d'autres membres du conseil pour demander à la Russie de retirer ses troupes de l'usine "pour permettre le traitement médical du personnel blessé, afin de garantir aux opérateurs un accès complet au site" et pour cesser tout recours à la force qui pourrait mettre à mettre en péril les 15 réacteurs nucléaires en activité à travers l'Ukraine.

S'adressant directement à Vassily Nebenzia, son homologue russe au Conseil, Thomas-Greenfield a déclaré : "Ce Conseil exige des réponses. Nous avons besoin de vous entendre dire que tel acte ne se reproduira jamais."

"Nous vous demandons de retirer vos troupes et vos armes d'Ukraine. Nous vous appelons à respecter les frontières de l'Ukraine, son peuple et la Charte des Nations Unies.

Nous vous demandons de respecter suffisamment vos propres troupes pour ne pas les envoyer dans une guerre injuste – ou dans une mission suicide contre une centrale nucléaire."

"(Le président russe Vladimir) Poutine doit arrêter cette folie et il doit l'arrêter maintenant. Les têtes froides doivent prévaloir," lance-t-elle. 

En réponse, Nebenzia a déclaré : "La réunion d'aujourd'hui est une autre tentative des autorités de Kiev de répandre une hystérie artificielle autour de ce qui se passe en Ukraine et elles sont aidées par leurs bailleurs de fonds occidentaux".

L'envoyé russe a affirmé que les reportages sur l'incident de Zaporizhzhia étaient faux et "faisaient partie d'une campagne sans précédent de mensonges et de désinformation contre la Russie".

Il a déclaré que l'incendie n'avait pas été causé par des bombardements russes et a plutôt accusé les "saboteurs" ukrainiens de l'avoir provoqué en tirant sur une patrouille russe. Il a ajouté que les forces de son pays contrôlent désormais les centrales électriques de Zaporizhzhia et de Tchernobyl, pour éviter qu'elles ne tombent entre les mains de "terroristes ukrainiens".

Nebenzia a rejeté ce qu'il a décrit comme une tentative de ses "chers collègues occidentaux" à transformer l'incident de jeudi en un scandale mondial.

"Les nationalistes ukrainiens sont désormais sous votre protection et ont une carte blanche de votre part", a-t-il ajouté.

Lana Nusseibeh, représentante permanente des Émirats arabes unis et présidente du Conseil de sécurité ce mois-ci, a déclaré qu'un autre Tchernobyl devait être évité, car les conséquences désastreuses affecteraient non seulement l'Ukraine mais toute la région.

"La sûreté nucléaire est une question cruciale pour mon pays et nous poursuivrons tous les efforts possibles pour maintenir la sûreté nucléaire", a-t-elle déclaré.

Nusseibeh s'est joint aux autres ambassadeurs pour saluer un deuxième cycle de pourparlers entre la Russie et l'Ukraine qui a abouti à un accord préliminaire pour l'ouverture de couloirs humanitaires afin que les personnes fuyant la guerre puissent partir en toute sécurité.

Elle a ajouté que les Émirats arabes unis appelaient à la fin immédiate des hostilités et à la résolution du conflit par le dialogue et la diplomatie.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"