Habituée à la neutralité, l'économie suisse s'adapte à marche forcée aux sanctions

La société de projet de pipeline basée en Suisse, Nord Stream 2, avait déposé son bilan et l'ensemble de son effectif de 106 personnes avait été licencié à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (AFP)
La société de projet de pipeline basée en Suisse, Nord Stream 2, avait déposé son bilan et l'ensemble de son effectif de 106 personnes avait été licencié à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (AFP)
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Publié le Samedi 05 mars 2022

Habituée à la neutralité, l'économie suisse s'adapte à marche forcée aux sanctions

  • La faillite de l'opérateur du gazoduc germano-russe Nord Stream 2 a semé la panique dans le secteur
  • Habituées à la neutralité, les entreprises suisses dévoilent depuis en ordre dispersé les mesures à prendre pour se conformer aux sanctions

ZURICH: La Suisse a durci sa ligne contre la Russie, forçant son économie à s'adapter aux sanctions à marche forcée, en particulier dans le secteur du négoce des matières premières où souffle un vent de panique. 


Lundi, la Suisse s'est calée sur les sanctions de l'Union Européenne, sortant de sa traditionnelle réserve notamment en ordonnant le gel immédiat des avoirs de personnalités et entités russes figurant sur la liste noire de l'UE. 


Habituées à la neutralité, les entreprises suisses dévoilent depuis en ordre dispersé les mesures à prendre pour se conformer aux sanctions, tout en insistant sur la faible part de la Russie dans leurs chiffres d'affaires pour tenter de rassurer leurs investisseurs.


La compagnie aérienne Swiss (filiale de l'allemand Lufthansa) a suspendu ses vols pour Moscou et Saint-Pétersbourg. L'armateur MSC Mediterranean Shipping Company et le logisticien Kuehne + Nagel ont, eux, cessé de prendre les commandes pour les cargaisons, sauf pour les denrées alimentaires, médicales et humanitaires. 


Pour le commerce extérieur, "les conséquences directes" sont "limitées", a réagi l'organisation patronale Economiesuisse à l'annonce des sanctions. 


La Russie n'est que son 23ème partenaire commercial. La Suisse y exporte surtout des médicaments, produits médicaux, montres et machines et importe majoritairement de l'or, des métaux précieux et de l'aluminium. 


En 2021, ses exportations s'y montaient à 3,2 milliards de francs suisses (3,1 milliards d'euros), les importations se limitant à 270 millions de francs, selon l'administration fédérale des douanes. Par comparaison, ses exportations vers l'Allemagne, son premier partenaire commercial en Europe, se chiffraient à 44 milliards de francs. 


Mais la Suisse est aussi un acteur important du négoce des matières premières, au travers d'entreprises telles que Glencore, Trafigura, Vitol et Gunvor qui se concentrent à Genève et dans le canton de Zoug.

En mode «cellule de crise»
Selon un chiffre qui a circulé dans la presse helvétique, 80% du pétrole russe serait négocié en Suisse, même si Florence Schurch, secrétaire générale de l'Association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime, "ne confirme pas" ce chiffre.


Le poids exact du pétrole russe négocié en Suisse est "en cours d'évaluation", a-t-elle précisé à l'AFP, attestant cependant que le secteur pèse lourd dans l'économie. Rien qu'au niveau de l'emploi, le négoce de l'énergie, des grains, métaux et minerais représente quelque 10 000 emplois directs et 35 000 indirects.  


"Depuis lundi, tout le monde est un peu en mode cellule de crise", explique-t-elle. Certaines entreprises doivent déjà "localiser leurs cargaisons" en cours ou "rapatrier des marins bloqués en Mer Noire".


"Beaucoup d'entreprises se sont auto-censurées", constate-t-elle, notamment parce que la question des paiements devient "compliquée" maintenant que les banques russes sont débranchées du système Swift et que les banques suisses sont en train de revoir leurs financements du négoce.


La faillite de l'opérateur du gazoduc germano-russe Nord Stream 2 a semé la panique dans le secteur. Le géant du négoce Glencore a également annoncé qu'il est en train de passer en revue ses activités en Russie tandis que Trafigura examine sa participation dans Vostok Oil, le grand projet pétrolier de Rosneft en Sibérie. 

Banques, montres et tourisme 
Les banques suisses sont également très prisées des grosses fortunes russes pour placer leur argent. Selon les statistiques de la Banque des règlements internationaux, les engagements des banques suisses à l'égard de clients russes se montaient à 23 milliards de dollars au troisième trimestre 2021. 


L'association suisse des banquiers a réagi aux sanctions en disant que "la Russie est un marché intéressant, mais non prioritaire" et a exclu les filiales suisses de Gazprombank et Sberbank de ses rangs. 


En Bourse, Richemont et Swatch ont également été secoués face aux craintes des investisseurs pour le secteur du luxe. La Russie ne représente qu'environ "1% de nos exportations", a quantifié Jean-Daniel Pasche, le président de la fédération horlogère. Mais la chute du rouble pourrait affecter les ventes de montres et le conflit risque aussi, selon lui, de retarder le retour des clients russes qui "ne viennent plus en Suisse depuis le début de la pandémie". 


En 2019, avant la pandémie, les touristes russes ne représentaient que 1,7% des nuitées hôtelières. "Cependant, il s'agit d'une clientèle aisée", indique Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme, qui fréquente davantage les hôtels 5 étoiles que d'autres touristes. Certains grands hôtels qui comptent une clientèle russe fidèle pourraient donc être "plus spécifiquement impactés".


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.