Tchad: rebelles fraîchement repentis ou «traîtres» achetés par la junte ?

Le président de transition tchadien Mahamat Idriss Deby Itno fait signe de la main alors qu'il quitte l'Elysée après une rencontre avec le président français, à Paris le 12 novembre 2021. (AFP)
Le président de transition tchadien Mahamat Idriss Deby Itno fait signe de la main alors qu'il quitte l'Elysée après une rencontre avec le président français, à Paris le 12 novembre 2021. (AFP)
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Publié le Lundi 07 mars 2022

Tchad: rebelles fraîchement repentis ou «traîtres» achetés par la junte ?

  • Djimmy avait fui son pays en 1992, deux ans après le coup d’État, et obtenu l’asile en Suisse, tout en prenant à distance des responsabilités dans des groupes rebelles successifs
  • Le retour de l'ancien dirigeant rebelle à N'Djamena, la capitale, le 28 août 2021, a été critiqué par certains de ses anciens compagnons d'armes, qui l'ont accusé de s'être fait acheter

N'DJAMENA: Quand il a posé les pieds au Tchad pour la première fois depuis 13 ans, Younous Wakaï Djimmy a ressenti "une émotion particulière". L'ancien rebelle, qui a connu le maquis puis l'exil après avoir combattu l'ancien président Idriss Déby Itno, a décidé de rentrer à l'appel du nouveau chef de l’État. 


Ancien dirigeant de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), Wakaï Djimmy avait rejoint ce groupe rebelle - un des principaux du pays - en 2005, "alors que le Tchad était une dictature", soutient-il. Il avait pris les armes contre Idriss Déby, arrivé au pouvoir en 1990 et qui a dirigé le pays d'une main de fer jusqu'à sa mort en avril 2021, tué lors d'une offensive d'autres rebelles.


Le jour de cette annonce, son fils, Mahamat Idriss Déby, général de 37 ans, prend la tête de ce vaste pays d'Afrique centrale parmi les plus pauvres au monde. Il tend rapidement la main aux rebelles, en les invitant à participer à un dialogue avec les autorités. 


Si certains de ses anciens compagnons d'armes restent prudents quand aux intentions des nouvelles autorités, Wakaï Djimmy se décide vite à prendre "de nombreux contacts avec le pouvoir". "Je veux donner le bénéfice du doute au nouveau président", affirme-t-il. Aujourd'hui, cet ingénieur agronome de formation, est à la recherche d'un emploi. "Mais je ne mets pas mon passé de rebelle sur mon CV, cela pourrait décourager les recruteurs", sourit-il. 

«Pas un kopeck»
Le retour de l'ancien dirigeant rebelle à N'Djamena, la capitale, le 28 août 2021, a été critiqué par certains de ses anciens compagnons d'armes, qui l'ont accusé de s'être fait acheter. "Je n'ai pas touché un kopeck", répond-il aux accusations, implorant ses anciens camarades de comprendre qu'"il est temps d'arrêter cette guerre pour que le Tchad se développe". 


"Je gagnais très bien ma vie en tant que pasteur en Suisse", assure de son côté Kingabé Ogouzeïmi de Tapol, après 30 années en exil. Il y a quelques semaines, il était l'influent porte-parole du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) qui a lancé l'offensive fatale au maréchal Déby. 


Il avait fui son pays en 1992, deux ans après le coup d’État ayant porté Idriss Déby au pouvoir, et obtenu l’asile en Suisse, tout en prenant à distance des responsabilités dans des groupes rebelles successifs. 


"On ne se réjouit jamais de la mort d’un homme", affirme, à propos du maréchal Déby, l'ex-rebelle de 62 ans, hébergé dans un luxueux hôtel de N'Djamena où il est rentré fin janvier sous l'objectif des caméras de la télévision d’État.


La photo de sa poignée de main, alors, avec Mahamat Déby illustre désormais son profil de messagerie. 


Le FACT l’a exclu pour "haute trahison et intelligence avec l’ennemi". "Il est temps d'utiliser d'autres leviers que la guerre", réplique le repenti pour sa défense. "Je suis rentré aussi parce que je n'ai toujours pas pu aller sur la tombe de ma mère, qui est morte quand j'étais en exil", poursuit-il, visiblement ému.

«Retour au bercail»
Cette main tendue des autorités sert, "si ce n'est à décapiter, au moins à diviser les groupes armés", qui ont multiplié les offensives sous l'ancien président, estime Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques à l'université Paris-Nanterre.  


"Pas du tout", rétorque Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement, "nous voulons simplement leur retour au bercail pour la paix". 


Selon les autorités, "plusieurs centaines d'anciens rebelles" combattants ont déposé les armes depuis 10 mois et sont rentrés à N'Djamena, souvent aussi devant photographes et cameramen. 


Mahamat Doki Warou, ancien conseiller politique de l'Union des forces pour la résistance (UFR), a été reçu par le nouveau chef de l’État au palais présidentiel, peu de temps après son retour, en août 2021. Il a été nommé par Mahamat Déby au Parlement de transition désigné par la junte en remplacement de celui qu'elle avait dissout. 


"J'avais de profondes divergences avec Idriss Déby, mais je n'ai rien contre le fils et je veux donner une chance au Tchad de sortir de ces années de guerre", assure-t-il. 


Le nouvel homme fort du Tchad a invité à Doha 23 mouvements, dont des membres de l'UFR, de l'UFDD et du FACT, aux appartenances ethniques et aux intérêts souvent différents, en vue de les amener à participer au "Dialogue national inclusif" censé débuter le 10 mai à N'Djamena avec les oppositions politiques et armées, en vue d'organiser des élections "libres et démocratiques". Prévu pour débuter le 27 février, le "pré-dialogue" au Qatar a été finalement retardé de "quelques jours" et doit commencer le 13 mars.


Tentative d'assassinat du Premier ministre slovaque, «entre la vie et la mort»

Cette image extraite d'une séquence vidéo obtenue par l'AFPTV montre des agents de sécurité transportant le Premier ministre slovaque Robert Fico vers un véhicule après qu'il ait été abattu à Handlova le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
Cette image extraite d'une séquence vidéo obtenue par l'AFPTV montre des agents de sécurité transportant le Premier ministre slovaque Robert Fico vers un véhicule après qu'il ait été abattu à Handlova le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
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  • Robert Fico, âgé de 59 ans, devait subir une « intervention urgente » après avoir été acheminé par hélicoptère à Banska Bystrica
  • Selon sa page officielle Facebook, M. Fico a été touché par balle «plusieurs »

BRATISLAVA: Le Premier ministre slovaque Robert Fico se trouve "entre la vie et la mort" après avoir été blessé par plusieurs balles mercredi après une réunion de cabinet, a indiqué le gouvernement de ce pays d'Europe centrale.

Robert Fico, âgé de 59 ans, devait subir une "intervention urgente" après avoir été acheminé par hélicoptère à Banska Bystrica, une ville du centre de la Slovaquie, a précisé le gouvernement dans un communiqué.

Selon sa page officielle Facebook, M. Fico a été touché par balle "plusieurs fois".

"La police a arrêté l'assaillant et donnera davantage d'informations le plus vite possible", a en outre annoncé dans un communiqué la présidente sortante de la Slovaquie, Zuzana Caputova, qualifiant l'agression de son opposant politique d'"attaque contre la démocratie".

La télévision slovaque a diffusé des images d'un homme en jeans menotté au sol.

L'attaque est intervenue après une réunion de cabinet à Handlova, dans le centre de la Slovaquie, selon le journal Dennik N, dont un reporter a entendu plusieurs coups de feu et vu le chef de gouvernement emmené précipitamment dans une voiture par des gardes du corps.

"Aujourd'hui, après une réunion gouvernementale à Handlova, il y a eu une tentative d'assassinat sur le Premier ministre", a confirmé le gouvernement.

M. Fico avait tout d'abord été transporté à l'hôpital de Handlova, dans "l'unité de chirurgie vasculaire", a indiqué à l'AFP la directrice de l'établissement, Marta Eckhardtova, qui n'a pas donné de précisions sur la nature de ses blessures.

Un ex-communiste pro-Poutine

Après être revenu au pouvoir comme Premier ministre en octobre dernier, Robert Fico a mis en doute la souveraineté de l'Ukraine et fait cesser toute aide militaire au pays.

Cet ancien membre du parti communiste, qui a fondé sa propre formation et rejette les étiquettes de "populiste" et de "démagogue", s'est opposé aux sanctions contre la Russie.

En avril, il a néanmoins opéré un changement de ton face à la guerre en Ukraine, prônant une solution pacifique qui respecte "l'intégrité territoriale" de ce pays.

Son allié au gouvernement, Peter Pellegrini, a remporté le mois dernier la présidentielle devançant largement un diplomate pro-européen, en faisant de la guerre en Ukraine un élément clés de la campagne dans ce pays de 5,4 millions d'habitants membre de l'Union européenne et de l'Otan.

Sa coalition gouvernementale a notamment adopté un projet de loi controversé sur la radio et la télévision publiques RTVS que le pouvoir en place accuse de manquer d'objectivité

Vive émotion en Europe

Les dirigeants des institutions de l'Union européenne ont vivement réagi à la nouvelle.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déploré "l'attaque ignoble" contre le Premier ministre slovaque, jugeant que "de tels actes de violence n'ont pas leur place dans notre société et sapent la démocratie, notre bien commun le plus précieux".

"Rien ne peut jamais justifier la violence ni de telles attaques", a souligné le président du Conseil européen Charles Michel, tandis que le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est déclaré "consterné".

En Hongrie, frontalière avec la Slovaquie, le Premier ministre Viktor Orban s'est dit "profondément choqué par l'attentat odieux perpétré contre mon ami, le Premier ministre Robert Fico".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé l'attaque "épouvantable" contre le Premier ministre slovaque. Et le président russe Vladimir Poutine a parlé d'un "crime odieux", en décrivant Robert Fico "comme un homme courageux et déterminé".

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est pour sa part dit "bouleversé par le lâche attentat" car "la violence ne peut avoir sa place dans la politique européenne".

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a exprimé "la plus ferme condamnation de toute forme de violence et d'attaque aux principes de base de la démocratie et de la liberté". Et le Premier ministre britannique Rishi Sunak s'est dit "choqué d'apprendre cette nouvellle épouvantable".

 

 


Un feu de forêt menace une ville pétrolière de l'ouest du Canada, nouvelles évacuations

Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada  (Photo, AFP).
Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada (Photo, AFP).
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  • Tous les regards sont néanmoins tournés vers la région car le risque est grand à cause des installations pétrolières
  • Le Canada possède 10% des réserves mondiales d'or noir, dont une très grande partie se trouve dans les sables bitumineux

FORT-MCMURRAY: Nouvelle alerte au Canada: des milliers d'habitants ont reçu l'ordre mardi d'évacuer en raison de l'approche d'un feu de forêt à proximité de Fort McMurray, le plus gros complexe de sables bitumineux du pays.

Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada et aussi le symbole de la plus grosse catastrophe de l'histoire du pays, en termes de destruction, après avoir été partiellement ravagée par les flammes en 2016.

"Nous observons un comportement extrême du feu" qui "est poussé vers la ville par le vent", a déclaré Josée St-Onge, porte-parole des pompiers de l'Alberta, lors d'une conférence de presse.

"La fumée réduit la visibilité et il est difficile de déterminer les distances exactes", a-t-elle complété, précisant que les "pompiers avaient été retirés de la première ligne pour des raisons de sécurité" face à un feu trop intense.

Cet incendie, qui a déjà consumé 9.600 hectares de forêt, se trouve à maintenant seulement 13 kilomètres de la ville. Tous les quartiers sud (Prairie Creek, Abasand, Grayling Terrace et Beacon Hill) ont donc reçu un ordre d'évacuation en milieu de journée mardi.

Mardi en fin d'après-midi sous un ciel obscurci par la fumée des feux de forêt, d'immenses files de voitures se pressaient sur l'autoroute pour quitter la zone. De nombreux habitants sont encore traumatisés par le chaos qui a entouré l'évacuation en 2016 des 90.000 habitants par l'unique route d'accès de la ville entourée de forêt.

"Je suis très angoissée car en 2016 mon appartement a brûlé donc je revis tout cela", raconte Ashley Russell, résidente de Fort McMurray.

Cette dernière n'habite pas dans un quartier évacué mais elle a déjà fait ses "valises", pour ne pas être prise au dépourvu comme il y a huit ans. "Je suis prête à partir".

Après avoir vécu l'an passé la pire saison d'incendies de son histoire, le Canada a connu l'un de ses hivers les plus chauds, avec peu de neige dans de nombreuses régions.

Des conditions de sécheresse forte ou extrême dans une grande partie du pays qui font craindre un nouvel été apocalyptique. D'autant plus que cet hiver, le pays a enregistré un nombre record de feux zombies, ces brasiers qui couvent sous la neige dans l'épaisse profondeur des tourbières de la forêt boréale.

3 millions de barils de pétrole 

Toutefois le chef des pompiers de la région Jody Butz a tenu à rassurer la population estimant que "l'activité des incendies est très différente de celle de 2016".

"Nous disposons de ressources abondantes et nous sommes bien placés pour répondre à la situation", a-t-il estimé.

Tous les regards sont néanmoins tournés vers la région car le risque est grand à cause des installations pétrolières. Le Canada possède 10% des réserves mondiales d'or noir, dont une très grande partie se trouve dans les sables bitumineux.

Chaque jour, plus de 3 millions de barils de pétrole sont extraits des sables, d'après les chiffres officiels du gouvernement, contribuant à faire du Canada le quatrième producteur mondial et le premier exportateur de brut vers les Etats-Unis.

Un peu plus à l'ouest, où près de 5.000 personnes ont également été évacuées durant le week-end près de la ville de Fort Nelson dans la province de Colombie-Britannique, la situation était mardi plus favorable.

"Il fait frais, le ciel est couvert et le vent est très léger", a déclaré à l'AFP Rob Fraser, le maire de la ville. "Si cela continue ainsi, nous pourrons peut-être maîtriser cette bête".

Victime des conséquences dévastatrices du réchauffement climatique, le Canada a connu en 2023 la pire saison des feux de son histoire.

Près de 18 millions d'hectares de terres sont partis en fumée - soit une superficie plus grande que la Grèce. Quelque 200.000 personnes ont par ailleurs dû être évacuées et la fumée des incendies s'est répandue jusqu'aux Etats-Unis et même en Europe.


La CPI ne se laissera pas influencer par les «Goliath» de ce monde, promet son procureur

Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
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  • Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza
  • La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine

NATIONS UNIES : Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a assuré mardi qu'il ne se laisserait pas "influencer" par les "Goliath" de ce monde, en référence aux menaces le visant dans des dossiers liés à la guerre en Ukraine et à Gaza.

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU portant sur son enquête sur les crimes de guerre en Libye, Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza.

"On peut se demander si l'efficacité de la CPI dans ce dossier n'est pas affectée par un projet de loi (...) visant à sanctionner les responsables de la CPI impliqués dans des enquêtes contre les Etats-Unis ou ses alliés",  a lancé l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia, en référence à des informations rapportées par la presse sur un projet en ce sens d'élus au Congrès américains.

"Je veux le rassurer, (...) nous ne nous laisserons pas influencer, que ce soit par des mandats d'arrêt de la Russie contre moi ou des membres élus de la Cour, ou par n'importe quel élu d'une autre juridiction", a répondu Karim Kahn, évoquant des "menaces" personnelles et contre son bureau pour les forcer à "arrêter".

La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine pour son rôle dans la déportation d'enfants en Ukraine.

Début mai, la CPI avait déjà lancé une mise en garde aux "individus qui (la) menacent de représailles", elle ou son personnel, en affirmant que de telles actions pourraient constituer une "atteinte à l'administration de la justice".

Elle s'exprimait suite à des informations selon lesquelles la Cour s'apprêtait à délivrer des mandats d'arrêt contre des membres du gouvernement israélien -dont pourrait faire partie le Premier ministre Benjamin Netanyahu- en lien avec les opérations militaires menées par Israël à Gaza en riposte à l'attaque du Hamas.

"Nous avons un devoir de nous battre pour la justice, de nous battre pour les victimes", a insisté Karim Khan mardi devant les membres du Conseil de sécurité.

"Je suis bien conscient qu'il y a des Goliath dans cette salle. Des Goliath avec du pouvoir, de l'influence", mais "nous avons la loi", a-t-il ajouté, assurant qu'il ferait son travail "avec intégrité et indépendance".