Contrôles et transparence: le gouvernement veut «recréer la confiance» envers les Ehpad

Des personnes âgées sont assises autour d'une table pour jouer à des jeux à l'EHPAD La Roselière (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) à Kunheim, dans l'est de la France, le 2 août 2021 (Photo, AFP).
Des personnes âgées sont assises autour d'une table pour jouer à des jeux à l'EHPAD La Roselière (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) à Kunheim, dans l'est de la France, le 2 août 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 09 mars 2022

Contrôles et transparence: le gouvernement veut «recréer la confiance» envers les Ehpad

  • Mme Bourguignon a appelé à «davantage de contrôles inopinés» pour «prévenir toute forme de dérive systémique»
  • Les résidents et leurs proches pourront également évaluer les conditions d'hébergement et les services rendus par chaque Ehpad

FONTENAY-SOUS-BOIS : Les 7.500 Ehpad de France seront tous contrôlés d'ici deux ans et contraints à davantage de transparence quant à leurs prestations et leur utilisation des fonds publics, a annoncé mardi le gouvernement, qui espère ainsi "recréer la confiance" envers un secteur dans la tourmente.

"On ne peut accepter d'exposer tout un secteur aux doutes des Français, surtout lorsque les structures reçoivent de l'argent public", a déclaré le ministre de la Santé, Olivier Véran. "Pour recréer la confiance, nous voulons une transparence totale", a-t-il ajouté, lors d'un déplacement dans un Ehpad public à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).

Dans ce but, les 7.500 maisons de retraite médicalisées -publiques, associatives ou privées à but lucratif- devront publier chaque année sur le site "Pour-les-personnes-âgées" un barème de dix indicateurs, dont leurs tarifs, le budget quotidien alloué aux repas, ou encore les taux d'encadrement et d'absentéisme du personnel. Les entreprises devront également transmettre et "expliciter" les transactions entre les établissements et les groupes, afin d'éviter qu'elles ne gagnent de l'argent sur les dotations publiques dont elles bénéficient au titre des soins et de la dépendance.

Avec le livre-enquête "Les Fossoyeurs", où le journaliste Victor Castanet accuse le groupe privé Orpea d'avoir mis en place un "système" pour optimiser ses bénéfices au détriment du bien-être des résidents et employés, c'est une "vague de discrédit qui s'est abattue sur tout un secteur", a relevé la ministre chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon.

Pour y répondre, 150 agents supplémentaires seront recrutés dans les agences régionales de santé (ARS) pour mener d'ici deux ans "un vaste plan de contrôle des Ehpad", qui doit démarrer "à partir d'aujourd'hui", a précisé M. Véran. Ces mesures n'ont pas été prises "sous le coup de l'émotion" suscitée par le livre, a-t-il assuré.

«Choc de transparence»

Mme Bourguignon a appelé à "davantage de contrôles inopinés en cas d'alerte", afin de "provoquer un choc de transparence pour prévenir toute forme de dérive systémique".

Les résidents et leurs proches pourront également évaluer les conditions d'hébergement et les services rendus par chaque Ehpad dans une enquête de satisfaction annuelle obligatoire. Les résultats de ce questionnaire "élaboré avant mai 2022" seront affichés à l'accueil de chaque établissement.

Les 400.000 salariés du secteur bénéficieront d'un "programme de formation-action contre la maltraitance", et un "dispositif de médiation" sera créé entre les familles et les établissements. D'ici 2023, une plateforme internet de signalement des maltraitances viendra renforcer le 3977, numéro de lutte contre les maltraitances des personnes âgées, qui sera doté d'un million d'euros supplémentaire.

"Ces mesures étaient nécessaires", a réagi auprès de l'AFP Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, le principal syndicat des Ehpad privés. Après le scandale Orpea, cet organisme avait appelé à "un plus grand contrôle des établissements et davantage de transparence".

A l'inverse, pour l'association AD-PA qui regroupe des directeurs de maisons de retraite (de tous statuts) et de services d'aide à domicile, "l'Etat répète les mêmes méthodes qui ne fonctionnent pas".

"Au lieu d'augmenter le nombre de professionnels au service des personnes âgées, on augmente le nombre de contrôleurs et la charge de travail pour l'ensemble des professionnels qui devront subir ces contrôles", a déploré cette association. En outre, "l'Etat dit ne pas vouloir stigmatiser" les Ehpad, mais "engage des contrôles dans tous les établissements, y compris les 80% d'associatifs et de publics qui n'ont jamais été visés par aucune enquête récente", a ajouté l'AD-PA. 

Quelques heures avant ces annonces, environ 170 personnes selon la police ont manifesté devant le siège d'Orpea à Puteaux (Hauts-de-Seine) derrière une banderole proclamant "Les Ehpad ne sont pas des usines à cash ! Nationalisation du lucratif !".

Depuis la parution du livre "Les Fossoyeurs", "rien n'a changé" dans les maisons de retraite, a dit à l'AFP Marie (le prénom a été modifié), aide-soignante de 40 ans, qui travaille de nuit dans un Ehpad Orpea en banlieue parisienne.

Pour que les contrôles soient efficaces, encore faut-il qu'ils ne soient pas annoncés à l'avance, car sinon pour la direction d'un établissement "c'est facile de cacher ce qui ne va pas", a souligné cette salariée qui s'est mise en grève pour "dénoncer la maltraitance sur les salariés et les résidents".


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."