Chypre-Nord élit son dirigeant sur fond de controverse concernant une cité fantôme

Le long des rues de Varosha, dans la partie clôturée de Famagouste, au nord de Chypre occupé par les Turcs, des bâtiments abandonnés par leurs habitants grecs depuis 1974. (Birol Bebek/AFP)
Le long des rues de Varosha, dans la partie clôturée de Famagouste, au nord de Chypre occupé par les Turcs, des bâtiments abandonnés par leurs habitants grecs depuis 1974. (Birol Bebek/AFP)
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Publié le Vendredi 09 octobre 2020

Chypre-Nord élit son dirigeant sur fond de controverse concernant une cité fantôme

  • Considérant Chypre comme une pièce majeure dans sa stratégie visant à étendre ses frontières maritimes, Ankara suit de près les élections dans le tiers nord de l'île
  • Partisan de la réunification de l'île sous un Etat fédéral, Mustafa Akinci n'a jamais caché son intention de desserrer les liens avec Ankara, ce qui lui vaut l'hostilité du président turc

NICOSIE : Les Chypriotes-turcs élisent dimanche leur dirigeant sur fond de tensions en Méditerranée orientale et d'une controverse suscitée par la réouverture de la ville-fantôme de Varosha, l'un des symboles de la division de l'île depuis 1974.

Le "président" sortant de l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), Mustafa Akinci, un social-démocrate ayant longtemps œuvré au rapprochement avec les Chypriotes-grecs, ressort comme favori dans les sondages.

Ce partisan de la réunification de l'île sous un Etat fédéral n'a jamais caché son intention de desserrer les liens avec Ankara, ce qui lui vaut l'hostilité du président turc Recep Tayyip Erdogan.

Considérant Chypre comme une pièce majeure dans sa stratégie visant à étendre ses frontières maritimes, Ankara suit de près les élections dans le tiers nord de l'île. Celle-i a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1960 mais les troupes turques l'ont envahie en 1974 en réaction à un coup d'Etat visant à la rattacher à la Grèce.

L'élection survient en effet alors que l'exploitation des hydrocarbures en Méditerranée orientale génère de vives tensions entre la Turquie et la Grèce, principale alliée des Chypriotes hellénophones de la République de Chypre --seule reconnue par la communauté internationale, admise dans l'Union européenne en 2004-- et qui exerce son autorité sur le sud de l'île.

Les autorités turques affichent pour le scrutin de dimanche leur soutien à un candidat nationaliste, Ersin Tatar, actuellement "Premier ministre" de la RTCN, qui compte plus de 300.000 habitants.

M. Erdogan a annoncé mardi, en compagnie de M. Tatar, la réouverture partielle de la ville-fantôme de Varosha, un symbole de la division de l'île méditerranéenne depuis que ses habitants chypriotes-grecs l'ont abandonnée après l'invasion turque.

"C'était une manœuvre pour donner un coup de pouce à la campagne de M. Tatar mais cela a eu l'effet complètement inverse", estime Yektan Turkyilmaz, chercheur au Forum Transregionale Studien en Allemagne.

Pour cet ancien enseignant à l'université de Chypre, de nombreux Chypriotes-turcs se sont sentis "blessés dans leur honneur et leur identité" par ce qu'ils considèrent comme une ingérence d'Ankara.

"Même ceux qui avaient décidé de boycotter les élections affirment maintenant qu'ils iront voter", ajoute-t-il.

Choisir son "destin"

M. Akinci a vivement critiqué cette initiative, mise en oeuvre dès jeudi, visant "uniquement à favoriser un des candidats". "C'est une honte pour notre démocratie", a-t-il affirmé mardi.

Les Chypriotes-grecs et l'Union européenne ont également condamné cette réouverture.

Mais afficher une ligne indépendante vis-à-vis d'Ankara n'est pas aisé pour la RTCN tant elle est sous l'emprise politique et économique de la Turquie, seul pays à l'avoir reconnue depuis sa création en 1983.

"Les électeurs de M. Akinci apprécient son habileté à affirmer clairement l'attachement des Chypriotes-turcs à prendre en main leur destin", qui semble être un sentiment partagé dans les rues de la capitale Nicosie-nord, relève Bilge Azgin, politologue à l'université du Proche-Orient située dans cette ville.

Selon lui, l'implication d'Ankara a transformé l'élection présidentielle en "référendum sur le respect de la volonté des Chypriotes-turcs".

"Beaucoup s'inquiètent aussi des interventions du gouvernement turc dans leur mode de vie, en encourageant l'ouverture d'écoles religieuses" en particulier, affirme-t-il.

"Les relations avec Ankara sont importantes mais nous avons besoin d'un président qui puisse défendre les intérêts du peuple chypriote", affirme Cagin Nevruz Ozsoy, un graphiste de 24 ans.

"L'ingérence d'Ankara est inacceptable. La meilleure réponse sera d'aller voter", estime de son côté Erol Atabek, journaliste.

"Identité commune"

Plusieurs séries de négociations au fil des décennies ont tenté, en vain, de réunifier l'île.

Malgré ces échecs, l'idée d'une identité commune et particulière à Chypre, différente des identités turques et grecques, se développe chez les jeunes, selon M. Turkyilmaz.

"L'ouverture des frontières (à partir de 2003, NDLR) entre les deux parties de l'île a permis aux jeunes d'établir des contacts et d'adopter une conscience d'une identité chypriote commune", estime-t-il. "Pour beaucoup, M. Akinci symbolise le caractère primordial de cette identité chypriote".

Un second tour est prévu le 18 octobre si aucun des onze candidats en lice n'obtient les 50% des votes nécessaires pour remporter le scrutin dimanche.

Une île coupée en deux

Les tensions entre communautés grecque et turque prennent corps dans les années 1950 dans une île alors colonie britannique. La première combat pour l'"Enosis" - ou union avec la Grèce "mère-patrie"- tandis que la seconde réclame une division de l'île et son rattachement pour moitié à la Turquie et pour moitié à la Grèce.

L'indépendance de l'île méditerranéenne en 1960 ne met pas fin aux dissensions et une force de paix de l'ONU est créée en 1964, après des affrontements entre communautés.

A l'été 1974, les troupes turques envahissent puis annexent le nord de l'île, en réaction à un coup d'Etat nationaliste qui visait à rattacher le pays à la Grèce. Le conflit a fait des centaines de morts, quelque 2.000 disparus et provoqué d'importants déplacements de population.

Le 15 novembre 1983, les Chypriotes-turcs menés par leur chef Rauf Denktash proclament unilatéralement la création de la République turque de Chypre-Nord (RTCN). La Turquie est le seul pays à la reconnaître.

Une "ligne verte", zone-tampon surveillée par une mission des Nations unies, divise l'île sur quelque 180 kilomètres de longueur, traversant notamment Nicosie, seule capitale au monde à être encore actuellement coupée en deux.

Varosha, symbole de la division

En 1974, alors que les Chypriotes-grecs fuient la station balnéaire réputée de Varosha --Maras en turc-- sur la côte orientale, l'armée turque l'entoure de barbelés et en interdit l'accès.

Une résolution onusienne adoptée en 1984, mais restée lettre morte, exige son transfert aux Nations unies et son repeuplement par ses habitants d'origine.

Devenue ville-fantôme, l'ancienne "perle" de Chypre située en lisière de la zone tampon, est une source régulière de tensions entre les deux parties de l'île.

L'annonce mardi par Ankara de sa réouverture a provoqué l'effondrement de la coalition au pouvoir à Chypre-Nord, à quelques jours d'une élection présidentielle.

Réunification au point mort

En avril 2004, un plan de l'ONU destiné à réunifier le pays est soumis à référendum. Largement approuvé par le Nord, l'accord est rejeté par les Chypriotes-grecs au Sud. En mai, la République de Chypre est admise au sein de l'Union européenne.

Au fil des décennies, plusieurs cycles de pourparlers visant à la réunification et parrainés par l'ONU se sont effondrés. Les dernières négociations en 2017 ont achoppé notamment sur la question du retrait des 30.000 soldats turcs présents sur l'île.

Tensions ravivées

Les antagonismes ont prospéré entre Chypriotes-grecs et les Turcs au sujet de gisements de gaz potentiels au large de l'île.

La Turquie s'oppose à toute exploration et exploitation de ces ressources qui excluraient la partie nord de l'île, située à 60 kilomètres de ses côtes.

Malgré les avertissements des Etats-Unis et de l'UE, Ankara a envoyé des navires de prospection au large de Chypre et a installé un premier drone armé à Chypre-Nord. 

Au cours de l'été 2020, les tensions se sont exacerbées avec le déploiement par Ankara d'un navire de recherche sismique dans une zone disputée en Méditerranée orientale, suscitant la colère d'Athènes.

Sous sanctions

La RTCN couvre un tiers de l'île, soit 3.355 km², et compte plus de 300.000 habitants soit trois fois moins que sa rivale du Sud.

Considérée par la communauté internationale comme un territoire occupé, l'entité est visée par des sanctions des Nations unies et de l'UE, notamment sur le transport aérien.

Elle est économiquement et diplomatiquement dépendante du "grand frère" turc.

Avant la pandémie de nouveau coronavirus, environ un million de touristes s'y rendaient chaque année, profitant des plages mais aussi des nombreux casinos du petit territoire. (AFP)

 


Réunion sur Gaza vendredi à Miami entre Etats-Unis, Qatar, Egypte et Turquie

L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain. (AFP)
L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain. (AFP)
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  • Le Qatar et l'Egypte, qui font office de médiateurs autant que de garants du cessez-le-feu dans le territoire palestinien ravagé par deux ans de guerre, ont récemment appelé à passer à la prochaine phase du plan de Donald Trump
  • Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale

WSAHINGTON: L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain.

Le Qatar et l'Egypte, qui font office de médiateurs autant que de garants du cessez-le-feu dans le territoire palestinien ravagé par deux ans de guerre, ont récemment appelé à passer à la prochaine phase du plan de Donald Trump.

Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale.

Le cessez-le-feu à Gaza, entré en vigueur en octobre entre Israël et le Hamas, demeure précaire, les deux camps s'accusant mutuellement d'en violer les termes, tandis que la situation humanitaire dans le territoire reste critique.

Le président américain n'en a pas moins affirmé mercredi, dans une allocution de fin d'année, qu'il avait établi la paix au Moyen-Orient "pour la première fois depuis 3.000 ans."

La Turquie sera représentée à la réunion par le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan.

Dans un discours, le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui affirmé que son pays se tenait "fermement aux côtés des Palestiniens".

 

 


Zelensky dit que l'Ukraine a besoin d'une décision sur l'utilisation des avoirs russes avant la fin de l'année

ze;"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a déclaré Zelensky. (AFP)
ze;"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a déclaré Zelensky. (AFP)
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  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé jeudi que l'Ukraine avait besoin d'une décision européenne sur l'utilisation des avoirs russes gelés avant la fin de l'année
  • "Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a-t-il déclaré. Il avait indiqué auparavant que Kiev aurait un "gros problème" si les dirigeants européens ne parvenaient pas à un accord

BRUXELLES: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé jeudi que l'Ukraine avait besoin d'une décision européenne sur l'utilisation des avoirs russes gelés avant la fin de l'année, lors d'une conférence de presse à Bruxelles en marge d'un sommet des dirigeants de l'UE sur le sujet.

"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a-t-il déclaré. Il avait indiqué auparavant que Kiev aurait un "gros problème" si les dirigeants européens ne parvenaient pas à un accord sur l'utilisation de ces avoirs pour financer l'Ukraine. En l'absence d'accord, Kiev sera à court d'argent dès le premier trimestre 2026.

 

 


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.