Russie: Le défaut de paiement: explication, risques et conséquences

Une manifestante tient une pancarte lors d'un rassemblement de soutien à l'Ukraine à Trafalgar Square à Londres le 9 mars 2022 (Photo, AFP).
Une manifestante tient une pancarte lors d'un rassemblement de soutien à l'Ukraine à Trafalgar Square à Londres le 9 mars 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 10 mars 2022

Russie: Le défaut de paiement: explication, risques et conséquences

  • La Russie a un emprunt qui arrive à maturité le 4 avril, ses créanciers étant principalement des fonds d'investissements américains
  • Un pays est considéré en défaut de paiement quand il est incapable d'honorer ses engagements financiers en temps et en heure auprès de ses créanciers

PARIS: L'agence de notation financière Fitch a prévenu qu'un risque de défaut de paiement était "imminent" pour la Russie. Comment se matérialise un défaut de paiement? Quels sont les risques et les conséquences d'un tel scénario?

Que signifie le défaut de paiement d'un État?

Un pays est considéré en défaut de paiement quand il est incapable d'honorer ses engagements financiers en temps et en heure auprès de ses créanciers, qui peuvent être des États, des institutions financières (Fonds monétaire international, Banque mondiale, etc.) ou des investisseurs sur les marchés financiers. Le défaut est qualifié de partiel quand l’État ne rembourse pas une partie de ses obligations.

Le gouvernement lui-même peut se déclarer en défaut de paiement en annonçant qu'il cesse de rembourser ses échéances de dette, comme l'avait d'ailleurs fait la Russie en 1998, ou l'annonce peut aussi provenir d'une agence de notation après un délai de grâce de 30 jours qui suit le constat du défaut de paiement.

Le défaut peut aussi être officialisé par un créancier privé, révélant publiquement qu'un pays a cessé de le rembourser, ou encore par l'agence américaine ISDA (International Swaps and Derivatives Association), qui régit les CDS, sorte d'assurance contre le défaut de paiement.

Quelles marges de manœuvre pour obtenir un remboursement?

Rien ne garantit le remboursement des emprunts souverains. A l'inverse d'un cas de défaut de paiement d'une entreprise, où il est possible de récupérer des actifs en guise de remboursement, il n'est, en revanche, pas possible dans le cas d'un défaut de paiement caractérisé pour un État, de saisir un bien public situé dans ce pays pour le vendre, selon les experts interrogés par l'AFP.

Restructurer une dette signifie rééchelonner les remboursements et, le plus souvent, diminuer ou effacer des créances. Cela induit que le pays est en "défaut", mais qu'il espère néanmoins parvenir à un accord avec ses créanciers.

De quel emprunt s'agit-il dans le cas de la Russie?

La Russie a un emprunt obligataire qui arrive à maturité le 4 avril et qui porte sur deux milliards de dollars. "Cet emprunt ayant été émis sur la Bourse de Londres en dollars américains", détaille Slim Souissi, directeur adjoint de l'IUP de Caen, spécialiste des banques qui a travaillé pour Fitch et fait sa thèse sur la défaillance des États.

Il s'agira de savoir le 4 avril si la Russie a été en mesure ou non de payer ses échéances de dette, ses créanciers étant principalement des fonds d'investissements américains.

Quels sont les risques que le défaut de paiement se matérialise?

Les agences d'évaluation financière, dont Fitch, S&P Global Ratings et Moody's, considèrent que c'est une question de volonté et que les emprunts pourraient ne pas être remboursés dans leur totalité face aux sanctions prises par les pays occidentaux en réponse à l'invasion russe de l'Ukraine.

"Le pays a les moyens de rembourser cette dette émise sur les marchés financiers, mais peut décider de ne pas le faire pour répliquer par exemple aux sanctions financières occidentales", explique le professeur.

La Russie, qui a quasiment doublé son stock d'or et de devises étrangères depuis 2014-2015, dispose de réserves de change qui atteignaient plus de 640 milliards de dollars au 18 février.

Pour les préserver, Moscou a en outre récemment limité la sortie des devises à l'étranger.

Quelles conséquences si l'hypothèse de défaut était confirmée?

"Les créanciers vont perdre les montants prêtés mais cela ne devrait pas provoquer de crise systémique", estime M. Souissi.

Un arrangement de restructuration de la dette, en plein conflit, paraît hors de propos aux spécialistes de la dette.

Un défaut de paiement coupe automatiquement un État des marchés financiers et compromet son éventuel retour pour quelques années. Il a fallu attendre douze ans pour que la Russie puisse revenir emprunter sur les marchés après le défaut de paiement sur sa dette intérieure en 1998, au moment où son économie était déstabilisée par une lame de fond financière venue d'Asie. 


Les turbulences financières créent des risques pour l'économie, dit Lagarde

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, répond aux questions lors de la commission des affaires économiques du Parlement européen à Bruxelles le 20 mars 2023. (Photo, AFP)
La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, répond aux questions lors de la commission des affaires économiques du Parlement européen à Bruxelles le 20 mars 2023. (Photo, AFP)
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  • Les turbulences financières liées aux récentes défaillances de plusieurs banques ont engendré de « nouveaux risques à la baisse» pour l'économie, a déclaré Mme Lagarde lors d'un forum à Francfort
  • Le scénario de l'institution d'un retour de l'inflation vers 2% en 2025, s'il se confirme, montre qu'il y a « du chemin à faire pour contenir les pressions inflationnistes», a-t-elle souligné

FRANCFORT: La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a estimé mercredi que les récentes tensions autour du secteur bancaire engendraient de "nouveaux risques" pour l'économie, au moment où l'institut monétaire a encore du "chemin à faire" pour combattre l'inflation.

Les turbulences financières liées aux récentes défaillances de plusieurs banques ont engendré de "nouveaux risques à la baisse" pour l'économie, a déclaré Mme Lagarde lors d'un forum à Francfort.

"Face à des chocs qui s'accumulent et à une géopolitique changeante, le degré d'incertitude devrait rester élevé", a-t-elle ajouté.

Le scénario de l'institution d'un retour de l'inflation vers 2% en 2025, s'il se confirme, montre qu'il y a "du chemin à faire pour contenir les pressions inflationnistes", a souligné la présidente de la BCE.

La BCE a remonté ses taux d'intérêt à une vitesse inédite, les relevant de 350 points de base depuis juillet, pour tenter de contenir une inflation ayant atteint un pic supérieur à 10% en octobre, dans le sillage de l'invasion russe en Ukraine.

"Toutefois, l'inflation demeure forte et l'incertitude quant à son évolution s'est accentuée", nécessitant d'avoir "une stratégie robuste pour la période à venir", a martelé l'ancienne ministre de l'Economie.

Le pari d'un retour à la stabilité des prix, définie par un taux d'inflation de 2% à moyen terme, est encore loin d'être gagné: les tensions sur les prix "se sont répandues" avec une inflation "sous-jacente", excluant les secteurs de l'énergie et de l'alimentation, qui oscille actuellement "entre 4 et 8%", selon Mme Lagarde.

Il était donc nécessaire de porter les taux à des niveaux "suffisamment restrictifs, afin de freiner la demande", selon elle. Ce processus "ne commence à prendre effet que maintenant", a-t-elle prévenu.

Pour la suite du resserrement des vannes du crédit, la BCE a abandonné ses anticipations et veut se fier aux données du moment quand elle réunira son Conseil des gouverneurs.

"Autrement dit, ex-ante, nous ne nous engageons ni à continuer d'augmenter les taux, ni à mettre fin aux hausses", a précisé Mme Lagarde.

Une certitude selon elle: "Il n'y a pas de contradiction entre la stabilité des prix et la stabilité financière".

Chemin cahoteux

Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, a également mis en exergue le dilemme auquel sont confrontées les banques centrales, décrivant "un difficile exercice d'équilibre".

"Nous devons naviguer entre le risque de ne pas réagir suffisamment, ce qui pourrait prolonger les effets inflationnistes des chocs, et celui de réagir de manière excessive, ce qui pourrait transformer la volatilité en instabilité", a expliqué au cours du même forum ce responsable, partisan d'une politique monétaire souple.

Il a également souligné la difficulté d'augmenter les taux d'intérêt tout en réduisant les liquidités par le biais d'un "resserrement quantitatif", soulignant qu'il n'y avait pas de précédent permettant d'anticiper les effets combinés de ces deux mesures.

Cela pourrait "rendre l'ajustement de la politique plus cahoteux", a ajouté M. Panetta.

Ce resserrement quantitatif, autre outil anti-inflation de la BCE, consiste à réduire la taille de son bilan gonflé par des années de mesures de soutien à l'économie.

Des crises inattendues, comme celle de la faillite récente de la Silicon Valley Bank aux Etats-Unis", montrent que des changements soudains de politique monétaire peuvent "même donner lieu à de graves tensions financières", a-t-il observé.


Credit Suisse: Lazard Frères Gestion essuie 142 millions EUR de pertes, Pimco 340 millions USD

Pimco détenait initialement des obligations AT1 de Credit Suisse qui valaient 807 millions de dollars quand elles ont été émises (Photo, AFP).
Pimco détenait initialement des obligations AT1 de Credit Suisse qui valaient 807 millions de dollars quand elles ont été émises (Photo, AFP).
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  • L'opération a en effet conduit à l'annulation de 17 milliards de dollars de titres de dette
  • Lazard Frères Gestion détenait un total de 142 millions d'euros de ces titres

PARIS: Les sociétés de gestion d'actifs française Lazard Frères Gestion et américaine Pimco ont essuyé des pertes de respectivement 142 millions d'euros et environ 340 millions de dollars dans le rachat de Credit Suisse par UBS qui a provoqué l'effacement de certains titres de dette.

L'opération a en effet conduit à l'annulation de 17 milliards de dollars de titres de dette dits "CoCo" (pour "Contingent Convertible"), aussi appelés "Additional Tier 1" ou "AT1", détenus par des investisseurs professionnels (banques, fonds).

Au 14 mars, début de la débâcle et des fortes craintes de faillite de Crédit Suisse, Lazard Frères Gestion détenait un total de 142 millions d'euros de ces titres, selon une déclaration transmise mardi à l'AFP par l'entreprise après de premières informations de presse.

Cela ne représente que 0,4% du total des actifs gérés par la filiale de la banque d'affaires franco-américaine Lazard.

La société américaine Pimco, filiale de l'assureur allemand Allianz, a de son côté perdu environ 340 millions de dollars dans cette affaire, a indiqué mardi une source proche de la société à l'AFP.

Pimco détenait initialement des obligations AT1 de Credit Suisse qui valaient 807 millions de dollars quand elles ont été émises, mais leur valeur avait fondu ces derniers mois, a précisé cette source.

Cela en faisait le plus gros détenteur d'obligations AT1 de Credit Suisse, selon des données de l'agence d'informations financières Bloomberg.

Une part minime toutefois au milieu des 1.740 milliards de dollars gérés par Pimco.

Créée après la crise financière de 2008, cette catégorie de dette, qui arrive en dernière position dans l'ordre de priorité pour le remboursement en cas de difficultés financières, visait à renforcer le niveau de solvabilité sans émettre de nouvelles actions, et ainsi éviter que le contribuable finisse par payer l'addition en cas de sauvetage.

Le quotidien Les Echos avait avancé plus tôt dans la journée le montant de 107 millions d'euros de titres AT1 détenus par Lazard Frères Gestion, citant des données fournies par la société spécialisée en informations financières Morningstar.

La société française précise par ailleurs posséder des "obligations Senior" dont le remboursement n'est pas affecté par la fusion avec UBS, et ne pas détenir "ni fin 2022, ni plus récemment" d'actions Credit Suisse, dont le prix a chuté de 66% en moins deux semaines.


L'Ukraine obtient un plan d'aide de 15,6 milliards de dollars du FMI

Dans un communiqué, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a "salué" l'accord entre l'institution et l'Ukraine (Photo, AFP).
Dans un communiqué, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a "salué" l'accord entre l'institution et l'Ukraine (Photo, AFP).
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  • L'accord sera présenté «dans les prochaines semaines» au Conseil d'administration du Fonds en vue d'une validation définitive
  • Le FMI table sur une reprise économique partielle et graduelle cette année

WASHINGTON: Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé mardi être parvenu à un accord avec le gouvernement ukrainien eu vue de la mise en place d'un plan d'aide d'un montant total de 15,6 milliards de dollars.

Le plan doit permettre de "soutenir la reprise économique graduelle tout en créant les conditions d'une croissance de long terme dans un contexte de reconstruction après le conflit et sur le chemin de l'adhésion à l'Union européenne" (UE), a précisé le FMI dans un communiqué.

L'accord sera présenté "dans les prochaines semaines" au Conseil d'administration du Fonds en vue d'une validation définitive.

"Au-delà de l'horrible coût humain, l'invasion russe de l'Ukraine continue d'avoir un effet dévastateur sur l'économie : le PIB s'est replié de 30% en 2022, une large part de l'appareil industriel a été détruit et la pauvreté s'est envolée", a rappelé le chef de la mission du FMI sur place Gavin Gray, cité dans le communiqué.

Malgré ces difficultés, le gouvernement ukrainien a su "maintenir la stabilité financière et macroéconomique, notamment grâce à un soutien international substantiel et la mise en place de politiques judicieuses".

Dans un communiqué, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a "salué" l'accord entre l'institution et l'Ukraine, ajoutant que les États-Unis "continueront à soutenir le gouvernement et le peuple ukrainiens aussi longtemps que nécessaire" face à la Russie.

L'Ukraine a bénéficié d'un soutien important depuis le début du conflit, le 24 février 2022, tant de la Banque mondiale, qui lui a d'ores et déjà accordé plus de 20 milliards de dollars, sous forme de prêts ou de dons, que les États-Unis, plus de 110 milliards de dollars en intégrant le soutien militaire.

Une part importante de ces fonds a permis de maintenir les services publics à flot et payer les salaires de fonctionnaires, ainsi que d'assurer la prise en charge des déplacés internes.

Le FMI table sur une reprise économique partielle et graduelle cette année, notamment grâce au maintien des infrastructures essentielles, comme le réseau électrique, pourtant pris pour cible par la Russie.

"Les objectifs du gouvernement ukrainien sont de soutenir l'économie dans ces circonstances exceptionnelles, restaurer la crédibilité financière sur le marché de la dette et soutenir la reprise en vue d'une adhésion à l'UE", a souligné M. Gray.