Loin de Kiev, l'Afrique face aux retombées économiques de la guerre en Ukraine

Des vendeurs ambulants présentent des ignames et des fruits à vendre à Lagos, la capitale commerciale du Nigeria, le 14 mars 2022. (Photo, AFP)
Des vendeurs ambulants présentent des ignames et des fruits à vendre à Lagos, la capitale commerciale du Nigeria, le 14 mars 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 16 mars 2022

Loin de Kiev, l'Afrique face aux retombées économiques de la guerre en Ukraine

Des vendeurs ambulants présentent des ignames et des fruits à vendre à Lagos, la capitale commerciale du Nigeria, le 14 mars 2022. (Photo, AFP)
  • A plus de 100 dollars le baril, les cours mondiaux de l'or noir ont atteint au début de la guerre leur plus haut niveau depuis dix ans, doublant les prix du carburant en Afrique, notamment au Nigeria, pays le plus peuplé du continent
  • «La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique», a déploré dimanche la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva

LAGOS: Du Nigeria au Malawi, les pays africains souffrent déjà des retombées économiques de l'invasion russe en Ukraine, entre hausses des prix des produits de première nécessité et de ceux du pétrole, faisant craindre une aggravation de la pauvreté dans tout le continent.   

A plus de 100 dollars le baril, les cours mondiaux de l'or noir ont atteint au début de la guerre leur plus haut niveau depuis dix ans, doublant les prix du carburant en Afrique, notamment au Nigeria, pays le plus peuplé du continent. 

Trois semaines après le début de la guerre, les coûts grimpent et avec eux, l'inquiétude notamment pour la sécurité alimentaire car l'Ukraine et la Russie sont d'importants fournisseurs de blé et de céréales pour l'Afrique. 

Avec les sanctions contre Moscou, le prix des engrais monte en flèche. Une menace pour les récoltes africaines qui risque de faire grimper encore plus le coût des denrées alimentaires. 

« La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique », a déploré dimanche la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva. 

Pour Julius Adewale, boulanger nigérian, la hausse du prix du carburant est une catastrophe. Comme beaucoup au Nigeria, il dépend des générateurs à essence car le réseau national ne fournit depuis peu que quelques heures d'électricité par jour. 

« Il n'y a plus de courant depuis hier et nous tournons au générateur », se lamente Julius dans sa boulangerie à Lagos, capitale économique. « Le coût de production a considérablement augmenté ». 

Le Nigeria, premier producteur de pétrole et première économie d'Afrique, doit importer la majorité de son carburant à cause de ses capacités insuffisantes de raffinage, ce qui rend le marché intérieur vulnérable. 

Plusieurs compagnies aériennes locales ont récemment annoncé devoir annuler des vols à cause d'une pénurie de carburant. Et le prix à la pompe a plus que doublé pour atteindre 1,60 euro/litre. 

« Je ne sais pas comment on va s'en sortir parce que 70% des industries dépendent du carburant », a souligné à la presse locale Lanre Popoola, président régional de l'Association des industriels du Nigeria (MAN). 

Défis considérables 

La guerre en Ukraine va provoquer différentes conséquences économiques selon les pays africains, explique Amaka Anku, analyste au cabinet de conseil Eurasia Group. Elle évoque d'abord la l'inflation pour les importateurs de matières premières ou de pétrole, comme le Nigeria qui en plus subventionne le carburant, creusant un peu plus son déficit.  

D'autres comme le Ghana, très endetté, devront faire face à des coûts d'emprunt plus élevés, estime Mme Anku. 

Toutefois à plus long terme, des pays producteurs de gaz comme la Tanzanie, le Sénégal ou le Nigeria, pourraient bénéficier de la baisse des importations européennes de gaz russe, affirme Danielle Resnick, de la Brookings Institution. 

« Malgré ces possibilités, à court terme, l'invasion de l'Ukraine pourrait poser des difficultés aux ménages africains, au secteur agricole et à la sécurité alimentaire », insiste-t-elle. 

Notamment en Ethiopie, où 20 millions de personnes touchées par la sécheresse et un conflit ont besoin d'aide alimentaire. 

Le Kenya, troisième économie d'Afrique subsaharienne, importe habituellement un cinquième de ses céréales de Russie et 10% d'Ukraine, selon les chiffres officiels. 

Et déjà, les prix augmentent. Un sac de 50 kg d'engrais coûte désormais 6 500 shillings kényans (52 euros) contre 4 000 shillings l'année dernière (32 euros). 

En Ouganda, les prix du savon, du sucre, du sel, de l'huile de cuisson et du carburant flambent, selon le gouvernement. 

« Victimes de la guerre »  

« La plupart des produits de base sont produits localement mais certains ingrédients sont importés et leurs prix sont dictés par les chocs sur les marchés internationaux », a déclaré le ministre ougandais des Finances, David Bahati. 

Ritah Kabaku, vendeuse de 41 ans à Kampala, la capitale, explique qu'elle dépense en moyenne 1,25 euro par jour pour la nourriture et les autre produits de première nécessité.  

« Mais cela ne suffit plus. Je dépense maintenant plus du double. » 

Inquiète de l'inflation alimentée par l'invasion russe en Ukraine, la banque centrale mauricienne a relevé son taux directeur à 2%, une première depuis 2011. 

« Il est regrettable qu'au moment où le ciel se dégage après la Covid-19, d'autres nuages soient apparus », a déclaré le Premier ministre mauricien Pravind Kumar Jugnauth lors d'une allocution télévisée. 

Au Malawi, les prix du pain et de l'huile de cuisson ont augmenté d'environ 50%. 

« Cette guerre ne nous concerne pas et ce n'est pas juste que nous devions payer un prix aussi élevé », s'insurge Fatsani Phiri en achetant son pain à Lilongwe, la capitale. 

« Nous ne pouvons pas toujours être les victimes chaque fois qu'une guerre éclate quelque part dans le monde. » 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.