Dans Kharkiv bombardée, le district no5 de Saltivka, cité martyre

Un immeuble d'habitation lourdement endommagé est photographié sur la ligne de front de Kharkiv, le 27 mars 2022, lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (AFP)
Un immeuble d'habitation lourdement endommagé est photographié sur la ligne de front de Kharkiv, le 27 mars 2022, lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (AFP)
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Publié le Lundi 28 mars 2022

Dans Kharkiv bombardée, le district no5 de Saltivka, cité martyre

  • Les HLM ne sont plus qu'un champ de bataille dévasté, une cité fantôme balayée par les vents où ne survivent qu'une poignée de vieillards traumatisés
  • La plupart sont des vieillards affaiblis, des malades ou des handicapés, dépendant d'un proche ou n'ayant nulle part où aller, dans un quartier où les revenus sont modestes et les problèmes sociaux nombreux

KHARKIV: Saltivka, District n°5: un quartier populaire de hautes barres d'immeubles en périphérie nord-est de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, à un jet de pierre des premiers champs de terre noire labourés dans la campagne. 

Depuis que les troupes russes ont envahi l'Ukraine le 24 février, elles pilonnent l'endroit, presque tous les jours, avec toute leur armada. Les HLM ne sont plus qu'un champ de bataille dévasté, une cité fantôme balayée par les vents où ne survivent, terrés dans les caves, qu'une poignée de vieillards traumatisés.

Pelouses lacérées, aires de jeux déchiquetées, sommet des immeubles carbonisés, tout est mutilé et marqué par les obus.

Parvis et parkings sont jonchés de bris de verre mêlés aux branches d'arbres cisaillées ou aux restes des traverses de fenêtres en PVC. Une antique Lada a été coupée en deux par une dalle de béton tombée du ciel, les rares voitures laissées là sont toutes pulvérisées.

Rideaux roses et morceaux de ferraille pendent des façades aux appartements désertés. Obus et missiles ont troué les murs, éventré plusieurs tours en étage. 

«Où sont les Nazis?»
Dans son trois-pièces aux tapisseries fatiguées du rez-de-chaussée de la rue Metrobudivelnykiv, Galyna Malakhova, "63 ans depuis trois jours", a survécu. Avec son doux sourire, son manteau en laine, et pour seule compagnie ses deux chiennes Rita et Mafa.

"C'est sombre, et il fait froid ici sans électricité", s'excuse-t-elle presque, assise sur son canapé vert élimé, sous le regard bienveillant de trois icônes orthodoxes en carte postale.

Des bidons d'eau encombrent un peu partout l'appartement miraculeusement épargné. La porte du palier d'en face a été déchiquetée, un matelas crasseux baigne au milieu des décombres dans l'inondation provoquée par les canalisations brisées.

"Un missile a frappé la façade de l'autre côté", raconte Galyna, qui profite des moments de répit pour nourrir les chats du quartier livrés à leur sort.

"Nous sommes juste en face des Russes, ils nous bombardent sans arrêt. Au début j'étais terrifiée, maintenant je me suis un peu habituée. (...) Quand ça bombarde trop fort, je vais dans la salle de bains. Je ne sais pas ce qui se passe dehors..."

Dehors, les bombes se sont tues depuis un petit moment. Deux silhouettes encapuchonnées stationnent prudemment à la sortie d'une cage d'escalier, veillant à ce que personne ne vienne piller les appartements de la cité abandonnée.

Les yeux rougis par la fatigue, un homme tire nerveusement sur sa cigarette. Il invite à visiter son abri, dans les entrailles de ce qui devait être il y a un mois encore une école.

On s'enfonce dans ce sous-sol obscur à l'odeur âcre en baissant la tête et en suivant la tuyauterie d'une chaufferie. La flamme vacillante d'une chandelle éclaire le regard vide d'un vieil homme, assis à un pupitre d'écolier, immobile comme une statue de cire.

Assises sur des bancs de classe ou couchées sur un lit de fortune, des silhouettes hébétées, épaisse couverture sur les épaules, se devinent peu à peu dans la pénombre.
Les poches grises sous les yeux trahissent l'épuisement, le teint terriblement pâle montre que ces déplacés de guerre, pourtant à deux pas de leur appartement, ne sont pas sortis de leur antre depuis des jours.

"Physiquement on s'accroche. Nous vivons, nous cuisinons, nous parlons ensemble, cela nous aide à faire face à la situation. Mais psychologiquement, nous sommes à bout", avoue Olga Panchenko, 65 ans, son bonnet rouge enfoncé jusqu'aux sourcils.

"Les soldats russes ont volé notre vie, notre liberté. Nous avons perdu nos appartements, nous ne savons pas où aller, nous ne savons pas comment sortir d'ici", s'exclame Vadim, l'un des rares jeunes du groupe. "La guerre est partout tout autour".

"J'ai trop peur pour sortir, même pour faire pipi. Toute la journée, la nuit, il y des bombes", renchérit une grand-mère, désespérée. "Où sont les Nazis ici?", poursuit-elle d'un ton véhément, en référence à la campagne de "dénazification" prétextée par le président russe Vladimir Poutine pour envahir l'Ukraine.

Juste «rester en vie»
Ils sont peut-être une vingtaine à survivre dans ce sous-sol, au milieu des cartons et de rares affaires apportées de chez eux dans un sac de sport, dépendant de la nourriture que leur apportent quotidiennement de courageux volontaires. La cuisine, ou le thé, se font aussi sur un feu, quand l'électricité est coupée.

"Des employés municipaux essaient de réparer, mais ça coupe souvent dès que les obus retombent", explique Olga, qui, comme beaucoup de monde dans le district 5, a "de la famille en Russie" et tonne elle aussi contre cette "guerre de Poutine".

"Ces derniers jours ont tout changé dans nos vies, maintenant nous sommes ici...", lâche d'une voix lasse Yevhen, 18 ans. "Dans cette cave, nous sommes un peu devenus comme une grande famille", essaie-t-il de sourire, sa mère à ses côtés, l'air déprimé, caressant un gros matou sur ses genoux. 

La plupart sont des vieillards affaiblis, des malades ou des handicapés, dépendant d'un proche ou n'ayant nulle part où aller, dans un quartier où les revenus sont modestes et les problèmes sociaux nombreux.

Pourquoi cet acharnement de l'artillerie russe sur cette cité populaire? Une unité de la DCA ukrainienne campait aux abords du quartier au début de l'invasion, des batteries de lance-roquettes sont aussi venues tirer sur les Russes depuis la zone, de l'aveu même des habitants.

Difficile de savoir combien sont morts dans les bombardements. Deux personnes ont été hachées par une roquette tombée juste devant l'école, se souvient Roman, déjà vétéran de l'armée à 38 ans, qui montre un amas de sang séché encore collé à la façade.

Plusieurs dans ce sous-sol d'école ont des proches coincés dans les appartements, trop vieux ou trop malades pour descendre les étages, alors que tous les ascenseurs sont hors d'usage.

Le mari d'Olga est "paralysé du côté droit" depuis un AVC, leur fils a "perdu la tête après un accident", il faut sans cesse le surveiller car il risque de s'échapper. Tous deux restent à longueur de journée dans leur appartement du 6e étage, sans eau ni électricité.

Les fenêtres de l'immeuble ont été pulvérisées, mais au moins le bâtiment a tenu le coup. Le mari accueille le visiteur d'un pas lent, mais d'un sourire tranquille: "non, je n'ai pas peur, de toute façon je ne peux pas descendre vite, alors...".

"Je leur monte à manger matin et soir", poursuit la courageuse Olga. "Nous comptons les jours, les nuits... et nous remercions pour chaque jour resté en vie".


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.