Ukraine: Zelensky prévient que l'armée russe se repositionne pour attaquer l'Est

Le président ukrainien a assuré que l'armée russe se repositionnait dans l'est du pays en prévision «d'attaques puissantes» (Photo, AFP).
Le président ukrainien a assuré que l'armée russe se repositionnait dans l'est du pays en prévision «d'attaques puissantes» (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 01 avril 2022

Ukraine: Zelensky prévient que l'armée russe se repositionne pour attaquer l'Est

  • Le président russe Vladimir Poutine a son côté menacé de couper l'approvisionnement en gaz aux pays "inamicaux»
  • La Russie a indiqué cette semaine qu'elle entendait réduire son activité de Kiev et Tcherniguiv

KIEV: Le président ukrainien a assuré que l'armée russe se repositionnait dans l'est du pays en prévision "d'attaques puissantes", notamment sur le port assiégé de Marioupol où doit avoir lieu vendredi une nouvelle tentative d'évacuation de civils.

Le président russe Vladimir Poutine a son côté menacé de couper l'approvisionnement en gaz aux pays "inamicaux" qui refuseraient de payer en roubles, une mesure destinée à soutenir la monnaie russe qui affecterait principalement l'Union européenne.

La Russie a indiqué cette semaine qu'elle entendait réduire son activité de Kiev et Tcherniguiv afin de transférer sa puissance de frappe depuis le nord vers les régions (séparatistes) de Donetsk et de Lougansk, dans l'est.

"Cela fait partie de leur tactique", a déclaré Volodymyr Zelensky dans une allocution prononcée dans la nuit de jeudi à vendredi. 

"Nous savons qu'ils s'éloignent des régions où nous les battons pour se concentrer sur d'autres qui sont très importantes... où cela peut être difficile pour nous", a ajouté le président ukrainien. En particulier, la situation dans l'est du pays est "très difficile".

"Dans le Donbass et à Marioupol, dans la direction de Kharkiv, l'armée russe se renforce en prévision d'attaques puissantes", a déclaré le président.

Un sentiment partagé par le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, qui estime que les forces russes "ne se retirent pas mais se repositionnent" sur la région du Donbass, tout en maintenant "la pression sur la capitale Kiev et d'autres villes".

Ce recentrage laisse présager un conflit "prolongé", qui pourrait durer des mois, a prévenu le Pentagone.

Des experts militaires estiment que Moscou a abandonné son projet d'avancer simultanément le long de plusieurs axes au nord, à l'est et au sud, en raison des difficultés rencontrés face à la résistance ukrainienne plus forte que prévu.

Selon des responsables américains, la Russie a déplacé environ 20% de ses troupes des environs de Kiev après avoir échoué à prendre la ville. 

Mais les frappes sur la capitale se poursuivent et le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré qu'il était probable que les troupes "soient repositionnées, probablement en Biélorussie, pour être rééquipées et réapprovisionnées et utilisées ailleurs en Ukraine".

Plus d'un mois après l'invasion de l'Ukraine, Marioupoul, port stratégique du sud-est de l'Ukraine, sur la mer d'Azov, reste assiégé et pilonné sans relâche. Au moins 5.000 personnes ont péri et 160.000 civils seraient toujours bloqués dans la ville. 

Le dirigeant de la république caucasienne russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, dont des milliers d'hommes combattent dans cette ville, a assuré que 90 à 95% est sous contrôle russe. Il a donné un jour aux derniers défenseurs ukrainiens, retranchés dans l'usine métallurgique Azovstal, pour déposer les armes et se rendre.

Tentative d'évacuation

De son côté, le ministère britannique de la Défense a fait état de "combats intenses à Marioupol" mais affirmé que les Ukrainiens "conservent le contrôle du centre-ville".

Une tentative d'évacuation est prévue vendredi. La délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Ukraine a indiqué sur Twitter qu'elle se trouvait dans la ville voisine de Zaporojie, où sont censés arriver les bus en provenance de la ville encerclée.

"Nous espérons pouvoir faciliter le passage en toute sécurité des civils qui souhaitent désespérément fuir Marioupol. Nous sommes également ici avec deux camions d'assistance", a déclaré Lucile Marbeau, de l'organisation, dans une vidéo diffusée sur Twitter. 

Le gouvernement ukrainien avait de son côté annoncé avoir envoyé des dizaines de bus vers Marioupol, et le gouvernement local a déclaré sur Telegram que les civils pourraient commencer à embarquer vendredi matin dans la ville voisine de Berdiansk.

Des personnes ayant réussi à quitter la ville assiégée et des ONG y ont décrit des conditions catastrophiques, avec des civils terrés dans des caves, privés d'eau, de nourriture et de toute communication, et des cadavres jonchant les rues. La municipalité accuse en outre Moscou d'avoir évacué "contre leur gré" plus de 20.000 habitants vers la Russie.

Sur le front diplomatique, l'UE veut persuader la Chine de renoncer à aider Moscou pour contrer les sanctions occidentales, lors d'un sommet virtuel vendredi avec Pékin.

Pays «inamicaux»

De son côté, Roberta Metsola, la présidente maltaise du Parlement européen, a indiqué jeudi soir sur Twitter qu'elle était "en route pour Kiev". Elle serait la première dirigeante d'une institution européenne à se rendre dans la capitale ukrainienne depuis le début de l'invasion russe.

Auparavant, Vladimir Poutine avait annoncé qu'il interdisait l'entrée sur son territoire aux dirigeants européens et à la majorité des eurodéputés, en réaction aux sanctions tous azimuts visant Moscou.

Et il a menacé les acheteurs de gaz russe de pays "inamicaux" de stopper leur approvisionnement s'ils ne se pliaient pas aux exigences du Kremlin, une mesure destinée à soutenir le rouble qui affecterait principalement l'Union européenne, très dépendante.

"Ils doivent ouvrir des comptes en roubles dans des banques russes. Et de ces comptes ils devront payer le gaz livré et cela dès demain", a-t-il déclaré.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussitôt répondu que les pays européens continueront de payer le gaz russe en euros et dollars comme cela est "écrit dans les contrats".

Dans ce contexte, le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire, en déplacement à Berlin, a signalé que la France et l'Allemagne se "préparaient" à un potentiel arrêt des importations de gaz russe.

Après cinq semaines de guerre, 4 millions de réfugiés ont fui l'Ukraine, auxquels s'ajoutent presque 6,5 millions de déplacés à l'intérieur du pays, selon l'ONU. Quelque 90% de ceux qui ont fui l'Ukraine sont des femmes et des enfants.

Des responsables à Kiev ont annoncé jeudi soir que les forces russes avaient quitté la centrale nucléaire de Tchernobyl qu'elles occupaient depuis le premier jour de l'invasion de l'Ukraine, le 24 février.

"Elles ont pris avec elles des membres de la Garde nationale qu'elles retenaient en otages depuis le 24 février", a déclaré sur Telegram l'agence d'Etat ukrainienne Energoatom, citant des employés. Leur nombre n'est pas connu.


Karabakh: Paris demande une «action diplomatique internationale»

La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna s'adresse à la 78e Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York, le 21 septembre 2023 (Photo d'Ed JONES / AFP).
La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna s'adresse à la 78e Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York, le 21 septembre 2023 (Photo d'Ed JONES / AFP).
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  • Le Nagorny Karabakh, enclave du Caucase peuplée en majorité d'Arméniens mais reconnue comme partie de l'Azerbaïdjan, a été l'objet d'une nouvelle offensive meurtrière de Bakou la semaine dernière
  • Paris met en garde contre le risque d'un conflit sur le territoire arménien

PARIS: La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a appelé mardi à "une action diplomatique internationale" face "à l'abandon de l'Arménie par la Russie".

Le Nagorny Karabakh, enclave du Caucase peuplée en majorité d'Arméniens mais reconnue comme partie de l'Azerbaïdjan, a été l'objet d'une nouvelle offensive meurtrière de Bakou la semaine dernière, avant que les séparatistes ne rendent les armes.

Paris met en garde contre le risque d'un conflit sur le territoire arménien.

"L'abandon de l'Arménie par la Russie et la complicité de la Russie avec les opérations militaires engagées par l'Azerbaïdjan rendent encore plus nécessaires une action diplomatique internationale", a estimé la cheffe de la diplomatie lors des questions à l'Assemblée nationale.

En 2020, la Russie avait parrainé un accord de cessez-le-feu qui avait mis fin aux hostilités et déployé des soldats de la paix, qui n'ont pas empêché l'offensive éclair et victorieuse de l'Azerbaïdjan contre les séparatistes.

L'Union européenne "doit prendre acte de cette réalité, agir avec nous pour le respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie et préserver les droits des Arméniens du Haut Karabakh à vivre, s'ils le souhaitent, dans le respect de leurs droits historiques" dans l'enclave, a souligné Catherine Colonna.

Elle a rappelé que Paris tiendrait "pleinement responsable l'Azerbaïdjan du sort de la population arménienne", précisant que la France apportait "son soutien à l'Arménie", qui s'efforce d'accueillir plus de 19 000 personnes venant du Nagorny Karabakh.

Paris a ainsi décidé de porter l'aide "à plus de 12 millions d'euros" pour les réfugiés et déplacés en Arménie et au Haut-Karabakh.

Interrogée sur de potentielles sanctions contre l'Azerbaïdjan, la ministre a répondu: "la France prendra, dans les jours qui viennent, des initiatives (...) que ce soit à titre national, à titre bilatéral avec l'Arménie, aux Nations unies en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité ou au sein de l'Union européenne".

Catherine Colonna a par ailleurs mis en garde Bakou contre toute entrave de l'aide. "Nous n'accepterons pas que l'aide humanitaire soit entravée et nous nous opposerons à toute tentative de remise en cause de l'intégrité territoriale de l'Arménie".

Plus tôt lors d'un point presse, Anne-Claire Legendre, porte-parole du Quai d'Orsay, avait constaté "avec beaucoup de préoccupation un départ massif des populations arméniennes du Haut Karabakh (...) sous l'oeil complice de la Russie".

L'UE a reçu mardi des hauts représentants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Mme Legendre a jugé "claire" la position européenne, avec une condamnation de l'offensive menée par Bakou et la demande d'une réouverture du corridor de Latchine, seule voie reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie.

"Les consultations se poursuivent avec nos partenaires européens", a-t-elle également souligné. "Nous aurons l'occasion de les poursuivre à Grenade", dans le sud de l'Espagne, début octobre.

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev sont, eux, attendus à une réunion de la Communauté politique européenne, qui regroupe une cinquantaine de pays européens, membres de l'UE ou non, le 5 octobre à Grenade.


Un commandant de la flotte russe, donné pour mort par Kiev, présent à une réunion, selon Moscou

Des militaires ukrainiens montent au sommet d'un véhicule blindé de transport de troupes à Kostyantynivka, dans la région de Donetsk, le 25 septembre 2023, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo: Roman PILIPEY / AFP)
Des militaires ukrainiens montent au sommet d'un véhicule blindé de transport de troupes à Kostyantynivka, dans la région de Donetsk, le 25 septembre 2023, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo: Roman PILIPEY / AFP)
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  • Après la publication des images de Viktor Sokolov, les forces d'opérations spéciales ukrainiennes ont annoncé mardi être en train de "clarifier" leurs informations
  • L'attaque du quartier général de la flotte russe illustre les difficultés croissantes de la Russie à se défendre des frappes de missiles et drones ukrainiens

MOSCOU: Le ministère russe de la Défense a publié mardi une image montrant Viktor Sokolov, commandant de la flotte en mer Noire, en train de participer à une visioconférence, alors que l'Ukraine avait affirmé l'avoir tué.

Sur la photo, le responsable apparaît sur un grand écran, aux côtés d'autres hauts responsables militaires participant à une réunion présidée par le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. Un communiqué, qui ne mentionne pas le nom de l'officier, indique que cette réunion a eu lieu mardi.

L'officier paraît avoir un grand coussin ou fauteuil blanc dans son dos.

Dans une vidéo diffusée plus tard, le commandant apparaît à l'image à plusieurs reprises, sans s'exprimer.

L'Ukraine a frappé vendredi avec des missiles le siège de la flotte russe de la mer Noire, à Sébastopol, ville de Crimée annexée par la Russie.

Lundi, l'armée ukrainienne avait affirmé que parmi la trentaine d'officiers tués dans la frappe, se trouvait le commandant Sokolov.

Mais, après la publication des images de Viktor Sokolov, les forces d'opérations spéciales ukrainiennes ont annoncé mardi être en train de "clarifier" leurs informations.

Ces forces ont affirmé sur Telegram que, selon "les sources disponibles", le commandant faisait partie des morts, l'identification des victimes étant toutefois difficile car les corps sont très abîmés.

"Les Russes ayant été contraints de publier en urgence une réponse censée montrer Sokolov vivant, nos services clarifient l'information", ont-elles dit.

La Russie, qui ne donne presque jamais d'informations sur ses pertes militaires, n'a de son côté donné qu'un bilan d'une personne disparue dans la foulée du bombardement.

Moscou n'a pas commenté la revendication ukrainienne, le Kremlin restant très vague mardi sur le sort du commandant.

"Il n'y aucune information à ce sujet provenant du ministère de la Défense", a indiqué à la presse Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe,

"Nous n'avons rien à dire", a-t-il ajouté, renvoyant vers le ministère de la Défense.

L'attaque du quartier général de la flotte russe illustre les difficultés croissantes de la Russie à se défendre des frappes de missiles et drones ukrainiens.

Or la Crimée, péninsule annexée par la Russie en 2014, est clé pour la marine russe ainsi que pour la logistique et l'approvisionnement des troupes occupant le sud de l'Ukraine.

L'Ukraine, qui mène une vaste contre-offensive pour libérer les territoires occupés, essaie de frapper les arrières russes pour désorganiser les défenses et la capacité de résistance des militaires.

Après trois mois, les gains territoriaux ukrainiens restent cependant limités.


Le Nagorny Karabakh se vide, tristesse et chaos à la frontière arménienne

Des réfugiés attendent dans leur voiture pour traverser la frontière, quittant le Karabakh pour l'Arménie, au point de contrôle de Latchine, le 26 septembre 2023. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
Des réfugiés attendent dans leur voiture pour traverser la frontière, quittant le Karabakh pour l'Arménie, au point de contrôle de Latchine, le 26 septembre 2023. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
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  • Beaucoup disent avoir mis 24 heures à faire les 80 kilomètres séparant la capitale séparatiste, Stepanakert, de la frontière
  • A l'écart, dans le village de Kornidzor, Sveta Moussaïelian se repose chez une amie rencontrée en 2020: elle s'y était réfugiée durant la précédente guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan

CORRIDOR DE LATCHINE: Le Nagorny Karabakh se vide de ses habitants. Mardi, des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants continuaient de quitter cette enclave peuplée d'Arméniens sous le regard victorieux des soldats azerbaïdjanais.

Un vieil homme et sa fourgonnette remplis de paquets, une fillette, son ballon rose collé contre elle, le regard planté dans celui des soldats azerbaïdjanais lourdement armés. Et cette vieille dame tenant désespérément une cage à oiseaux.

Du côté azerbaïdjanais du pont Hakari, au poste-frontière installé en avril par Bakou et qui verrouille l'accès au corridor de Latchine, sur la seule route menant de l'Arménie au Nagorny Karabakh, le flot de véhicules est continu.

Dimanche, après l'offensive éclair remportée contre les troupes du Nagorny Karabakh, Bakou a rouvert ce poste-frontière qui coupait l'enclave arménienne du reste du monde, provoquant l'exode.

Sur les toits des voitures, les réfugiés emportent ce qu'ils possédaient au Nagorny Karabakh: un sac rose, une tronçonneuse, des couvertures, parfois protégées par des bâches.

De rares véhicules, Lada soviétiques poussives ou remorques aux pneus crevés, passent au détecteur de metaux.

Mais pour la plupart, l'arrêt ne dure que quelques secondes. Des soldats azerbaïdjanais vérifient des coffres, jettent un œil furtif à l'intérieur, sans demander aucun document d'identité.

Les hommes sont priés de descendre pour fixer des caméras de surveillance, placées en hauteur sur des poteaux, à côté d'un drapeau azerbaïdjanais qui flotte au vent.

Les ordres, secs, fusent: "Regardez en haut!" La manoeuvre est destinée à répérer d'éventuels auteurs de "crimes de guerre" fuyant le Karabakh, a expliqué une source gouvernementale azerbaïdjanaise à l'AFP.

Les conducteurs remontent. Les passagers masculins, eux, doivent parcourir à pied les quelques mètres qui les séparent de l'Arménie. Menton haut pour certains, ils passent devant les uniformes verts des soldats postés sur le côté, sans un regard pour eux.

"Ils nous ont expulsés!", lâche un homme avant la traversée du pont.

80 kilomètres, 24 heures

Passé le contrôle des soldats azerbaïdjanais, quelques-uns acceptent de parler. Certains disent partir à regret et vouloir revenir. Veste de costume bleue trop grande, Hrant Haroutounian montre son passeport bleu de l'Arménie.

"Les Arméniens nous ont dit de partir. Je vais à Erevan, j'ai des enfants là-bas. Je veux les prendre et rentrer", raconte l'homme de 83 ans. D'autres racontent avoir été sommés de partir par des soldats du Karabakh, face à l'approche des forces azerbaïdjanaises.

Les moteurs vrombissent et les véhicules s'ébranlent enfin vers le pont, au bout duquel statione un char de la force de maintien de la paix russe.

Cinq kilomètres plus loin, à Kornidzor, au premier poste de contrôle arménien, les mêmes airs fermés, les mêmes Lada surchargées au châssis frôlant le sol. Parfois, émergent le visage hagard d'un vieil homme ou ceux d'enfants.

Beaucoup disent avoir mis 24 heures à faire les 80 kilomètres séparant la capitale séparatiste, Stepanakert, de la frontière.

Un trajet effectué sans nourriture et parfois sans eau: le Nagorny Karabakh, soumis au blocus de l'Azerbaïdjan depuis des mois, manque de tout. Ces derniers jours, les réfugiés disent les avoir passés chez eux, sans oser sortir, se nourrissant de réserves.

"J'ai quitté ma maison pour rester en vie", assène une femme en veste verte, qui insiste pour parler: "Que le monde sache que nous sommes des chiens sans abri désormais!"

A l'écart, dans le village de Kornidzor, Sveta Moussaïelian se repose chez une amie rencontrée en 2020: elle s'y était réfugiée durant la précédente guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

A 50 ans, c'est la quatrième fois qu'elle est déplacée de force. "Je ne suis pas si vieille, mais j'ai déjà tellement vu!"

Sveta retrace l'histoire de sa famille: elles sont cinq soeurs, dont quatre sont veuves de guerre. Ses deux fils étaient soldats, ils sont sortis vivants des derniers combats et sont en train de quitter le Karabakh.

Alors elle s'estime chanceuse: "Perdre mon pays, ma maison, ce n'est pas grave, c'est pour les victimes que je pleure."

Goris, carrefour des réfugiés

En amont du poste de contrôle de la police arménienne, des centaines de voitures sont garées en désordre. Ce sont des Arméniens venus chercher leurs proches.

"J'attends la famille de ma sœur. Ils sont sur la route depuis hier", raconte, l'air épuisé, Artak Soghomonian. Comme il n'y a pas de réseau sur la route, il ne sait ni où ils sont, ni quand ils arriveront.

Son frère veut aussi quitter Stepanakert, précise Artak, 36 ans. Mais il cherche encore de l'essence et n'a donc pas réussi à partir.

Une quête dangereuse: lundi soir, une explosion dans un dépôt de carburant de Stepanakert pris d'assaut a tué 20 personnes et fait plus de 200 blessés.

Sur la route, autour des quelques cafés et stations-service séparant Kornidzor de Goris, la grande cité des environs, des réfugiés s'agglutinent. Certains se ravitaillent en silence, d'autres effectuent quelques réparations de leurs véhicule.

A la vue de policiers arméniens, beaucoup de conducteurs sortent la tête de l'habitacle: "Goris?", demandent-ils. La ville tranquille de 20 000 habitants est devenue le carrefour des réfugiés du Nagorny Karabakh.