Réticente à condamner la Russie, l’Inde fait face à la pression occidentale avant la visite de Lavrov

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, participe à une réunion à Moscou, en Russie, le 24 mars 2022. (Reuters)
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, participe à une réunion à Moscou, en Russie, le 24 mars 2022. (Reuters)
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Publié le Vendredi 01 avril 2022

Réticente à condamner la Russie, l’Inde fait face à la pression occidentale avant la visite de Lavrov

  • L'Inde s'est abstenue de voter les résolutions de l'ONU condamnant la Russie pour son invasion de l'Ukraine
  • Les liens entre New Delhi et Moscou remontent à plus de sept décennies, et la moitié du matériel militaire indien provient de Russie

NEW DELHI: Réticente à condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Inde a été confrontée à une pression occidentale croissante avant la visite du plus haut diplomate de Moscou jeudi dernier, ce qui complique, selon les analystes, le parcours de New Delhi parmi les puissances mondiales.
L'Inde s'est abstenue de voter des résolutions de l'ONU condamnant la Russie, son alliée de longue date, qui a lancé un assaut sur plusieurs fronts sur le territoire ukrainien à la fin du mois de février. Elle n'a appelé qu'à l'arrêt des violences, tout en continuant à acheter du pétrole et d'autres produits russes dans un contexte de sanctions internationales.
Des émissaires occidentaux, dont le conseiller adjoint américain à la sécurité nationale, Daleep Singh, et le ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, se sont rendus à New Delhi cette semaine avant la visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, afin de pousser l'Inde à sortir de sa réserve et à prendre des mesures plus fermes.
Le voyage de Lavrov vise probablement à inciter New Delhi à faire exactement le contraire.
«L'Inde doit gérer une relation très difficile des deux côtés. Elle a des liens forts historiques avec la Russie et, bien sûr, ces dernières années, avec l'Occident», déclare à Arab News le professeur Harsh V. Pant, responsable des études stratégiques à l’Observer Research Foundation, située à New Delhi.
Les liens de New Delhi avec Moscou s'étendent sur plus de sept décennies; la moitié du matériel militaire indien provient de Russie. D'un autre côté, son partenariat avec l'Occident s'est développé au cours des vingt dernières années, et l'Inde est membre du Quad (Quadrilateral Security Dialogue, NDLR), un dialogue stratégique sur la sécurité entre quatre États – comprenant les États-Unis, le Japon et l'Australie. Cette coopération informelle a été établie face à la puissance économique et militaire croissante de la Chine. Cette dernière représente une menace pour sa position régionale qui a atteint des niveaux extrêmes depuis les affrontements frontaliers de 2020.
Les tensions à la frontière entre l'Inde et la Chine dans la région himalayenne septentrionale du Ladakh, qui ont éclaté en avril 2020, ont entraîné une détérioration des relations entre les deux géants asiatiques et le déploiement de dizaines de milliers de soldats supplémentaires dans la région.
«À l'heure où l'Inde se trouve confrontée à des soldats chinois le long de la frontière, il est vraiment impossible de vous mettre à dos un partenaire dont vous dépendez pour 55% de vos importations de défense», souligne Harsh V. Pant.
«La Russie demeure un fournisseur très fiable de technologies et d'équipements de défense, ce qui n'est pas le cas de l'Occident», ajoute-t-il.
Il déclare que, si la politique de l'Occident à l'égard de la Russie a consisté dans l'isolement et les sanctions, ce ne serait pas la bonne option pour l'Inde.
«L'Inde ne peut pas vraiment adopter une position similaire, parce qu’elle ne veut pas que l'axe Russie-Chine devienne encore plus fort», précise Harsh V. Pant. «Je pense que le défi pour l'Inde est de garder une voie de communication ouverte avec la Russie, même dans les moments les plus difficiles.»
Manoj Joshi, éminent chercheur à l'Observer Research Foundation, explique que le soutien historique de la Russie à l'Inde, notamment dans ses conflits avec son grand rival et voisin, le Pakistan, joue également un rôle majeur dans la réticence de New Delhi à condamner Moscou.
«Depuis les années 1950, les Russes soutiennent généralement l'Inde dans les politiques de l'Asie du Sud», fait-il observer. «Il y a un alignement politique qui remonte à très longtemps. Et, à leur tour, les Indiens ont renvoyé l’ascenseur aux Russes pour leur invasion de la Hongrie, en 1956, ou de l'Afghanistan, en 1979. Il y a donc eu ce genre de relations.»
Toutefois, au-delà de la volonté de l’Occident de faire pression sur l'Inde pour qu'elle prenne parti, il se peut que les visites de ses émissaires revêtent une autre dimension.
Anil Trigunayat, ancien ambassadeur de l'Inde en Jordanie, en Libye et à Malte, a décrit les récents développements comme des tentatives possibles de faire jouer à New Delhi un rôle dans la fin de la crise ukrainienne.
«Ils essaient d'une manière ou d'une autre, désormais, d'arrêter ce conflit, mais, à mon avis, ils ne se transforment pas en agents directs pour y mettre un terme», estime-t-il, ajoutant que l'Occident sait que l'Inde entretient une relation stratégique avec la Russie et son président, Vladimir Poutine.
«Ce qu'ils veulent dire, c'est que l'Inde devrait essayer d’user de l’influence personnelle dont elle dispose avec la Russie et le président Poutine pour accélérer la fin du conflit», souligne Trigunayat à Arab News. «Ils savent que si l'Inde condamne Moscou, ils n'auront aucun moyen de pression sur la Russie.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Rubio promet un soutien "indéfectible" à Israël, avant une visite à Doha

Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
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  • En visite à Jérusalem, le secrétaire d’État Marco Rubio a réaffirmé le soutien « indéfectible » des États-Unis à Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza
  • Alors que les offensives israéliennes se poursuivent, causant de lourdes pertes civiles à Gaza, les critiques internationales s’intensifient

Jérusalem: Le secrétaire d'Etat Marco Rubio a promis lundi à Jérusalem le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, à la veille d'un déplacement à Doha.

Durant la visite de M. Rubio, l'armée israélienne a poursuivi son offensive dans la bande de Gaza assiégée et affamée, la Défense civile locale faisant état d'au moins 49 morts, dont des enfants.

Lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, cette offensive a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste a pris le pouvoir en 2007.

Le déplacement de M. Rubio a coïncidé avec un sommet arabo-islamique à Doha, quelques jours après une attaque israélienne inédite le 9 septembre au Qatar contre des chefs du Hamas.

"Les habitants de Gaza méritent un avenir meilleur, mais cet avenir meilleur ne pourra commencer que lorsque le Hamas sera éliminé", a déclaré M. Rubio après une rencontre à Jérusalem avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Vous pouvez compter sur notre soutien indéfectible et notre engagement à voir cela se concrétiser", a-t-il ajouté.

M. Rubio se rend mardi au Qatar, en route pour Londres, afin de "réaffirmer le soutien total des Etats-Unis à la sécurité et la souveraineté du Qatar après l'attaque israélienne", selon le département d'Etat.

La frappe aérienne au Qatar, un médiateur entre Israël et le Hamas, a contrarié le président Donald Trump.

"Le Qatar a été un très grand allié. Israël et tous les autres, nous devons faire attention. Quand nous attaquons des gens, nous devons être prudents", a-t-il dit dimanche.

Malgré cette critique, M. Netanyahu a estimé que M. Trump était "le plus grand ami" qu'Israël ait jamais eu à la Maison Blanche.

- "Animaux barbares" -

Au sommet de Doha, l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, s'en est prix à Israël, l'accusant de "vouloir faire échouer les négociations" en vue d'un cessez-le-feu à Gaza et d'une libération des otages enlevés durant l'attaque du 7-Octobre.

Un communiqué final du sommet a appelé "tous les Etats à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël", alors que les six monarchies du Golfe ont appelé les Etats-Unis à "user de leur influence" pour contenir Israël.

A Jérusalem, M. Rubio s'est montré pessimiste quant à la possibilité d'une solution "diplomatique" à Gaza, qualifiant le Hamas d'"animaux barbares".

"Même si nous souhaitons vivement qu'il existe un moyen pacifique et diplomatique pour mettre fin (à la guerre) -et nous continuerons à explorer cette voie-, nous devons également nous préparer à la possibilité que cela ne se produise pas", a-t-il dit.

M. Rubio a aussi affiché la solidarité des Etats-Unis avec Israël avant un sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite le 22 septembre à l'ONU, destiné à promouvoir la reconnaissance d'un Etat de Palestine, au côté d'Israël.

Une initiative largement symbolique dans la mesure où Israël s'oppose fermement à la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Les Etats-Unis sont également hostiles à cette démarche, qui selon M. Rubio, a "enhardi" le Hamas.

En soirée, le secrétaire d'Etat a rencontré à Jérusalem des familles d'otages, selon un responsable du département d'Etat. Sur les 251 personnes enlevées durant l'attaque du 7-Octobre, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l'armée israélienne.

- "Un corps sans âme" -

Dans le territoire palestinien, la Défense civile a indiqué que plus de la moitié des 49 Palestiniens tués l'avaient été à Gaza-ville, où l'armée a intensifié ses attaques avec l'objectif de s'en emparer.

Compte-tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

L'armée israélienne, qui présente Gaza-ville comme l'un des derniers bastions du Hamas dans le territoire palestinien, y a détruit plusieurs tours d'habitation en accusant le Hamas de s'y cacher.

Les Palestiniens continuent de fuir, en grand nombre, la ville et ses environs, qui comptaient un million d'habitants selon l'ONU.

"Je me sens comme un corps sans âme", dit Susan Annan, une Palestinienne qui habitait dans l'une de tours détruites. "Nous avons quitté notre maison avec seulement nos vêtements. Nous n'avons rien pu emporter."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. L'ONU y a déclaré la famine, ce que Israël dément.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».