Turquie: pêche en terrain miné

Le pêcheur déplore le peu d'informations fourni par les autorités turques, qui disent ne pouvoir, pour l'heure, se prononcer sur le nombre, la provenance et le degré de dangerosité de ces mines vagabondes (Photo, AFP).
Le pêcheur déplore le peu d'informations fourni par les autorités turques, qui disent ne pouvoir, pour l'heure, se prononcer sur le nombre, la provenance et le degré de dangerosité de ces mines vagabondes (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 03 avril 2022

Turquie: pêche en terrain miné

  • La marine turque avait mis en garde cinq jours plus tôt, le 21 mars, contre le risque émanant de mines en provenance des eaux ukrainiennes
  • Le ministère russe de la Défense a affirmé jeudi qu'un barrage de 370 mines a été formé en mer Noire par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes

RUMELIFENERI: Sahin Afsut imagine le pire: heurter une mine en mer et "disparaître sous l'eau en un clin d'œil". 

Comme la plupart des pêcheurs de Rumelifeneri, gros village posé sur un rocher à l'embouchure du Bosphore, au nord d'Istanbul, lui et son équipe restent au port depuis la découverte il y a huit jours d'une mine à la dérive en mer Noire à quelques encablures de là.

D'autant qu'une autre, qui pourrait aussi avoir dérivé depuis l'Ukraine, a été découverte lundi 100 km plus à l'ouest. Et une troisième le même jour dans les eaux roumaines, à 300 km au nord.

"Si tu heurtes [une mine], tu es fini", assure Sahin Afsut, bonnet gris et barbe mal taillée devant son petit chalutier qui ramène d'ordinaire dans ses filets merlans, rougets et anchois.

Lui n'a pas vu la mine aperçue à 2 km au large par un marin-pêcheur du coin, mais plusieurs au port racontent la scène.

"Elle était grosse comme un demi-tonneau. On a regardé là-haut du sommet, les unités (spéciales de la marine turque) l'ont neutralisée", rembobine Ahmet Tarlaci, 55 ans dont 43 à pêcher.

«90% ont arrêté»

La marine turque avait mis en garde cinq jours plus tôt, le 21 mars, contre le risque émanant de mines en provenance des eaux ukrainiennes, qui pourraient s'être désamarrées à cause d'une tempête. Mais "les mines sont arrivées très vite, même les forces armées turques ont été surprises", affirme Ahmet Tarlaci.

Le ministère russe de la Défense a affirmé jeudi qu'un barrage de 370 mines a été formé en mer Noire par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes, dont 10 se seraient détachées. Une version contestée par Kiev, qui accuse la marine russe d'avoir dispersé des mines afin de discréditer l'Ukraine.

Au port de Rumelifeneri, où une centaine de navires patientaient vendredi, de la grosse barque au chalutier de 40 mètres, "90% des gens que nous connaissons ont arrêté" de sortir en mer, dit Sefki Deniz, pêcheur depuis 42 ans.

Par peur d'un accident, les autorités ont interdit la pêche de nuit, et la hausse spectaculaire du prix du gasoil a convaincu nombre d'équipes de clore avec trois semaines d'avance la saison de la pêche.

"Déjà qu'on a des pertes financières, il ne faudrait pas en plus qu'on ait des pertes humaines", dit Sefki Deniz, bottes en plastique et polaire bleue.

Le pêcheur déplore le peu d'informations fourni par les autorités turques, qui disent ne pouvoir, pour l'heure, se prononcer sur le nombre, la provenance et le degré de dangerosité de ces mines vagabondes. 

"Pour l'instant, [les mines] ne sont pas un problème, mais nous ne baisserons pas la garde", a tenté de rassurer vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan, preuve que le sujet préoccupe jusqu'au sommet de l'Etat.

"Là maintenant ils [les Russes, NDLR] parlent de 10 mines, et si les 370 autres se retrouvaient à se balader ? La mer Noire n'est pas une très grande mer, c'est comme un lac", s'inquiète Sefki Deniz, malgré les patrouilles 24h/24 dans la zone de chasseurs de mines.

«Jamais retrouvé leurs corps»

"En face de nous il y a l'Ukraine, la Russie: si le vent souffle du Nord violemment, ce n'est qu'une question de temps" avant que les mines arrivent jusque là, redoute aussi Saban Ucar, 32 ans, capitaine de pêche.

Les chalutiers de "30-40 mètres ont des radars, des sonars (...) mais les bateaux de 9-10 mètres n'ont que des jumelles", souligne-t-il depuis le belvédère qui surplombe le port.

Lui n'était pas né à l'époque, mais dans le village, le souvenir est encore vif de deux accidents causés dans les années 80 par des mines de la Seconde Guerre mondiale.

"Il y en a une qui a explosé au port en 1983, cinq personnes du village sont décédées. Et en 1989 c'est arrivé en mer en relevant un filet, la mine a explosé et le bateau a explosé avec: quatre personnes sont mortes, on n'a jamais retrouvé leurs corps", raconte Sefki Deniz, qui figure parmi les vétérans du port.

Le pêcheur s'inquiète désormais qu'une mine puisse se frayer un chemin jusqu'au Bosphore, emprunté l'an dernier par plus de 38 500 navires. Le détroit, qui traverse Istanbul, est par endroits large de moins de 700 mètres.

"En pleine mer, le risque [d'accident] est de 10%. Dans le Bosphore, il est de 100%", dit-il.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.


Soudan: des dizaines de milliers de personnes fuient le conflit qui s'étend à l'est du Darfour 

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
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  • Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusien
  • Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023

PORT-SOUDAN: Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusienne.

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait.

Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023.

Des habitants ont rapporté lundi à l'AFP que des villes entières étaient devenues des cibles militaires, alors que l'armée et les FSR s'affrontent pour le contrôle d'El-Obeid, capitale de l'Etat du Kordofan-Nord, important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum, qui abrite également un aéroport.

"Aujourd'hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara", a affirmé un membre des FSR dans une vidéo diffusée dimanche soir par les paramilitaires, en citant une localité située au nord d'El-Obeid. Les FSR avaient revendiqué la prise de Bara la semaine précédente.

Souleiman Babiker, habitant d'Oum Smeima, à l'ouest d'El-Obeid, a déclaré à l'AFP qu'après la prise d'El-Facher par les paramilitaires, "le nombre de véhicules des FSR a augmenté".

"Nous avons cessé d'aller dans nos champs, de peur des affrontements", a-t-il ajouté.

Un autre habitant, ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a également fait état d'"une forte augmentation des véhicules et du matériel militaire à l'ouest et au sud d'El-Obeid" au cours des deux dernières semaines.

Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l'ONU pour l'Afrique, a alerté la semaine dernière sur de "vastes atrocités" et des "représailles à motivation ethnique" commises par les FSR à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les combattants paramilitaires sont accusés de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements visant les communautés non arabes après la chute d'El-Facher.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.


Israël dit avoir identifié les corps rendus dimanche par le Hamas comme ceux de trois otages

"Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza", indique un communiqué de l'armée israélienne. (AFP)
"Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza", indique un communiqué de l'armée israélienne. (AFP)
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  • "Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza"
  • L'armée israélienne a annoncé dimanche que le Hamas avait remis à la Croix-Rouge dans la bande de Gaza des cercueils contenant les corps de trois otages

JERUSALEM: Les autorités israéliennes ont annoncé lundi avoir identifié les dépouilles rendues par le Hamas la veille comme étant celles de trois soldats enlevés le 7 octobre 2023, ce qui porte à 20 le nombre d'otages morts rendus par le mouvement islamiste sur un total de 28 qu'il doit remettre.

"Après l’achèvement du processus d’identification par l’Institut national de médecine légale, en coopération avec la police israélienne et le rabbinat militaire", l'armée a "informé les familles des otages tombés au combat (...) que leurs proches ont été rapatriés en Israël et identifiés", a indiqué le bureau du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, dans un communiqué.

Les défunts ont été identifiés comme le capitaine américano-israélien Omer Neutra, 21 ans lors de son enlèvement, le caporal Oz Daniel, 19 ans, et le colonel Assaf Hamami, 40 ans, l'officier le plus gradé tombé aux mains du Hamas.

Selon le Forum des familles d'otages, les trois ont été tués dans des combats lors de l'attaque du Hamas sur le sol israélien du 7-Octobre qui a déclenché la guerre à Gaza,  et leurs corps ensuite enlevés dans le territoire palestinien.

Israël avait annoncé dimanche soir avoir reçu les dépouilles de trois otages remises par la Croix-Rouge, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Malgré plusieurs moments de tension, une trêve fragile tient à Gaza depuis le 10 octobre, dans le cadre d'un accord négocié par les Etats-Unis, prévoyant le retour de tous les otages enlevés en Israël, vivants ou morts.

En application de l'accord de cessez-le-feu, le Hamas a libéré les derniers 20 otages vivants détenus à Gaza en échange de la libération de près de 2.000 prisonniers palestiniens, et doit encore restituer huit otages décédés.

Israël a à plusieurs reprises accusé le Hamas de ralentir le processus de restitution des corps, tandis que l'organisation islamiste affirme que la lenteur s'explique par le fait que de nombreuses dépouilles sont enfouies sous les décombres de Gaza.