Face aux chocs de l'Ukraine et de l'inflation, Londres revoit ses priorités énergétique

L'envolée à des records historiques des cours du gaz a donc frappé particulièrement durement les ménages britanniques (Photo, AFP).
L'envolée à des records historiques des cours du gaz a donc frappé particulièrement durement les ménages britanniques (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 07 avril 2022

Face aux chocs de l'Ukraine et de l'inflation, Londres revoit ses priorités énergétique

  • En réponse à l'invasion de l'Ukraine, Londres a annoncé la fin de ses importations de pétrole russe d'ici à la fin de l'année
  • Si le pays est moins dépendant des hydrocarbures russes que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, le pétrole et le gaz pèsent encore 75% de son mix énergétique

LONDRES: Il y a quelques mois, le Royaume-Uni accueillait la conférence internationale sur le climat COP26 et la stratégie énergétique de Londres visait en priorité la transition vers la neutralité carbone. Depuis, la guerre en Ukraine et l'inflation ont changé la donne.

Le gouvernement conservateur dévoile ainsi jeudi une nouvelle stratégie sur la sécurité énergétique, qui veut accélérer sur le nucléaire, l'éolien, le solaire, mais aussi des énergies fossiles en mer du Nord.

"Des projets audacieux pour augmenter et accélérer la production d'une énergie abordable, propre et sûre, fabriquée en Grande-Bretagne, pour la Grande-Bretagne - du nouveau nucléaire à l'éolien offshore - dans la décennie à venir", a déclaré dans un communiqué le Premier ministre Boris Johnson.

Le Royaume-Uni entend ainsi réduire sa dépendance à des sources d'énergie "exposées à des prix internationaux volatils" pour "bénéficier d'une plus grande autosuffisance énergétique et de factures moins élevées", souligne le dirigeant conservateur.

En réponse à l'invasion de l'Ukraine, Londres a annoncé la fin de ses importations de pétrole russe d'ici à la fin de l'année, qui représentent 8% de sa consommation, et veut aussi cesser à terme celles de gaz (4%).

Si le pays est moins dépendant des hydrocarbures russes que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, le pétrole et le gaz pèsent encore 75% de son mix énergétique.

L'envolée à des records historiques des cours du gaz a donc frappé particulièrement durement les ménages britanniques. "Il n'y a pas eu une telle envolée de l'énergie depuis le choc des années 70", constate John Underhill, professeur à l'université d'Aberdeen, interrogé par l'AFP.

Accusé d'inaction face à des Britanniques forcés de choisir entre chauffage ou nourriture, Downing Street est sous pression pour agir, surtout à l'approche d'élections locales en mai.

«Un monde incertain»

Pendant que le secrétaire général de l'ONU qualifie les nouveaux investissements dans les carburants fossiles de "folie économique et morale" au vu de l'urgence climatique, le ministre britannique de l’Énergie Kwasi Kwarteng n'hésite plus à affirmer à l'inverse qu'il serait "complètement fou" pour le Royaume-Uni "de fermer le robinet sur (sa) source nationale de gaz dans un monde aussi incertain".

Si la nouvelle stratégie énergétique de Londres laisse augurer un coup de fouet aux investissements dans la recherche et le forage en mer du Nord, John Underhill remarque que l'exploration de nouveaux champs pourrait prendre des années.

Il s'attend donc à "plus d'activité autour de gisements existants comme celui de Blyth, Elgood et Southward".

Kwasi Kwarteng admet que forer plus localement ne va pas faire retomber les prix du gaz, cotés sur des marchés internationaux.

"Nous devons donc générer plus d'électricité en Grande-Bretagne" avec les renouvelables et le nucléaire, insiste-t-il.

Ambitionnant une part de 95% d'électricité bas carbone d'ici à 2030, le Royaume-Uni prévoit d'accélérer sur le nucléaire, notamment grâce à de petits réacteurs modulaires qui doivent être construits par Rolls Royce.

Le pays a beaucoup de retard dans ce domaine comparé à la France par exemple, qui tire autour de 70% de son électricité de l'atome, et espère produire 25% de ses besoins en électricité grâce au nucléaire d'ici à 2050.

Les projets de grande envergure comme Sizewell C piétinent cependant depuis des années, entre craintes géopolitiques liées à l'implication d'un autre géant mondial, la Chine, et problèmes de financements et techniques.

Boris Johnson table aussi largement sur l'éolien offshore, dont le Royaume-Uni est l'un des leaders européens.

À l'inverse, la fracturation hydraulique et l'éolien terrestre n'auront pas un rôle central en raison de "la forte opposition locale", a indiqué récemment le ministre de l’Énergie, même s'il a lancé une nouvelle étude sur la faisabilité du "fracking" dans le pays, jusqu'alors sujet à un moratoire.

À plus long terme, Londres regarde aussi du côté de la technologie prometteuse de l'hydrogène "vert" et de l'énergie marémotrice.

L'association écologiste Greenpeace a déploré dans les annonces ces derniers jours de Kwasi Kwarteng le manque de mesures pour réduire les dépenses énergétiques, notamment pour l'isolation des logements.

"Se précipiter pour signer de nouvelles licences de production de carburants fossiles qui mettront des décennies à aboutir n'aidera pas à faire barrage à Poutine et aggraverait" le réchauffement du climat, critique l'ONG.

Et pour financer des factures énergétiques des ménages, elle appelle à une taxe sur les profits mirobolants des géants de l'énergie engrangés grâce à la flambée des cours. D'ores et déjà refusée par Downing Street.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".