Les relations entre la France et l’Algérie dans la campagne présidentielle française

Le ministre français de l'Education Jean-Michel Blanquer est assis à côté du président français Emmanuel Macron lors d'une réception à l'occasion de la Journée nationale du souvenir et de la réflexion à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie, soixante ans après la signature des accords d'Evian , à l'Elysée à Paris, le 19 mars 2022 (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Education Jean-Michel Blanquer est assis à côté du président français Emmanuel Macron lors d'une réception à l'occasion de la Journée nationale du souvenir et de la réflexion à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie, soixante ans après la signature des accords d'Evian , à l'Elysée à Paris, le 19 mars 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 10 avril 2022

Les relations entre la France et l’Algérie dans la campagne présidentielle française

  • Selon Hasni Abidi, la campagne électorale française est riche d’événements et l’Algérie n’est pas absente des débats
  • Éric Zemmour pratique «la réécriture du récit colonial», assure le politologue

PARIS: Passé colonial, question mémorielle, histoire humaine et proximité géographiqueconstituent des liens incontestables entre l’Algérie et la France. Il n’est pas rare que cetterelation considérée comme atypique, passionnelle et passionnée fasse partie des thèmes abordés lors des débats politiques. En cette période de campagne présidentielle, qu’en est-il?

Selon le politologue Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le mondearabe et méditerranéen (Cermam) et chargé de cours au Global Studies Institute, à l’université de Genève et à Sciences Po Paris, la campagne électorale française est riche d’événements et l’Algérie n’est pas absente des débats. Elle existe notamment à travers la questionmémorielle, mais pas pour les bonnes raisons, car on en fait un usage politique, nous explique Hasni Abidi. 

On a bien vu de quelle manière Éric Zemmour et Marine Le Pen utilisent la mémoire pour parler des bienfaits de la colonisation ou pour clamer la non-repentance. Valérie Pécresse et ces deux candidats se rejoignent dans leur vision de l’histoire, marquée par le déni, par lafuite en avant ou, pire encore, par une récupération de faits historiques erronés et falsifiés. Le politologue explique ainsi que, selon lui, le président du parti Reconquête! pratique «la réécriture du récit colonial».

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Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le mondearabe et méditerranéen (Cermam) et chargé de cours au Global Studies Institute, à l’université de Genève et à Sciences Po Paris (Photo, fournie). 

Interrogé par Arab News en français sur l’évolution des relations diplomatiques entre les deux pays, le Hasni Abidi affirme qu’on ne peut que se réjouir du fait que des actions et des gestes aient été initiés par le président Macron, qui a opté pour une approche graduelle afin de ne brusquer personne. «Il est dans un environnement électoral qui n’est pas favorable; il se voit obliger de droitiser son discours lorsqu’il s’agit du passé colonial», remarque-t-il. 

«Mais ce qui est attendu d’un président français, ce n’est pas de faire un travail historiquecomme il a essayé de le faire la dernière fois. Il a semé la discorde lorsqu’il a déclaré que le système politique algérien vivait grâce à la rente mémorielle et que l’Algérie n’existait pas avant la colonisation française. Ces déclarations ont failli causer la plus importante crise diplomatique entre la France et l’Algérie.»

«Il est dans l’intérêt du président de la république et de tous les responsables français de ne pas se prononcer sur ce sujet s’ils ne font pas preuve d’un regard honnête sur l’histoire colonialiste de la France, de laisser plutôt ce chantier aux historiens et de s’atteler à la construction des projets d’ordre bilatéral en développant sur le plan politique, économique et socioculturel des opportunités susceptibles d’être bénéfiques aux deux pays», assure-t-il.

Instaurer un dialogue fructueux

«Avec 4 millions de Français qui possèdent un lien direct ou indirect avec l’Algérie, le débat va nous poursuivre dans toutes les campagnes électorales. La guerre d’Algérie est présente et elle sera présente. Ce sont les héritages de cette guerre de libération», ajoute Hasni Abidi. Le politologue précise que si l’on veut créer les conditions d’un climat propice aux historienspour qu’ils poursuivent leurs travaux en toute sérénité, il est plus que nécessaire de continuer à instaurer un dialogue fructueux, franc et positif.

Le directeur du Cermam rappelle que de nombreuses personnes ignorent encore que le premier des deux objectifs fixés lors de la signature des accords d’Évian il y a soixante ans consistait à mettre fin aux hostilités en organisant un référendum sur l’indépendance de l’Algérie et à travailler sur le développement des relations fructueuses entre les États français et algérien. Cela représente, selon lui, une condition nécessaire «pour jeter les bases de cette relation d’État à État». 
 

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Le directeur du Cermam rappelle que de nombreuses personnes ignorent encore que le premier des deux objectifs fixés lors de la signature des accords d’Évian consistait à mettre fin aux hostilités (Photo, fournie).

Le second objectif résidait dans le maintien de bonnes relations entre les communautés. Hasni Abidi constate malheureusement un échec sur ce plan avec le retrait des militaires français, des colons, des harkis (supplétifs de l’armée française) et des pieds-noirs d’Algérie. «Travaillons sur le premier aspect et consolidons les relations positives, la question de la mémoire suivra avec la volonté politique des autorités françaises, sans pour autant la lier à l’Algérie», explique-t-il. «La réciprocité n’est pas exigée pour travailler sur la question du passé colonial, car c’est d’abord une question française.»

La question mémorielle

Au sujet de la question mémorielle et de son impact sur l’instauration de relations diplomatiques apaisées, Hasni Abidi considère qu’elle ne représente pas un handicap. «Conditionner l’avancement des relations entre les deux pays au règlement de la question mémorielle est pour moi une illusion, car, dès le départ, on constate deux perceptions différentes. Si, du côté français, on essaie de promouvoir la question de la paix mémorielleapaisée, du côté algérien, on n’est pas dans cette configuration. Pour les Algériens, il s’agit surtout de reconnaissance des faits historiques et d’une demande de vérité; cette exigence historique est également valable pour les victimes. On ne peut pas avoir une sorte de mémoirecommune, car la mémoire du vainqueur n’est pas la mémoire du vaincu; la mémoire de celui qui a été brutalisé par la colonisation ne peut être la mémoire de celui qui l’a brutalisée», poursuit-il.

«C’est une autre violence que de vouloir pacifier ces relations par décision administrative. À ce sujet, je pense qu’il y a eu une erreur dans l’approche du président Macron. Il est allé trop loin dans les gestes officiels en faveur d’une reconnaissance des faits historiques. À mon avis, vouloir apaiser les mémoires comme une condition préalable à l’avancement des relations est une erreur, car on n’arrivera jamais à s’entendre sur la cette question. J’ajoute que rien n’empêche de vivre et de faire cohabiter les mémoires, aussi contradictoires soient-elles.»

Hasni Abidi considère qu’une progression des relations diplomatiques et économiques, l’instauration d’un dialogue politique franc entre les deux États ainsi qu’un dialogue culturel entre ces deux peuples voisins qui se connaissent très bien auraient le mérite de faciliter le regard qu’on porte de part et d’autre sur la question de la mémoire.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.


Droits de douane: la France déçue de l'accord UE-USA

Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
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  • La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir
  • Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission"

PARIS: La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir sur ses modalités d'application.

Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission".

Se projetant vers la suite, le ministre de l'Economie Eric Lombard a lui estimé lundi soir que "cet accord n'est pas complet" et que "le travail continue". Car "l'accord n'est pas finalisé et nous veillerons à ce qu'il soit amélioré", a-t-il dit dans une interview à Libération.

"Les discussions doivent se poursuivre pour les produits pharmaceutiques - on comprend que certains génériques seront exemptés -, sur l'acier, sur l'aluminium, sur les produits chimiques, sur les semi-conducteurs et sur les vins et les produits agricoles", précise-t-il.

"Il ne faudrait pas que cet accord soit la fin de l'histoire, auquel cas nous nous serions tout simplement juste affaiblis", avait estimé sur France Inter dès lundi matin le ministre français délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin.

"Maintenant, il va y avoir une négociation technique" et "nous pouvons nous saisir de cette séquence pour nous renforcer", a-t-il ajouté.

Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont annoncé dimanche en Ecosse un accord douanier prévoyant que les produits européens exportés aux Etats-Unis soient taxés à 15%.

Avec l'espoir d'éviter une escalade commerciale, l'UE s'est aussi engagée à 750 milliards de dollars d'achats d'énergie - visant notamment à remplacer le gaz russe - et à 600 milliards d'investissements supplémentaires aux Etats-Unis.

A Paris, si on concède que cet accord va apporter de la "stabilité" aux entreprises, on insiste surtout sur son caractère "déséquilibré", selon les termes utilisés par plusieurs membres du gouvernement.

"Notre responsabilité aujourd'hui, c'est de faire en sorte que cet accord, in fine, soit le moins déséquilibré possible", a déclaré sur RTL le ministre de l'Industrie et de l'Energie Marc Ferracci.

- Prochains jours déterminants -

MM. Ferracci et Saint-Martin ont plaidé pour un "rééquilibrage" portant sur les services, en particulier le numérique, en rappelant que si la balance commerciale des Etats-Unis avec l'Europe est déficitaire pour les biens, celle des services est excédentaire.

Concernant les échanges de biens, la France affichait en 2024 un excédent commercial de 16,4 milliards de dollars à l'égard des Etats-Unis selon les Américains, mais les Douanes françaises évoquent pour la même période un déficit de 4,2 milliards d'euros.

Les négociateurs européens devront utiliser "l'ensemble des outils qui sont à leur disposition" et notamment envisager "de limiter l'accès des entreprises américaines aux marchés publics européens", a insisté M. Ferracci.

Du côté des entreprises, Patrick Martin, le président du Medef, première organisation patronale française, a estimé que "si les choses sont bien ce qui nous a été annoncé, ce n'est pas admissible". "Il faut continuer à négocier", selon lui.

La CPME, deuxième organisation patronale, a dit anticiper "des répercussions désastreuses" pour les petites et moyennes entreprises. Et le mouvement des ETI (Meti) a évoqué "des conséquences particulièrement préoccupantes pour les entreprises de taille intermédiaire".

Selon les secteurs, les sentiments sont ambivalents.

"Il y a du soulagement parce que cet accord donne de la visibilité", a déclaré à l'AFP Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Mais "ce n'est pas un bon accord pour nous, tout simplement parce qu'on avait 0% de droits de douane en janvier vers les Etats-Unis et maintenant on va être à 15%."

"La catastrophe est évitée", en référence aux 30% de droits de douane évoqué par M. Trump, "mais les prochains jours seront déterminants pour le secteur français des vins et spiritueux", déclare dans un communiqué la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), à laquelle se joint l’ensemble des interprofessions françaises (CNIV) et de la filière.

Dans l'agroalimentaire, l'organisation patronale du secteur, l'Ania, a dénoncé un "accord clairement inéquitable (...) qui fragilise notre position".

Seuls les secteurs qui pourraient bénéficier d'une exemption de droits de douane, comme l'aéronautique, se sont montrés complètement soulagés.

Le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a salué dans une déclaration transmise à l'AFP une exonération "bonne pour une industrie équilibrée entre la France et les Etats-Unis" et qui permettra de "conserver des emplois qualifiés en France à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance."

Les organisations patronales et les fédérations des filières économiques affectées par cet accord seront reçues mercredi à Bercy.