Avec un Twitter à la sauce Musk, plus de liberté ou plus de messages haineux?

Twitter tente depuis des années d'établir des garde-fous pour contenir les discours de haine, en masquant des contenus ou en les modérant (Photo, AFP).
Twitter tente depuis des années d'établir des garde-fous pour contenir les discours de haine, en masquant des contenus ou en les modérant (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 27 avril 2022

Avec un Twitter à la sauce Musk, plus de liberté ou plus de messages haineux?

  • De nombreuses voix s'inquiètent d'un retour en arrière de la plateforme sur la question sensible de sa régulation
  • Reste à savoir comment l'homme le plus riche du monde va mettre les choses en place sur un réseau qui compte environ 217 millions d'utilisateurs actifs quotidiennement

NEW YORK : Le rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk fait craindre une avalanche de messages haineux et dangereux sur la plateforme, au nom de sa conception de la liberté d'expression. Mais des experts attendent de voir comment il va affronter l'équation complexe de la modération des contenus.

Attention danger? Avec la prise de contrôle par le patron de Tesla et SpaceX, qui se veut un "absolutiste de la liberté d'expression", de nombreuses voix s'inquiètent d'un retour en arrière de la plateforme sur la question sensible de sa régulation.

"M. Musk: la liberté d'expression, c'est formidable; les discours de haine sont inacceptables", a résumé le président de l'organisation américaine pour la défense des droits civiques NAACP, Derrick Johnson.

"La dernière chose dont nous avons besoin, c'est d'un Twitter qui ferme délibérément les yeux sur les discours violents à l'encontre des utilisateurs, (...) notamment les femmes, les personnes non binaires et autres", a ajouté le directeur en charge de la technologie et des droits humains à Amnesty International, Michael Kleinman.

Confrontée depuis deux ans aux fausses informations sur la Covid, l'Organisation mondiale de la santé a aussi appelé Elon Musk à assumer son "énorme responsabilité" sur le sujet, tandis que la Fédération internationale des journalistes a vu dans ce rachat une "menace (pour) le pluralisme et la liberté de la presse", ainsi qu'"un terrain favorable à la désinformation". 

«Anticorps»

"L'extrême réaction de type anticorps de ceux qui craignent la liberté d'expression en dit long", a tweeté mardi Elon Musk sur le réseau social qui sera bientôt le sien pour 44 milliards de dollars. Des conservateurs américains et les partisans du président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro ont applaudi son projet, y voyant la fin d'une forme de "censure".

Reste à savoir comment l'homme le plus riche du monde va mettre les choses en place sur un réseau qui compte environ 217 millions d'utilisateurs actifs quotidiennement, dont plus de 80% hors des Etats-Unis.

Twitter tente depuis des années d'établir des garde-fous pour contenir les discours de haine, en masquant des contenus ou en les modérant. Voire, arme suprême, en supprimant des comptes, comme il l'avait fait de manière spectaculaire pour celui de l'ancien président américain Donald Trump, en janvier 2021, après l'assaut du Capitole sur fond d'accusations infondées de fraude électorale.

"C'est beaucoup plus facile de critiquer la plateforme de l'extérieur en disant qu'elle ne soutient pas la liberté d'expression, que de la faire fonctionner et de mettre en oeuvre une politique de modération des contenus", prévient le co-directeur du Centre d'étude des réseaux sociaux et de la politique de l'université de New York, Joshua Tucker.

"Par 'liberté d'expression', j'entends simplement ce qui respecte la loi. La censure à laquelle je suis opposé est celle qui dépasse de loin (le cadre de) la loi", a ensuite clarifié Elon Musk, toujours sur Twitter.

«Annonceurs»

D'après Joshua Tucker, le fondateur de Tesla pourrait envoyer un message en rouvrant Twitter à des "responsables politiques conservateurs", au premier rang desquels Donald Trump, qui a décliné d'avance. "Mais il y a une vraie différence entre ce type de grand geste et la gestion quotidienne de la plateforme, où les mécanismes de modération sont là pour lutter contre des propos violents, ou qui menacent de violence", ajoute le chercheur à l'AFP.

"Sur quels types de contenus va-t-il faire marche arrière?", demande-t-il encore. Mardi, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a prévenu que Twitter "devra s'adapter totalement aux règles européennes", notamment le nouveau règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA), censé contraindre les grandes plateformes à mieux lutter contre les contenus illégaux.

Une plus grande ouverture séduirait sûrement ceux qui trouvent que l'oiseau bleu ressemble désormais davantage à une cage pour les discours ne se conformant pas au "politiquement correct".

Mais "si cela devient un espace de contenus haineux et chasse les journalistes, alors Twitter perd de sa valeur", estime Karen North, professeure de communication à l'école Annenberg de l'université de Caroline du Sud.

"Un bon moyen de tuer Twitter: le retirer de la Bourse et réduire de manière inconséquente la modération des contenus", ajoute même sur la plateforme Paul Barrett, directeur adjoint du centre Stern pour les affaires et les droits humains à l'université de New York.

Selon lui, le résultat "serait un tsunami de spams, (...), de discours haineux, de QAnon, de conneries sur les 'élections volées', etc. Au revoir les utilisateurs ordinaires, au revoir les annonceurs", a-t-il assuré.

Elon Musk considère au contraire que Twitter est en perte de vitesse et a besoin de renouveau.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.