Donbass: les forces ukrainiennes réduites à freiner le grignotage russe

Deux Ukrainiennes sont vues dans un bunker à Popasna, dans la région du Donbass, le 14 avril 2022, alors que la Russie envahit l'Ukraine. (AFP)
Deux Ukrainiennes sont vues dans un bunker à Popasna, dans la région du Donbass, le 14 avril 2022, alors que la Russie envahit l'Ukraine. (AFP)
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Publié le Samedi 30 avril 2022

Donbass: les forces ukrainiennes réduites à freiner le grignotage russe

  • Dans le sud de l'Ukraine, les troupes russes ont pris le port de Marioupol, leur permettant d'ouvrir un couloir terrestre jusqu'à Kherson, plus à l'ouest, seule capitale régionale conquise depuis le début de l'offensive
  • Mais le Donbass, ce bassin minier que la Russie affirme vouloir «libérer» du joug de «nazis» russophobes, au pouvoir selon elle à Kiev, est loin d'être tombé

KRAMATORSK : Dans l'est de l'Ukraine, les Russes, en supériorité numérique et mieux armés, sont passés de la stratégie du rouleau compresseur à celle d'un patient grignotage, auquel les forces de Kiev ne peuvent à ce stade que difficilement s'opposer.

"Ce n'est pas comme en 2014, il n'y a pas un front défini le long d'un axe", explique Iryna Rybakova, officier de presse de la 93e brigade des forces ukrainiennes, en référence à la guerre qui a opposé Kiev à des séparatistes prorusses dans cette région il y a huit ans et n'a jamais totalement cessé.

"C'est un village à eux, un village à nous: il faut plutôt visualiser un échiquier", reprend la militaire. Et après deux semaines d'assaut russe, "nous ne sommes pour le moment pas en capacité de faire reculer l'ennemi".

Au 66e jour de la guerre samedi, la Russie semble loin de la victoire rapide souhaitée, selon des analystes, par son président Vladimir Poutine pour le 9 mai, commémoration de la victoire sur les nazis en 1945 et date très importante en Russie.

Dans le sud de l'Ukraine, les troupes russes ont pris le port de Marioupol, leur permettant d'ouvrir un couloir terrestre jusqu'à Kherson, plus à l'ouest, seule capitale régionale conquise depuis le début de l'offensive.

Mais le Donbass, ce bassin minier englobant les régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk que la Russie affirme vouloir "libérer" du joug de "nazis" russophobes, au pouvoir selon elle à Kiev, est loin d'être tombé.

"S'il y a une certaine avancée des troupes russes sur le terrain, elle n'est pas très rapide", note l'analyste militaire russe Alexandre Khramtchikhine auprès de l'AFP.

'Avance difficile'

"Dans la région de Lougansk (nord du Donbass, ndlr), les objectifs annoncés par Moscou sont proches d'être atteints", poursuit l'analyste. "Mais dans celle de Donetsk, l'avance est plus difficile", ajoute-t-il. La ligne de front, figée depuis des accords de paix signés en 2015, n'y a pas bougé depuis deux mois.

Aux yeux de certains sur le terrain, la percée russe est toutefois irréversible. "C'est trop tard pour nous", juge un soldat ukrainien affecté à la maintenance, dans un centre de réparation de blindés où il ne peut plus rien faire pour un char en panne vieux de 40 ans.

C'est dans le nord de la région que l'offensive se concentre: Moscou y referme progressivement sa mâchoire, descendant vers Kramatorsk - "capitale" de facto du Donbass contrôlé par Kiev - depuis Izioum, ville du nord de l'Ukraine conquise début avril.

Les troupes russes ont cette fois pour elles - contrairement à l'offensive sur Kiev au début de la guerre - l'avantage d'une continuité logistique directe avec l'arrière.

En deux semaines d'assaut, elles ont pris pied dans plusieurs petites localités où des combats urbains font rage, comme à Roubijné (57 000 habitants avant la guerre), mais aucune ville d'importance n'a été prise depuis la capture de Kreminna (19 000 habitants) le 18 avril.

En "troisième ligne", dans le viseur de l'état-major russe, Kramatorsk et sa jumelle Sloviansk ont été largement évacuées par les civils et servent de centre de commandement à l'armée ukrainienne.

Signe du pessimisme ambiant, tout y est déjà en place pour freiner les troupes russes: train abandonné sur les passages à niveau, minage des infrastructures routières, obstacles antichars sur les routes. 

Disproportion

Côté armement, au milieu des grandes plaines vallonnées et des cités industrielles, le face à face se fait essentiellement à l'artillerie, "Déesse de la guerre" selon l'expression consacrée par Staline.

Mais le rapport de force reste extrêmement disproportionné, jusqu'à "cinq fois supérieur en termes d'équipement" selon Iryna Terehovytch, sergent de 40 ans de la 123e brigade ukrainienne.

"On a besoin de chars, d'artillerie, de missiles antichars", témoigne la sous-officier: "A Kreminna, on n'avait que quelques NLAW (missiles antichars) et certains ne fonctionnaient pas".

Les forces russes sont également équipées de lances-roquettes multiples qui retombent parfois en pluie mortelle sur les zones résidentielles. 

Et face aux missiles longue portée comme le fameux Tochka-U, aux carcasses disséminées dans les champs, la défense ukrainienne n'intercepte qu'une partie des projectiles.

La "fermeture" du ciel par l'Otan espérée par Kiev n'a pas eu lieu. Et il ne reste à l'Ukraine que quelques avions Su-24 et Su-25 à lancer au-dessus des positions russes.

Au sol, les soldats ukrainiens dans le Donbass seraient entre 40 000 à 50 000, selon les analystes. Moscou ne communique de son côté pas sur ses forces en présence.

'Regrouper nos forces'

S'ils tiennent le terrain, les nombreux soldats de l'infanterie ukrainienne se sentent dépassés.

"Viking", un sergent-chef de 27 ans également revenu de Kreminna, est démoralisé. Dans sa position, les hommes, épuisés, attendent l'ordre de repli. 

"Si c'était une guerre d'infanterie contre infanterie, on aurait des chances. Mais dans ce secteur, c'est d'abord une guerre d'artillerie et on n'en a pas assez", résume le soldat: "Pour 300 tirs d'obus, on en tirait trois". 

"Nous travaillons plus précisément, nous avons appris à économiser nos munitions", rétorque la porte-parole de la 93e brigade, Iryna Rybakova: "Par exemple nous tirons lorsque leurs colonnes tentent une percée".

L'armée ukrainienne s'apprête-t-elle alors à devoir abandonner cette région disputée depuis 2014? Pour Alexandre Khramtchikhine, il est "peu probable que dans ces régions, les troupes russes reculent".

Mais, selon lui, la conquête russe ne sera pas "terminée avant la fin de l'année".

Côté ukrainien, le sergent Iryna Terehovytch dit affronter un dilemme: "Soit on fait un excès d'héroïsme et on tombe tous, soit on recule, on reste en vie et on tente de regrouper nos forces".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.