Au procès du 13-Novembre, le témoignage sans détour du juge Marc Trévidic

A la barre de la cour d'assises spéciale de Paris, qui juge depuis près de huit mois les pires attentats de l'après-guerre, Marc Trévidic, cité comme témoin par une partie civile, se montre fidèle à sa réputation de magistrat au franc-parler. (AFP).
A la barre de la cour d'assises spéciale de Paris, qui juge depuis près de huit mois les pires attentats de l'après-guerre, Marc Trévidic, cité comme témoin par une partie civile, se montre fidèle à sa réputation de magistrat au franc-parler. (AFP).
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Publié le Mercredi 04 mai 2022

Au procès du 13-Novembre, le témoignage sans détour du juge Marc Trévidic

  • A l'aube du 13 novembre 2015, "on ne contrôle plus rien, on est incapable de gérer les départs (vers la Syrie et l'Irak, NDLR), les retours. On sait qu'on nous en veut, on a tous les signaux au rouge", lance le magistrat français de 56 ans
  • D'abord au parquet antiterroriste de Paris de 2000 à 2003, puis comme juge d'instruction antiterroriste de 2006 à août 2015, Marc Trévidic a "vu le système évoluer, parfois y arriver, parfois ne pas y arriver"

PARIS: De "l'âge d'or" à un "système qui ne fonctionne plus" lors de la vague d'attentats meurtrière de 2015. Au procès du 13-Novembre, le juge Marc Trévidic a déroulé mardi quinze ans de son expérience dans l'antiterrorisme, sans détour ni "langue de bois".  


A la barre de la cour d'assises spéciale de Paris, qui juge depuis près de huit mois les pires attentats de l'après-guerre, Marc Trévidic, cité comme témoin par une partie civile, se montre fidèle à sa réputation de magistrat au franc-parler. 


A l'aube du 13 novembre 2015, "on ne contrôle plus rien, on est incapable de gérer les départs (vers la Syrie et l'Irak, NDLR), les retours. On sait qu'on nous en veut, on a tous les signaux au rouge", lance le magistrat français de 56 ans, costume sombre, cravate rouge à motifs.  


"On n'a aucun moyen d'éviter ce qui est en train de se profiler", dit-il de son débit rapide, laissant échapper quelques rires nerveux. 


D'abord au parquet antiterroriste de Paris de 2000 à 2003, puis comme juge d'instruction antiterroriste de 2006 à août 2015, Marc Trévidic a "vu le système évoluer, parfois y arriver, parfois ne pas y arriver". 


Il a "connu l'âge d'or" du début des années 2000, cette époque "idyllique" où "la fluidité est totale" entre le renseignement et le judiciaire. 


C'est la période des filières afghanes et bosniaques, celle où "on avait les moyens" de suivre en filature des "revenants" de zones de conflit pendant un an, pointe Marc Trévidic.   


Quand il intègre la galerie des juges antiterroristes, quelques années plus tard, le paradigme a changé. 


Une "nouvelle génération" de jeunes se radicalise sur Internet, "on va les considérer comme terroristes pour éviter qu'ils le deviennent" en "poussant au maximum l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste".  


Du côté de la défense, des avocats qui voient dans ces propos une critique du durcissement de la réponse pénale, se délectent. 

« Pas infaillible »

Le juge, devenu président de cour d'assises à Versailles, poursuit son exposé, condamne "l'indigence" des moyens judiciaires à l'ère du "tout-renseignement", cette certitude "qu'on est invulnérable", la France n'ayant plus été frappée sur son sol depuis décembre 1996. 


Jusqu'aux crimes de Mohamed Merah en mars 2012 qui démontrent que "le système n'est pas infaillible": il "était fait pour gérer une vie judiciaire sans attentats", tance Marc Trévidic. 


Alors que "l'exode" vers la Syrie de ceux "formés à l'émotion des vidéos" de propagande de l'organisation Etat islamique se fait de plus en plus massif, "le renseignement fonctionne à plein et le judiciaire ne peut plus rien faire", souligne Marc Trévidic.  


"On entend 3.000 départs, 3.200 départs, on ne sait pas que certains sont partis et qu'ils sont revenus". La faute "au politique", "le judiciaire est excellent s'il est à niveau", tacle le magistrat. 


Avant de quitter l'antiterrorisme pour les affaires familiales à Lille, Marc Trévidic reçoit dans son bureau le 15 août 2015 Reda Hame, une recrue d'Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des attaques du 13-Novembre, qui vient d'être arrêtée à Paris.  


Egalement cité comme témoin, Reda Hame a fait savoir qu'il ne souhaitait pas comparaître. 


Au juge Trévidic, il a dit qu'Abaaoud lui a "préconisé une cible facile, un concert par exemple", rappelle une avocate de parties civiles, Me Virginie Le Roy. 


Trois mois plus tard, trois commandos de jihadistes attaquaient le Stade de France, des terrasses bondées de bars et le Bataclan pendant un concert. 


Parmi les assaillants de la salle de spectacles, Samy Amimour, un homme que Marc Trévidic a placé quelques années plus tôt sous contrôle judiciaire dans un dossier de terrorisme et qui rejoindra la Syrie en 2013. 


"Evidemment que je regrette de ne pas l'avoir mis en détention provisoire", répond Marc Trévidic aux parties civiles. 


Il s'empresse de resituer le contexte, avant l'attentat contre Charlie Hebdo, avant le 13-Novembre: les juges sont "démunis", font de l'antiterrorisme "avec des moyens de droit commun", n'ont pas perçu la menace. 


Sur les bancs de la partie civile comme de la défense, le témoin est remercié pour sa franchise et son "courage". 


Le procès reprend mercredi avec une nouvelle série d'auditions de parties civiles. 


Paris salue la conférence de New York et poursuit l’initiative avec Riyad

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
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  • Paris et Riyad poussent pour une reconnaissance collective de l’État palestinien
  • La France appelle à un cessez-le-feu, la levée du blocus et le désarmement du Hamas

PARIS: Sur fond de crise humanitaire d’une cruauté inqualifiable dans la bande de Gaza, le président Emmanuel Macron a annoncé une opération de largage de vivres conduite par la France, avec le soutien de la Jordanie, des Émirats arabes unis et de l’Allemagne.

« Face à l’urgence absolue, nous venons de conduire une opération de largage de vivres à Gaza », a déclaré le chef de l’État sur X, en remerciant les partenaires impliqués et saluant l’engagement des forces armées françaises.

Mais, de son point de vue, ces largages restent insuffisants : « Il faut qu’Israël ouvre un plein accès humanitaire », a-t-il insisté, réitérant l’exigence française d’une levée immédiate du blocus des aides.

Au-delà de la réponse d’urgence, Paris entend porter une initiative diplomatique structurante : la conférence internationale co-présidée à New York par la France et l’Arabie saoudite a marqué un tournant en posant un cadre politique ambitieux.

Cette conférence, tenue en l’absence des États-Unis et d’Israël, a réuni plus de 40 ministres et 120 participants, aboutissant à l’adoption d’un plan d’action en 42 points.

Malgré les réticences et le scepticisme ambiants, elle a permis l’émergence d’une dynamique inédite vers la reconnaissance de l’État palestinien et un processus de paix régional.

Le plan d’action validé à New York constitue désormais un socle politique partagé entre acteurs européens, puissances arabes, Union européenne et Ligue arabe.

Ce texte appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la libération de tous les otages, à l’acheminement massif de l’aide humanitaire, mais surtout à la mise en œuvre concrète de la solution à deux États.

Il prévoit notamment un processus progressif de désarmement du Hamas, condition indispensable à la stabilisation durable de la région.

Pour la France, ce texte marque une rupture avec l’impasse diplomatique des dernières décennies et propose pour la première fois un mécanisme concerté de démilitarisation et de réintégration de Gaza dans le giron de l’Autorité palestinienne.

Le document évoque même la possibilité de confier les armes du Hamas à une tierce partie sous supervision internationale, afin de garantir qu’elles ne soient plus utilisées.

Ce volet, essentiel pour Israël, est aussi le fruit d’un consensus entre les États arabes partenaires, y compris ceux perçus comme proches du Hamas.

Sur le front politique, Paris se réjouit de l’effet de levier de la conférence : peu après, plusieurs pays — Portugal, Royaume‑Uni, Canada — ont annoncé leur volonté de reconnaître l’État palestinien, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.

Une coalition de volontaires est en train de se constituer : quinze États, aux côtés de la Ligue arabe et de l’Union européenne, ont d’ores et déjà signé une déclaration commune en ce sens.

La France espère ensuite entraîner d’autres partenaires européens, notamment l’Allemagne. « Nous continuons à travailler en E3 avec nos partenaires allemands et britanniques », indique une source haut placée.

Si Berlin reste prudent, des signes d’évolution apparaissent dans les récentes déclarations de sa ministre des Affaires étrangères. Paris entend maintenir ces échanges diplomatiques jusqu’à septembre.

Contrairement aux critiques israéliennes et américaines, la France affirme que cette dynamique de reconnaissance ne constitue pas un obstacle à la paix, mais un levier pour la relancer.

Le président Macron estime que cette reconnaissance, inscrite dans un cadre politique exigeant — avec une gouvernance palestinienne réformée et un désarmement du Hamas — peut rebâtir les conditions d’une solution durable.

Les ruptures des négociations avec le Hamas sont antérieures aux annonces de Paris, souligne-t-on à l’Élysée, et ne peuvent donc pas lui être imputées.

La reconnaissance collective envisagée en septembre serait également un signal fort en direction des modérés palestiniens, en particulier l’Autorité palestinienne, qui s’est engagée début juin à respecter une série d’exigences posées par la communauté internationale en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.

Un des apports majeurs de la conférence de New York est l’introduction formelle de la question du désarmement du Hamas dans un cadre diplomatique multilatéral.

Jusqu’ici marginalisée ou qualifiée d’irréaliste, cette exigence est clairement codifiée dans le plan d’action. Des discussions sont en cours, y compris sur l’exil éventuel de certains cadres du mouvement auprès d’États tiers.

Le Hamas n’a pas accepté ces conditions, mais le message politique est clair : son isolement au sein du monde arabe s’accentue et sa marge de manœuvre se rétrécit.

Face à cette dynamique, Israël et l’administration américaine ont haussé le ton, estimant qu’une reconnaissance unilatérale de la Palestine constituerait une « insulte » aux victimes israéliennes du 7 octobre.

Le président américain Donald Trump a même imposé des sanctions ciblées contre certains membres de l’Autorité palestinienne et de l’OLP, en contradiction avec les efforts en cours pour renforcer cette autorité.

La position américaine révèle un décalage croissant avec une partie de la communauté internationale, y compris des alliés traditionnels, en raison de son soutien inconditionnel à Israël, malgré l’ampleur des pertes civiles à Gaza et la persistance de la colonisation en Cisjordanie.

Cet état de fait suscite déjà des interrogations en Europe, où des pays comme la Suède exigent, par exemple, le gel de la partie commerciale de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

La France, de son côté, entend poursuivre cette dynamique au-delà de la conférence de New York. Un sommet est prévu les 21 et 22 septembre, juste avant l’Assemblée générale de l’ONU, pour réunir les États prêts à reconnaître collectivement la Palestine et à faire vivre ce nouveau cadre politique.

« Il s’agit d’une coalition inédite, qui repose sur un équilibre entre exigences sécuritaires et reconnaissance des droits politiques du peuple palestinien », souligne-t-on à Paris.

En réaffirmant l’exigence d’un cessez-le-feu immédiat, la levée du blocus humanitaire, la libération des otages, mais aussi le désarmement du Hamas et la mise en place d’un État palestinien souverain, la France, de concert avec l’Arabie saoudite, tente de reconstruire une architecture de paix.


La défiance à l'égard de Macron et de Bayrou au plus haut, selon un sondage Paris, France

Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
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  • La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat
  • Le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi

PARIS: La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat, tandis que le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi.

Près des trois quarts des Français interrogés (73%) affirment ne pas faire confiance au chef de l'Etat et la moitié (49%) va jusqu'à "ne pas lui faire du tout confiance", le niveau le plus élevé atteint de son second mandat, qu'il n'a dépassé qu'une seule fois depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au plus fort de la crise des gilets jaunes en décembre 2018.

Selon le sondage, seuls 21% des Français font confiance à Emmanuel Macron, soit un point de moins qu'en juin et 6 de perdus par rapport à mars.

Pour François Bayrou, qui a présenté à la mi-juillet les mesures d'économie prévues par le gouvernement dans son projet de budget pour l'année prochaine, la chute se poursuit avec seulement 12% des Français qui disent lui faire confiance, soit un nouveau record d'impopularité (-2 points).

La défiance à l'égard du chef du gouvernement a progressé, avec 80% des Français (+5 points en un mois) qui disent ne pas lui faire confiance et 56% qui affirment ne pas lui faire "du tout" confiance, soit un bond de 9 points depuis juin.

Au classement des personnalités, le RN Jordan Bardella conserve la première place avec 39% des Français (+3 points) qui ont une image positive de lui, devant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe (37%) et Marine Le Pen (35%).

A gauche, le mieux classé est l'ancien président François Hollande qui s'installe en huitième position grâce à un bond de 6 points en un mois.

Sondage réalisé par internet les 29 et 30 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur entre 1,4 et 3,1 points.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.