Malgré la crise, le gouvernement marocain augmente les salaires

Des employés travaillent à l'usine marocaine de chaussures de luxe Benson Shoes le 24 avril 2017 à Casablanca. FADEL SENNA / AFP
Des employés travaillent à l'usine marocaine de chaussures de luxe Benson Shoes le 24 avril 2017 à Casablanca. FADEL SENNA / AFP
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Publié le Lundi 16 mai 2022

Malgré la crise, le gouvernement marocain augmente les salaires

  • Cette décision permettra d’augmenter le pouvoir d’achat, de booster la consommation intérieure et d’accélérer la reprise économique
  • L’accord social contribuera à une réduction des inégalités sociales et à la création d’un climat social et politique positif

CASABLANCA: Crise économique, inflation importée, déficits jumeaux et croissance molle: le Maroc traverse une période particulièrement difficile à cause des effets de la crise liée à la Covid-19. Pour faire face à son impact, qui se fait sentir au niveau de plusieurs secteurs économiques, le gouvernement a lancé une série de mesures de soutien. Toutefois, à la surprise générale, le gouvernement du pays, dirigé par Aziz Akhannouch, secrétaire général du Rassemblement national des indépendants (RNI), a décidé d’augmenter les salaires. Cette décision courageuse survient dans un contexte qui, selon plusieurs observateurs, ne le permettait pas, mais ses résultats devraient permettre une accélération de la reprise tant attendue au Maroc.

Contacté par Arab News en français, l’économiste Driss Effina témoigne de sa satisfaction au sujet d’une décision qui aura des conséquences très positives sur les volets économique et social au Maroc. «L’accord social signé au début du mois de mai entre le gouvernement, le patronat et les centrales syndicales les plus représentatives a créé un climat social positif. Il s’agit d’un accord qui a été établi dans un contexte économique très difficile. Le gouvernement a osé répondre à certaines revendications syndicales, notamment celles qui sont liées à l’augmentation du salaire minimum légal (smig). C’est une décision courageuse qui va augmenter le pouvoir d’achat de ces salariés, booster la consommation intérieure et, in fine, relancer l’économie», nous déclare-t-il.

«Il n’y aura pas d’inflation»
Concernant le risque d’inflation que ces augmentations de salaire pourraient engendrer ainsi que l’éventuelle baisse de la compétitivité des entreprises, notre interlocuteur n’est pas du même avis: «Ceux qui, au lendemain de cet accord social, ont avancé un risque d’inflation et un impact sur la compétitivité ainsi que sur le climat des affaires ne connaissent rien à l’économie. L’inflation n’aura pas lieu, car les montants d’augmentation ne sont pas importants et visent les bas salaires. Au contraire, il y aura une amélioration de la répartition des richesses, une réduction des inégalités sociales et la création d’un climat social et politique positif, stable, qui permettra au gouvernement de mener à bien ses chantiers majeurs, notamment l’opérationnalisation du nouveau modèle de développement», nous confie Driss Effina.

Le smig dépassera 3 000 DH nets dans le privé
Rappelons que l’accord social prévoit un relèvement du salaire minimum dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services de 10% sur deux ans ainsi que l’unification progressive du salaire minimum légal entre les secteurs de l’industrie, du commerce, des professions libérales et du secteur agricole. Actuellement, le smig est au Maroc de 2 828,71 dirhams marocains (DH) nets (1 DH = 0,095 euro). L’accord stipule également de relever le salaire minimum dans le secteur public à 3 500 DH et de supprimer l’échelle 7 pour les adjoints administratifs et les assistants techniques, de porter le quota de promotion dans le grade de 33 à 36% et d’augmenter la valeur de l’indemnisation familiale pour les quatrième, cinquième et sixième enfants dans les secteurs public et privé.


Mesures bénéfiques pour les retraités
Il a également été décidé de réduire la condition pour bénéficier de la pension de vieillesse de 3 240 jours d’affiliation à 1 320, de permettre aux assurés qui ont atteint l’âge légal de la retraite et qui disposent de moins de 1 320 jours d’affiliation de récupérer leurs cotisations salariales ainsi que celles de l’employeur et de permettre aux assurés de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui sont à la retraite et sont touchés par la pandémie de bénéficier de la pension de vieillesse sans tenir compte des cas où ils n’auraient pas perçu de salaire ou auraient touché un salaire incomplet.

Pour une institutionnalisation du dialogue social
On procédera également, et pour la première fois, à la mise en place des mécanismes d’accompagnement de l’institutionnalisation du dialogue social. Il s’agit de l’Observatoire national du dialogue social, qui se veut un espace de consolidation du tripartisme et d’élargissement du cercle du pouvoir propositionnel. Il aura pour mission d’assurer la veille sociale, la production d’indicateurs, le suivi et l’actualisation des données ainsi que la coordination lors de l’élaboration du rapport annuel sur le climat social, annonce un communiqué du chef du gouvernement parvenu à Arab News en français. Une académie de formation dans le domaine de l’emploi et du climat des affaires sera également créée. Son but est de renforcer les capacités des acteurs dans les domaines du dialogue social, de la négociation collective, des mécanismes alternatifs de résolution et de gestion des conflits et de la médiation sociale, rapporte le communiqué.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".