Génocide au Rwanda: aux assises de Paris, les pouvoirs du préfet en débat

Ce croquis d'audience réalisé le 9 mai 2022 montre l'ancien haut responsable rwandais Laurent Bucyibaruta lors de son procès pour génocide (Photo, AFP).
Ce croquis d'audience réalisé le 9 mai 2022 montre l'ancien haut responsable rwandais Laurent Bucyibaruta lors de son procès pour génocide (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 17 mai 2022

Génocide au Rwanda: aux assises de Paris, les pouvoirs du préfet en débat

  • L'accusé a-t-il encouragé ou ordonné les massacres de Tutsi dans sa préfecture de Gikongoro (sud), comme l'affirme l'accusation?
  • Ou a-t-il essayé de les empêcher avec les moyens limités qui étaient les siens, comme le soutiennent ses avocats?

PARIS: "Enormes" ou quasi nuls ? Au procès d'un ancien préfet rwandais jugé pour génocide, la cour d'assises de Paris a tenté lundi de mesurer l'étendue des pouvoirs de ce fonctionnaire lors de l'extermination des Tutsi en 1994.

Vingt-huit ans après le génocide qui a fait au moins 800 000 morts entre avril et juillet 1994 au Rwanda, la question est centrale au procès de Laurent Bucyibaruta, qui comparaît à 78 ans pour génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité. 

L'accusé a-t-il encouragé ou ordonné les massacres de Tutsi dans sa préfecture de Gikongoro (sud), comme l'affirme l'accusation ? Ou a-t-il essayé de les empêcher avec les moyens limités qui étaient les siens, comme le soutiennent ses avocats ? 

Pour tenter d'y voir clair, la cour a entendu lundi deux témoins aux avis opposés; l'un cité par le ministère public; l'autre par la défense. 

François-Xavier Nsanzuwera était procureur à Kigali au déclenchement du génocide le 7 avril 1994 et a travaillé pendant douze ans pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). 

Pour lui, le préfet est "après le président de la République l'homme le plus puissant". "C'est un personnage très important", insiste M. Nsanzuwera à la barre, costume beige et baskets, cité par l'accusation. 

L'ancien magistrat de 66 ans, qui réside en Belgique, avait dû se réfugier dans un hôtel à Kigali après le massacre de ses proches, et n'a retrouvé son poste qu'en juillet 1994.  

Avant lui, la cour a auditionné un autre "observateur" de cette période, qui a également vécu caché pendant les massacres de Tutsi et de Hutu modérés. 

Premier ministre du Rwanda d'avril 1992 à juillet 1993, issu d'un parti de l'opposition, Dismas Nsengiyaremye juge au contraire les pouvoirs d'un préfet très restreints. S'il pouvait réquisitionner les forces de gendarmerie et de l'armée en cas de "troubles", il n'avait "pas le pouvoir" de leur donner des instructions précises, assure-t-il. 

«Toujours un choix»

Pour l'ancien Premier ministre, qui a rechigné pendant les trois heures de son audition à employer le terme de "génocide", Laurent Bucyibaruta ne pouvait s'opposer au gouvernement intérimaire mis en place après l'assassinat du président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. 

Cet homme qu'il a connu dans les années 1960 sur les bancs du collège, était "un homme de coeur" et "un bon fonctionnaire", et devait donc "respecter les autorités en place".

Démissionner aurait pu "l'exposer au danger d'être tué" et aurait pu "priver les victimes d'une autorité plus compréhensive qui pouvait les aider à s'en sortir", avance Dismas Nsengiyaremye. 

Deux préfets qui avaient marqué leur opposition aux massacres ont été démis de leurs fonctions, puis assassinés, est-il rappelé à l'audience.

Dans le compte-rendu du conseil des ministres annonçant leur limogeage le 17 avril 1994, des "félicitations" sont adressées aux préfets restés en place, dont Laurent Bucyibaruta.

Soit "deux jours après l'un des plus gros massacres de Gikongoro", souligne l'une des avocates générales. 

Le 29 avril, Laurent Bucyibaruta reçoit d'autres "félicitations" du Premier ministre pour avoir su "rétablir la sécurité" dans sa préfecture. Huit jours plus tôt, trois grands massacres ont décimé "l'immense majorité des Tutsi" de la région, pointe encore la représentante de l'accusation. 

"Je n'ai pas à interpréter (ces messages). Tous ces événements, je ne les ai pas suivis", botte en touche l'ex-Premier ministre rwandais de 77 ans, en complet noir. 

Cette assertion selon laquelle "les autorités administratives ne pouvaient rien faire pendant le génocide car sinon ils exposaient leur vie", l'ex-magistrat François-Xavier Nsanzuwera la récuse. 

Il cite le cas d'un préfet qui a fini par s'enfuir, ou de celui d'un "ministre qui a demandé un stage en Suisse en plein génocide".

"Il y a toujours un choix à faire", lance-t-il. Mais Laurent Bucyibaruta est "maintenu" à son poste jusqu'à la fin du génocide. 

"Ceux qui sont restés en fonction étaient d'accord avec la politique du gouvernement, qui était l'extermination des Tutsi", martèle M. Nsanzuwera. 

Tout près de lui, l'accusé, arrivé en France en 1997, noircit un cahier de notes. 

La cour doit entendre à partir de mardi des rescapés des différents massacres pour lesquels sa responsabilité est questionnée.


L'Elysée a proposé un hommage pour Bardot, la famille n'a pas donné suite

 L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron. (AFP)
L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron. (AFP)
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  • Eric Ciotti, président de l'UDR, allié au Rassemblement national dont était proche Brigitte Bardot, a demandé lundi à Emmanuel Macron d'organiser un hommage national, à l'image de celui rendu en 2017 au chanteur Johnny Hallyday
  • Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, tout en saluant "une actrice iconique", a en revanche estimé que les hommages nationaux étaient rendus pour "services exceptionnels à la Nation" et que l'artiste avait "tourné le dos aux valeurs républicaines"

PARIS: L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron à l'AFP.

"Il y a eu un échange avec la famille avec proposition qu’un hommage ait lieu sans que la famille ne donne suite", a déclaré ce proche, en rappelant qu'une telle démarche correspond à un "usage républicain" et que les hommages sont "systématiquement décidés d'un commun accord avec les proches du défunt".

Eric Ciotti, président de l'UDR, allié au Rassemblement national dont était proche Brigitte Bardot, a demandé lundi à Emmanuel Macron d'organiser un hommage national, à l'image de celui rendu en 2017 au chanteur Johnny Hallyday.

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, tout en saluant "une actrice iconique", a en revanche estimé que les hommages nationaux étaient rendus pour "services exceptionnels à la Nation" et que l'artiste avait "tourné le dos aux valeurs républicaines".

Emmanuel Macron ne se rendra pas aux obsèques, qui se tiendront dans l’intimité le 7 janvier à Saint-Tropez, a également indiqué le proche du président.

En 2023, l'actrice avait adressé une lettre incendiaire au chef de l'Etat, lui reprochant son manque d'action contre la souffrance animale. "Je suis en colère face à votre inaction, votre lâcheté, votre mépris des Français, qui vous le rendent bien il est vrai", avait-elle notamment écrit.

Après une cérémonie à l'église retransmise sur grands écrans, l'inhumation privée de l'actrice et chanteuse au cimetière marin sera suivie d'"un hommage ouvert à tous les Tropéziens et à ses admirateurs", a précisé la Fondation de Brigitte Bardot, dédiée à la protection des animaux.

"À ce moment-là, tout le monde l'évoquera et partagera ses plus beaux souvenirs avec elle. Ce sera un grand moment de communion, simple, à son image", a précisé mardi la maire de Saint-Tropez, Sylvie Siri, dans une inteview au quotidien local Var-Matin.

"Mon rôle, c'est de lui organiser des obsèques dignes. Il faut tout mettre en œuvre pour que les Tropéziens et les admirateurs puissent se recueillir", a ajouté l'édile.

Interrogée sur le souhait exprimé il y a quelques années par Brigitte Bardot d’être enterrée à la Madrague, sa propriété en bord de mer, Sylvie Siri a affirmé avoir "respecté ses dernières volontés". "Seule la défunte avait décidé de son lieu d’enterrement", a souligné l'élue.

 


Agriculteurs: nouveaux rassemblements, bénédiction de tracteurs dans le Nord

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). (AFP)
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). (AFP)
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  • Les tracteurs ont ensuite quitté Cambrai à la nuit tombante, pour se rendre sur deux ronds points et les bloquer
  • Dans le Pas-de-Calais, quelques dizaines d'agriculteurs prévoient de bloquer à partir de lundi soir une base logistique de Leclerc près d'Arras, en réaction aux propos de Michel-Édouard Leclerc appelant à "promulguer le Mercosur

CAMBRAI: Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Mgr Vincent Dollmann et plusieurs prêtres ont célébré une messe sur un autel de paille en périphérie de Cambrai, en soutien aux agriculteurs "qui font face à des épreuves".

Il a salué la "dignité" des agriculteurs qui manifestent depuis plusieurs semaines contre l'accord de libre échange du Mercosur ou contre l'abattage systématique de troupeaux de bovins touchés par la DNC.

Une petite centaine de tracteurs ont été mobilisés, arborant des panneaux comme "Mercosur = mort de l'agriculture".

Jean Camier, 24 ans, jeune agriculteur d'Hermies qui doit reprendre l'exploitation familiale d'engraissement de bovins d'ici deux ans, se réjouit d'avoir fait bénir son tracteur et participé à la célébration qui selon lui "montre que tout le monde est avec [eux]".

Si les Hauts-de-France ne sont pas touchés par la DNC, il se dit "de tout cœur" avec les agriculteurs des régions concernées, soulignant avoir "un peu peur que la maladie remonte" vers le nord.

Les tracteurs ont ensuite quitté Cambrai à la nuit tombante, pour se rendre sur deux ronds points et les bloquer.

Dans le Pas-de-Calais, quelques dizaines d'agriculteurs prévoient de bloquer à partir de lundi soir une base logistique de Leclerc près d'Arras, en réaction aux propos de Michel-Édouard Leclerc appelant à "promulguer le Mercosur", a expliqué à l'AFP Louis Lacheré, des Jeunes Agriculteurs.

En Occitanie, plusieurs barrages emblématiques, à Carbonne Haute-Garonne) sur l'A64, Sévérac (Aveyron) ou Le Buisson (Lozère) sur l'A75, tiennent toujours, tandis que d'autres agriculteurs se remobilisent.

Ainsi, à Foix, une douzaine de tracteurs bloquaient depuis lundi midi l'entrée sud du tunnel de contournement de la ville et commençaient à installer un campement, a constaté un correspondant de l'AFP.

"On veut montrer à l’État qu'on est toujours autant mobilisés", a déclaré sur place Sébastien Durand, président de la Coordination rurale (CR) en Ariège. "Il n'y a pas de Noël, il n'y a pas de Premier de l'An; on sera là".

Depuis le début de l'épidémie de DNC en Savoie cet été, l'État tente de contenir la propagation par un abattage systématique des troupeaux touchés, la vaccination et les restrictions de mouvements.

Cette gestion fortement contestée par certains agriculteurs, notamment de la CR (deuxième syndicat agricole, classé à droite, voire à l’extrême droite) et de la Confédération paysanne (troisième, classé à gauche).

 


Colère agricole en France: Macron reçoit les syndicats, des blocages persistent

Des tracteurs lors d'une manifestation organisée par le syndicat agricole Coordination Rurale près du Mont-Saint-Michel, dans le nord-ouest de la France, le 18 décembre 2025. (AFP)
Des tracteurs lors d'une manifestation organisée par le syndicat agricole Coordination Rurale près du Mont-Saint-Michel, dans le nord-ouest de la France, le 18 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron a reçu les syndicats agricoles, opposés à l’accord UE-Mercosur, dans un contexte de forte colère liée aux crises sanitaires, notamment la dermatose bovine
  • Les blocages routiers se poursuivent dans le Sud-Ouest, alors que de nouveaux cas de la maladie sont confirmés et que la mobilisation agricole se prolonge

PARIS: Le président français Emmanuel Macron a reçu mardi les syndicats agricoles pour parler de l'accord UE-Mercosur, auquel ils sont opposés, tandis que des axes routiers sont toujours bloqués pour protester contre le traitement par les autorités de l'épizootie de dermatose bovine.

"L'objet du rendez-vous, c'était d'essayer d'éteindre un peu le feu qui est partout dans les campagnes", a souligné Stéphane Galais, porte-parole national de la Confédération paysanne - un syndicat classé à gauche -, à la sortie de la rencontre, ajoutant qu'il fallait pour cela "des mesures structurelles fortes".

Les syndicats disent avoir par ailleurs rappelé au chef de l'Etat "l'extrême tension" et la "colère" du monde agricole et que des réponses étaient attendues "dès les premiers jours de janvier" sur le Mercosur mais aussi sur les crises sanitaires, au premier rang desquelles la dermatose bovine et la grippe aviaire.

C'était la première rencontre entre le chef de l'Etat et les syndicats agricoles depuis début décembre et l'amorce de la crise qui secoue l'élevage français, face à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

C'était aussi la première depuis l'annonce, jeudi dernier, du report a priori au 12 janvier de la signature du traité décrié entre l'UE et des pays du Mercosur.

Cet accord faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel et soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées, lesquelles affirment que ces produits ne respectent pas les mêmes normes que les produits européens.

L'accord permettrait en revanche aux Européens d'exporter davantage de véhicules, machines, vins et spiritueux en Amérique du Sud.

Sur le terrain, la mobilisation a connu un léger regain mardi (53 actions mobilisant 1.600 personnes, selon le ministère de l'Intérieur) par rapport à lundi (35 actions mobilisant 1.200 personnes), mais elle reste nettement inférieure à celle de la semaine dernière (110 actions jeudi).

Certains agriculteurs sont mobilisés depuis plus de 10 jours, notamment contre l'abattage total des troupeaux dans lesquels des cas de DNC sont détectés dans le Sud-Ouest.

Mardi, le ministère de l'Agriculture a confirmé un nouveau cas de la maladie en Haute-Garonne, portant le bilan total à 115 foyers enregistrés depuis juin en France. Ce dernier troupeau concerné a été abattu.

Dans le Sud-Ouest, des blocages d'autoroute étaient notamment maintenus sur l'A63 près de Bordeaux ou sur l'A64 au sud de Toulouse ou près de Bayonne.

Au sud de Bordeaux, les manifestants de la branche locale du syndicat Coordination rurale - classé à droite - ont dit vouloir organiser un réveillon et une messe de Noël mercredi soir sur leur barrage, à l'instar des agriculteurs mobilisés près de Toulouse.