PARIS: Ghaleb Bencheikh, islamologue, président de la Fondation de l’Islam de France (FIF) et membre du Conseil des Sages de la laïcité au sein du ministère de l’Éducation nationale, répond aux questions d’Arab News en français sur l’islam en France. Le président de la FIF, qui été reçu par le président Emmanuel Macron dans le cadre de la future loi sur la laïcité, nous explique le rôle essentiel de la Fondation de l’Islam de France dans le domaine de l’éducation des jeunes sur la question islamique, du droit et de la laïcité, de la formation supérieure en théologie et en islamologie. Il plaide pour la mise en œuvre, urgente, de pistes de réflexion autour de la refonte de la pensée, la situation de l’islam de France et de l’islam radical qu’il détaille dans cet entretien.
Pouvez-vous nous présenter les principaux objectifs de la Fondation de l’islam de France?
La vocation de la Fondation de l’islam de France est avant tout éducative, culturelle et sociale. D’un point de vue juridique, la Fondation est reconnue d’utilité publique. Elle œuvre pour le bien commun et l’intérêt général. Son cœur de cible est la jeunesse et notre cœur de métier concerne le domaine éducatif. À ce titre, nous attribuons des bourses d’études à des étudiants, notamment en thèse de doctorat, parce qu’il est temps que, dans notre pays, on y enseigne l’islamologie savante.
Il n’est pas normal d’accepter que la civilisation islamique, une civilisation impériale, avec son art de vivre, sa vision du monde et le raffinement qui fut le sien, soit confrontée à des débats de plus en plus crétinisants. Il faudra que nous abordions ces aspects avec intelligence. Étymologiquement, l’islamologie consiste à tenir un discours rationnel sur le fait religieux. Il faut que l’islamologie retrouve ses lettres de noblesse et qu’elle devienne une discipline de prestige à l’université.
Dans ce contexte, il est crucial et fondamental que nous aidions les cadres religieux musulmans – les imams, les prédicateurs et les aumôniers – pour qu’ils aient une formation complémentaire aux formations initiales, notamment sur les questions cultuelles.
Cette formation laïque, républicaine est importante parce qu’il faut qu’ils maîtrisent le droit des cultes, le fonctionnement des institutions, qu’ils aient une connaissance complète de l’anthroposociologie et de l’histoire de France, et qu’ils assument l’héritage culturel français sédimenté à travers les siècles.
Quelles sont vos principales actions dans ce sens?
Nous avons une université digitale, un campus numérique intitulé «Lumières d’islam» qui a pour vocation d’être le portail de sites de référence, le premier dans l’espace francophone. Quiconque a envie d’avoir une connaissance sur l’islam peut visiter ce campus numérique, et pourra, et c’est notre ambition, trouver des réponses à ses questions.
Ce site contiendra une large gamme d’islamologie savante, des aspects artistiques, littéraires, musicaux, architecturaux, de la poésie; des belles lettres et des beaux-arts, des humanités. Il y a un humanisme d’expression arabe totalement oblitéré, effacé des mémoires, occulté et même insoupçonné. Alors, il est temps, et il est bon, de le redécouvrir, de le réactualiser et de le conjuguer avec l’héritage des Lumières.
Nous essayons de rattraper toute la période entre Descartes et Freud, qui est une période totalement ratée qu’il faut rattraper, étudier, ingérer, assimiler, critiquer et dépasser. Je parle davantage des contextes islamiques francophones.
Nous sommes aussi dans une logique d’éducation populaire avec notre université populaire itinérante. Nous allons de ville en ville, de quartier à quartier, de cité en cité, pour ramener le débat, la connaissance, la confrontation des idées. Notre logique est presque de renouer avec la controverse de la maison de la sagesse de Bagdad, qui, elle-même, se trouve le centre de la disputatio des auteurs latins et l’ancêtre de la soutenance de thèses. Notre satisfaction est grande, car nous constatons que le débat s’instaure. Je crois à la circulation de la parole et à la thérapie de celle-ci comme moyen d’apprivoiser les peurs.
En partenariat avec l’Éducation nationale, nous tenons à ce que le patrimoine civilisationnel et culturel de l’islam soit transmis, dans le cadre des lois de la République, aux écoliers, aux collégiens et aux lycéens, qu’il les rende fiers et leur permette de colmater les failles intérieures, les brèches identitaires qui sont les leurs.
Dans le cadre du projet de loi sur les séparatismes, vous avez été reçu par le président Emmanuel Macron…
L’entretien était républicain, de mon point de vue, chaleureux, constructif, fructueux et j’en suis fort satisfait. Il a été assez long dans un agenda présidentiel contraint, et j’ai la faiblesse de croire que j’ai été entendu sur certains points et j’en sais gré au président de la République. Cela s’est traduit par une dotation pour la Fondation de 10 millions d’euros, ce qui nous permettra de sortir de l’asphyxie.
Nous sommes délégataires d’une mission régalienne de l’État, au moins dans un premier temps, pour vaincre l’inertie de départ. Nous avions besoin de cette impulsion, et cette donation nous aidera, notamment dans le cadre du lancement de l’Institut académique de l’islamologie savante. C’est une initiative présidentielle engageante. L’Institut sera adossé à une université, sous l’égide de la Fondation de l’islam de France, la formation y sera diplômante sous format licence-master-doctorat (LMD).
Cette formation en sciences islamiques n’existe-t-elle pas déjà en France?
Elle est proposée, mais, à mon avis, elle n’est pas à la hauteur des exigences de notre époque parce que le traitement du fait religieux et islamique au mieux, notamment sur les plateaux de télévision, est fait par des politistes. C’est peut-être un aspect, mais il est loin d’épuiser toute la complexité du fait islamique.
Les grands islamologues, et certains avec une grande érudition, ne sont donc pas écoutés. Nous avons besoin d’avoir les héritiers de Jacques Berque, Henry Corbin, Louis Massignon, de Mohammed Arkoun et d’Ali Mérad. Notre ambition, c’est d’aider à ce qu’il y ait davantage d’islamologues pour entreprendre tout un travail de réforme et de refondation de la pensée théologique islamique.
La plupart sont dans une logique de confession et de religiosité aliénantes et crétinisantes avec l’obsession de la norme religieuse: “Est-ce licite ou illicite?”, il n’y a pas plus abêtissant que de continuer à raisonner ainsi. Ce travail d’étude de l’islamologie, que je qualifie de fondamental, c’est de donner les clés de compréhension pour sortir des cultures dogmatiques, pour dégeler les glaciations idéologiques, en finir avec les enfermements doctrinaux et pour libérer l’esprit de sa prison.
Vous savez, nous avons des chantiers titanesques dans ce domaine, comme celui de la liberté – de conscience, d’expression, d’opinion –, celui de l’égalité de tous les êtres humains par-delà le genre et l’orientation spirituelle, celui de la désacralisation de la violence, celui de l’autonomisation du champ du savoir et de la connaissance par rapport à celui de la révélation et de la croyance. On ne peut pas toujours raisonner par le fait que cela soit inscrit ou pas dans le Coran. Malheureusement, on ne peut pas les mener dans des métropoles musulmanes, mais nous pouvons le faire en France, car le ciel est un peu plus clément au-dessus de nos têtes.
«Notre ambition, c’est d’aider à ce qu’il y ait davantage d’islamologues pour entreprendre tout un travail de réforme et de refondation de la pensée théologique islamique. »
La radicalisation dans certains quartiers est un fait avéré, et des attentats, comme celui de ce vendredi, sont commis par des terroristes islamistes. Comment aborder l’islam radical, le salafisme, le non-respect des lois de la République sans heurter les français de confession ou de culture musulmane?
Oui c’est délicat. Il faut, me semble-t-il, sortir de la fragilité psychologique, car malheureusement, il y a un drame: toute une tradition a été prise en otage par des islamistes, surtout par l’islamisme politique et par l’islamisme radical. Il est vrai que, nous dit-on, c’est une minorité, mais, malheureusement, les minorités agissantes font l’histoire, il faut donc savoir les endiguer, et on ne peut pas avoir un traitement approprié si l’on ne fait pas le bon diagnostic.
Et le bon diagnostic, c’est de constater qu’il y a des individus qui, non seulement par leurs accoutrements improbables, leurs discours intolérables et leurs comportements inadmissibles, se mettent eux-mêmes en marge de la société, mais surtout qui ont la volonté de dire qu’ils se réfèrent à des lois, selon eux bien sûr, émanant de la loi de Dieu dont ils sont les seuls à avoir scruté la volonté, qui est au-dessus de celle de la République. C’est inacceptable.
Quiconque, citoyen de France ou résident, doit accepter et respecter la loi fondamentale qu’est la Constitution et les lois de la République comme une émanation rationnelle des êtres humains. C’est la loi commune qu’il faudra accepter, et, dans ce cadre, la force est dans la loi.
Ce phénomène existe, et il est temps qu’il soit endigué. La réponse sécuritaire est urgente, cruciale, névralgique et nécessaire, mais il faut aussi, à moyen et à long termes, y associer les volets éducatif, social et culturel.»
La deuxième religion de France suscite des débats sur les questions aussi complexes que la pratique de la religion, le port du voile, et les amalgames…
Il y a une bonne composante de la société française de confession musulmane qui se trouve prise en étau entre, d’un côté, l’extrémisme, la déferlante de l’islamisme radical – c’est un fléau, les musulmans de France doivent être les premiers à vouloir s’en affranchir, et l’endiguer, le dirimer – et d’un autre côté, les identitaires suprématistes avec notamment la «zemmourisation» des esprits et le triomphe d’une idéologie raciste qui continue à sévir sur les plateaux de télévision avec des considérations d’audimat mercantiles, mais aussi d’idéologie.
C’est ce triomphe idéologique qui est terrible pour la société française. Cette frange de la société se trouve donc prise entre le marteau et l’enclume, le marteau de l’extrémisme religieux, et l’enclume des identitaires. Je n’ai pas de conseils précis, excepté celui de ne pas tomber dans la fragilité psychologique. Quoi qu’il en coûte, il faudra s’investir dans tous les domaines de la vie socioéconomique, dans la formation et dans l’acquisition du savoir et des connaissances. Prendre son destin en mains est, à mon sens, la meilleure réponse à cela, être citoyens en droits et en devoirs.
La loi sur les séparatismes, en cours d’élaboration, permettra-t-elle, selon vous, d’apaiser les tensions en donnant un cadre organisationnel et structurel à l’islam de France ou, au contraire, confirmera-t-elle l’existence d’une crise de l’islam en France?
Hélas, la crise existe, mais pas seulement en France, dans le monde entier. Assurément oui, je vois qu’il y a un arc de cercle qui va du nord du Nigeria jusqu’à l’Île de Jolo, en passant par la corne africaine, sans m’appesantir sur cette monstruosité idéologique qui a fait naître Daech. Que le contexte islamique soit en crise, c’est une réalité. Que l’islam en France soit en crise, c’est aussi une réalité, il faut le reconnaître.
À mon avis, qui est une voix parmi d’autres, nous avons raté une occasion de sortir par le haut de tous ces débats stériles lors de l’affaire de Creil en 1989, où trois fillettes, à peine nubiles, ont été emmitouflées: au lieu de voir du côté des obscurs musulmans, il fallait que des voix de sages se prononcent, et nous le payons très cher aujourd’hui.
D’un autre côté, la République a fait preuve de lâcheté, de frilosité. Le ministre de l’Éducation nationale de l’époque n’a pas fait preuve d’autorité, il s’est défaussé sur le Conseil d’État qui, lui, a fait du droit là où il fallait faire de la politique. Et on se retrouve trente et un ans plus tard à œuvrer pour la mise en place d’une nouvelle loi, désormais appelée «la loi sur la laïcité» afin de consolider ce principe dans la société française.
«Il faudra s’investir dans tous les domaines de la vie socioéconomique, dans la formation et dans l’acquisition du savoir et des connaissances. Prendre son destin en mains est, à mon sens, la meilleure réponse à cela, être citoyens en droits et en devoirs.»
Pensez-vous qu’il y a une réislamisation (tabligh) via la mouvance salafiste en France?
Objectivement, je n’ai pas de statistiques ou de conclusions d’études scientifiques rigoureuses sur la mouvance salafiste dans notre pays. Ce phénomène existe, il est complexe et généralement, soit on a envie de se défausser sur le mot complexe puis on passe à autre chose, soit il faut se donner le temps pour l’expliquer.
Cette réislamisation de néophytes pour la plupart, ceux qui se reconvertissent car ils estiment qu’ils n’étaient pas suffisamment musulmans ou ceux qui viennent pour la première fois à l’islam – et nous l’avons encore davantage observé lors de la crise du voile intégrale de la burka – est complexe parce que nous n’avons qu’une seule grille de lecture, une condensation d’approches pluridimensionnelle et plurifactorielle.
Quelles sont ces approches? Une lecture sociologisante, mais on ne peut pas tout excuser. Il y a aussi une approche politique, car l’autorité de l’État a failli, et une approche géostratégique dans les rapports internationaux qui a encore aggravé la situation. Sans oublier la lecture psychanalytique, voire psychiatrique, avec les carences affectives, les absences de repères, la démission de la figure du père, les failles identitaires…
Il y a aussi, nous dit-on, des phénomènes millénaristes, apocalyptiques, nihilistes, des personnes qui veulent être en détachement, en sédition, en cession par rapport à une société qu’ils perçoivent comme permissive, dépravée et dissolue… Il y a une lecture théologique islamique en récession, en crise, sclérosée, et enfin, une dimension culturelle.
Ce n’est pas être excessif, me semble-t-il, que de ne rien attendre de bon d’une personne qui n’est pas sensible à l’art, à la musique, à la beauté etc. Il y a un vide culturel, une indigence intellectuelle et une absence de perspectives. C’est un cocktail explosif qui fait du salafisme une solution pour de nombreux jeunes gens, surtout les garçons qui sont avides d’action, d’idéaux qu’ils n’arrivent pas à atteindre, ce qui les frustre davantage.
Un travail de fond devrait être engagé sur tous ses aspects ?
Il y a d’abord le travail de déradicalisation qui est la réaction immédiate, encore faut-il qu’elle soit efficace. C’est aussi le travail des aumôniers. Nous sommes conscients de ces difficultés. On a «problématisé», en théorie, la situation. Aujourd’hui, nous souhaitons passer à la pratique, à l’action dans, entre autres, les aspects éducatifs et culturels que j’ai déjà cités.»
Le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de «libérer l’islam de France des influences étrangères», notamment concernant les imams détachés et le financement des cultes. Quelles pistes ont été évoquées dans ce sens?
À mon avis, il y a deux pistes : la première est d’en finir avec l’islam consulaire pour résoudre définitivement un paradoxe: en vertu de la loi de 1905, on ne peut pas s’accommoder de l’ingérence de puissances étrangères loin d’être démocratiques qui utilisent les imams comme un moyen pour régler les rivalités entre régimes et surtout pour se mêler des affaires internes de l’État français.
La deuxième piste concerne les imams détachés. Ils viennent en France, sans connaître l’univers intellectuel et culturel de la France. Pour certains d’entre eux, le discours est inaudible dans leurs propres pays, a fortiori il fait des dégâts lorsque, sans transition aucune, sans connaissance de la réalité française, ils viennent enseigner à des jeunes musulmans en France. Ces opérations ne devraient pas être renouvelées à l’avenir, et plus particulièrement avec le Maroc, la Turquie et l’Algérie.
Lors de son discours, le président Macron a aussi évoqué une réorganisation de la pratique du culte comme la réglementation sur le pèlerinage à La Mecque…
En effet, il faudrait sérieusement y mettre de l’ordre. Car le pèlerin français musulman est celui qui paie le plus en Europe. Il y a aucune raison pour cela. Sept mille euros pour aller accomplir le pèlerinage, c’est de l’exploitation des sentiments et des émotions religieuses des pèlerins. C’est inacceptable. Je ne veux pas généraliser, mais il y a des officines et des agences qui pratiquent le trafic de visas pour le pèlerinage, que cela soit pour l’Omra ou pour le Hajj. Qu’il y ait de la transparence, voire une forme de Tracfin des services de Bercy pour étudier la question et mettre fin à cette pratique. Nous aurons aussi à aborder la question de l’abattage rituel, il n’y a aucune raison pour que cela soit sous le monopole de trois mosquées, et encore, il n’y a même pas de sacrificateurs qui y vont.
Enfin, une autre piste de réorganisation concerne la loi des associations de 1901 par rapport à celle de 1905. Car, celle de 1901 est plus souple quant à la prise de contrôle de la dite association, et la loi 1905 est plus drastique quant à son fonctionnement.
«L’enseignement de la langue arabe doit être établi, programmé. Ce qui est sacré pour les musulmans, c’est le discours coranique. La langue a existé avant l’islam. Ce n’est pas la seule langue véhiculaire de la civilisation islamique.»
À votre avis, pourquoi la piste évoquée par le président de la République dans le cadre de la future loi en rapport avec l’apprentissage de la langue arabe dans les établissements scolaires a-t-elle provoqué la polémique?
On se noie dans un verre d’eau, cela dénote l’incompréhension totale. Certains intellectuels disent des inepties. Mettons un peu d’ordre et de calme dans tout cela. D’abord, l’enseignement de la langue arabe doit être établi, programmé. Ce qui est sacré pour les musulmans, c’est le discours coranique. La langue a existé avant l’islam. Ce n’est pas la seule langue véhiculaire de la civilisation islamique.
L’arabe est une langue de travail à l’Organisation des nations unies (ONU). Il n’est pas normal pour l’Éducation nationale d’atrophier les futurs citoyens de la connaissance d’une langue de travail à l’ONU. C’est une langue de diplomatie, reconnue internationalement, ce qui n’est pas le cas de l’italien ou de l’allemand. Le second argument, c’est que nous parlons un arabe légèrement francisé, cela va donner une richesse à l’étymologie des mots français issus de la langue arabe.
De plus, cela ouvre un imaginaire parce que c’est une langue de civilisation, de cérémonials de cour, de droit, de connaissance. La terminologie actuelle, le vocabulaire de l’astronomie, c’est de la langue arabe. On nie l’évidence… C’est un déni qui relève d’un racisme crasse. Il vaut mieux étudier l’arabe dans un établissement scolaire de la République comme une langue vivante, contrairement à ce que certains disent: «Il vaut mieux qu’ils apprennent le français que la langue du communautarisme.» Ce n’est pas une langue de communautarisme mais de civilisation. On peut résoudre le problème en ouvrant des concours au Capes et à l’agrégation pour permettre aux jeunes futurs citoyens français d‘étudier l’arabe qui leur ouvrira, par la suite, de nombreux horizons y compris dans le domaine des affaires, notamment avec les pays du Golfe.
Avec cette connaissance, il y aura moins d’appréhension, on découvrira la beauté de la langue arabe qui est suggestive, lyrique, poétique, c’est une richesse.
Est-ce si compliqué de nuancer la pratique d’une religion, d’une spiritualité avec la mouvance de l’islamisme radical et le terrorisme ?
«Les attentats abjects sont passés par là, ce qui a compliqué la vie des musulmans. La loi permet la pratique de sa religion, mais le facteur psychosociologique, la psychologie collective est réfractaire à la pratique religieuse de manière générale et a fortiori en ce qui concerne la pratique de la religion islamique. La société française est sécularisée, elle est indifférente à la chose religieuse. À mon sens, je reviens toujours au maître-mot: la «liberté». Il faudra déculpabiliser les jeunes musulmans ou musulmanes de cette idée d’obsession névrotique de la norme religieuse. Il faut que la foi soit un élément d’apaisement et de sérénité, il faut pratiquer sa religion avec le cœur.
Comment peut-on défendre la liberté de conscience, d’expression, de blasphème sans risquer de porter atteinte au sacré, que ce soit pour les musulmans ou pour les autres confessions religieuses ?
À mon avis, la liberté de conscience, d’opinion, d’expression est un impératif absolu. Si je devais placer le curseur, je dirais qu’il serait toujours du côté de la liberté, jamais de la censure. Si on doit prendre l’exemple de Charlie Hebdo, je dirais alors que ce n’est pas une caricature qui fait ma foi. L’ignorance et le fanatisme ont amené à décimer une rédaction.