Tunisie: pas de référence à l'islam dans le projet de Constitution

Le juriste Sadok Belaïd (Photo, AFP).
Le juriste Sadok Belaïd (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 07 juin 2022

Tunisie: pas de référence à l'islam dans le projet de Constitution

  • la Tunisie «est un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime»
  • Les propos de Sadok Belaïd sont susceptibles de provoquer un vif débat dans un pays de forte tradition séculière

TUNIS: Le juriste Sadok Belaïd chargé de la rédaction d'une nouvelle Constitution en Tunisie, a affirmé lundi à l'AFP qu'il présenterait au chef de l'Etat un projet de charte expurgée de toute référence à l'islam pour combattre les partis d'inspiration islamiste comme Ennahdha.

Le premier article de la Constitution actuelle adoptée en grande pompe en 2014, trois ans après la chute de la dictature de Zine El Abidine ben Ali, stipule, tout comme la Charte de 1959, que la Tunisie "est un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime".

Les propos de Sadok Belaïd sont susceptibles de provoquer un vif débat dans un pays de forte tradition séculière mais où plusieurs partis d'inspiration islamiste ont joué un rôle de premier plan depuis la révolte de 2011 qui fit tomber le régime ben Ali.

Nommé le 20 mai à la tête de la "Commission nationale consultative pour une nouvelle République", chargée de rédiger un nouveau projet de Constitution, M. Belaïd a indiqué qu'il soumettrait le projet pour validation au président Kais Saied au plus tard le 15 juin avant qu'il ne soit soumis à référendum, une consultation annoncée pour le 25 juillet.

"80% des Tunisiens sont contre l'extrémisme et contre l'utilisation de la religion à des fins politiques. C’est précisément ce que nous allons faire tout simplement gommant l’article 1 dans sa formule actuelle", a dit le juriste dans un entretien à l'AFP.

Interrogé si cela signifiait que la nouvelle Constitution ne contiendrait pas de référence à l'islam, il a répondu: "il n'y aura pas".

"Il y a possibilité que l’on efface l'article 1er dans sa version actuelle. Nous pouvons nous passer de mentionner une quelconque religion."

«Mains sales»

Selon M. Belaïd, la suppression de toute référence à l'islam est destinée à combattre les partis d'inspiration islamiste, surtout Ennahdha, principale force dans le Parlement dissous par M. Saied.

"Si vous utilisez la religion pour faire de l’extrémisme politique, eh bien nous l’interdirons", a poursuivi cet universitaire de 83 ans qui affirme avoir "une très grande et une très profonde amitié et proximité" avec M. Saied qu'il avait eu comme étudiant.

"Nous avons des partis politiques qui ont les mains sales et bien que vous le veuillez ou non messieurs les démocrates français ou européens nous n’accepterons pas dans notre démocratie des gens sales", a-t-il affirmé.

Selon lui, "Ennahdha et d'autres partis sont les suppôts de plusieurs forces ou puissances ou Etats ou mini-Etats étrangers qui ont beaucoup d’argent qu’ils veulent dépenser comme ils veulent et qu’ils utilisent pour intervenir dans les affaires du pays". "Ca c'est de la trahison."

Après des mois de blocage politique, M. Saied, élu démocratiquement fin 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominé par Ennahdha, sa bête noire, avant de le dissoudre en mars.

«Tentations de dictature»

Dans une feuille de route censée mettre fin à la crise, M. Saied a annoncé un référendum sur une nouvelle Constitution le 25 juillet 2022, avant des législatives le 17 décembre.

La commission dirigée par M. Belaïd s'attelle à élaborer la nouvelle Constitution à travers un "dialogue national" lancé samedi mais dont les principaux partis ont été exclus.

Conviée à ce dialogue, la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT, acteur incontournable de la scène politique, a refusé d'y participer.

"Nous vous invitons, la porte est ouverte. Si vous ne voulez pas le train partira à l’heure", a lancé M. Belaïd à l'adresse de l'UGTT.

M. Saied appelle de ses voeux à un régime "plus présidentiel" à la place du système hybride mis en place en 2014 et source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative.

"Le président peut avoir des pouvoirs plus importants, ou peut-être plus utiles. Il n’avait qu’un pouvoir de blocage et c’est très mauvais. Le président, c’est le commandant de bord. C’est l'amiral. Donc, il ne doit pas avoir seulement le pouvoir de freiner mais le pouvoir d’entraîner… avec mesure", a affirmé le juriste.

Néanmoins, le nouveau régime doit être conçu de façon à ce que le président ne soit pas "entraîné ou attiré par les tentations de dictature, de tyrannie ou d'abus de pouvoir".


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.