«Pas d'autre choix que d'aller en Russie»: le périple de familles évacuées de Marioupol

Les résidents locaux obtiennent de l'eau alors que le Premier ministre russe Mikhail Mishustin apparaît sur un écran à Marioupol le 3 juin, le 100e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo, AFP)
Les résidents locaux obtiennent de l'eau alors que le Premier ministre russe Mikhail Mishustin apparaît sur un écran à Marioupol le 3 juin, le 100e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 08 juin 2022

«Pas d'autre choix que d'aller en Russie»: le périple de familles évacuées de Marioupol

Les résidents locaux obtiennent de l'eau alors que le Premier ministre russe Mikhail Mishustin apparaît sur un écran à Marioupol le 3 juin, le 100e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo, AFP)
  • Tetiana, une comptable de 38 ans, a raconté à l'AFP comment elle a décidé de quitter la ville
  • Grâce à des amis russes, les familles d'Ivan, Tetiana et Svitlana ont finalement pu se rendre à Mosco

VARSOVIE: "On n'avait pas droit au choix": des Ukrainiens ayant quitté Marioupol, port stratégique pris par les Russes après des semaines de siège, ont raconté à l'AFP comment ils ont été obligés d'aller en Russie plutôt que vers une autre région d'Ukraine, une politique que Kiev n'hésite pas à comparer à des "déportations" .

Après des semaines passées dans une cave du centre de Marioupol, et la mort de son père, tué dans une frappe de missile, Tetiana, une comptable de 38 ans, a raconté à l'AFP comment elle a décidé de quitter la ville pour "sauver sa fille" de neuf ans.

En l'absence de réseau mobile et de toute possibilité de communication, elle profite d'un répit dans les bombardements pour se rendre sur un lieu de rassemblement désigné par les autorités, et se renseigner sur les possibilités de départs. Des responsables des évacuations, nommés par les autorités prorusses, lui annoncent alors que ce ne sera possible que vers la Russie.

"On était sous le choc, on ne voulait pas aller en Russie", raconte-t-elle par téléphone depuis Riga, en Lettonie, où elle est désormais réfugiée avec sa famille. "Comment aller dans un pays qui veut te tuer?"

Depuis plusieurs semaines, les autorités ukrainiennes accusent Moscou d'avoir "illégalement transféré" plus d'un million d'Ukrainiens en Russie ou dans la partie orientale de l'Ukraine contrôlée par les séparatistes prorusses, utilisant même le terme de "déportations".

Un responsable du ministère russe de la Défense, Mikhaïl Mizintsev, a confirmé ce chiffre d'un million. Mais Moscou assure que son seul but est de permettre aux civils d'"évacuer" des "zones dangereuses".

Certains civils sont de fait parfois obligés d'évacuer vers la Russie, les combats empêchant de franchir la ligne de front. Ielyzaveta, originaire d'Izioum - ville de la région de Kharkiv occupée par les Russes - est ainsi arrivée en Estonie via la Russie car "il était impossible d'aller vers l'Ukraine", a-t-elle indiqué à l'AFP.

«Filtration»

Mais pour Tetiana et deux autres familles de Marioupol - où près de trois mois de bombardements ont fait au moins 20.000 morts selon Kiev - les forces russes ont clairement choisi à leur place.

Employée d'une grosse entreprise industrielle, Svitlana se cachait elle aussi dans une cave avec son mari et ses beaux-parents dans un quartier de l'est de Marioupol lorsque des militaires russes leur ont ordonné de partir pour une zone contrôlée par les forces russes.

"Quand un homme armé te le dit, tu ne peux pas lui dire non", dit cette Ukrainienne de 46 ans, qui a pu depuis repartir en Ukraine - à Lviv, non loin de la frontière polonaise - mais a demandé que son prénom soit changé pour protéger sa famille.

Après le passage d'un barrage routier, sa famille a d'abord été transportée à Novoazovsk, petite ville aux mains des séparatistes prorusses à une quarantaine de kilomètres à l'est de Marioupol, où ils ont logé quatre jours dans une école, puis à Starobechevé, à 80 kilomètres au nord dans la zone séparatiste.

Ils ont atterri dans un centre culturel bondé "où les gens dormaient à même le sol, sur des espèces de torchons", raconte Svitlana. "Le pire, c'était l'odeur des pieds sales, des corps sales, elle est restée sur nos affaires après plusieurs lavages".

Trois jours plus tard, la famille a été interrogée dans le cadre d'une étape de "filtration" obligatoire.

Dans un bâtiment de la police séparatiste prorusse, ils ont dû répondre à des questions écrites pour savoir s'ils avaient des proches dans l'armée ukrainienne, donner leurs empreintes digitales et leur smartphone pour vérification.

Dans une pièce séparée, les hommes ont dû se déshabiller pour prouver l'absence de tatouages patriotiques ou de blessures de combat.

"Mon mari a dû tout enlever sauf son slip et ses chaussettes", raconte Svitlana. "Nous avons également supprimé toutes les photos et les réseaux sociaux de nos téléphones" par peur de représailles à cause de sa "position pro-ukrainienne", ajoute-t-elle.

«Impossible de dire non»

Ivan Drouz, qui a quitté Marioupol avec son demi-frère en avril, est également passé par cette "filtration" à Starobechevé.

Il espérait pouvoir ensuite regagner le territoire contrôlé par Kiev, mais après cinq jours de déplacements chaotiques en territoire séparatiste prorusse, quand "on a demandé comment évacuer vers le coté ukrainien, on nous a dit +Pas possible+", raconte à l'AFP ce jeune homme de 23 ans, qui lui aussi s'est depuis réfugié à Riga.

"D'abord ils t'épuisent, et puis ils te disent que tu ne peux partir que dans une seule direction", s'insurge-t-il.

Arrivé la frontière russe, il a dû se déshabiller et répondre à des questions sur ses échanges en ukrainien avec sa tante: "il demandaient pourquoi elle m'écrivait en ukrainien" et "voulaient vérifier que je n'étais pas un nazi", dit-il.

"On comprenait très bien que tout ce qu'ils faisaient était illégal", ajoute Svitlana. "Mais on ne peut pas dire +Non, je ne veux pas+".

Une fois en Russie, les familles de Tetiana et d'Ivan ont été envoyées à Taganrog, à une centaine de kilomètres de Marioupol. A peine arrivés, des responsables russes leur ont dit d'aller en train vers Vladimir, à plus de 1.000 kilomètres au nord.

De là, Ivan et son frère ont dû repartir, cette fois vers Mourom, à 130 kilomètres au sud-est, pour arriver enfin dans un hôtel pour réfugiés.

"Tout ce chemin est une série de choix qu'on avait déjà faits pour toi", dit-il. Si personne n'a été enfermé ni menacé, "tout est organisé pour que les gens restent en Russie, comme s'ils tentaient de peupler des villes où personne ne veut vivre", ajoute-t-il.

Selon lui, l'hôtel était plein d'Ukrainiens - notamment des personnes âgées - qui, faute d'argent ou de connaissances en Russie, n'avaient pas d'autre choix que de rester à Mourom.

"Ils voulaient nous envoyer au fin fond de leur pays pour qu'on ne puisse pas raconter la vérité" sur le "génocide" organisé par la Russie à Marioupol, accuse Tetiana.

Grâce à des amis russes, les familles d'Ivan, Tetiana et Svitlana ont finalement pu se rendre à Moscou. Et de là, prendre des bus pour la Lettonie ou l'Estonie, où ils savaient que les réfugiés ukrainiens étaient bien accueillis.

"Une fois en Lettonie, on s'est enfin senti en liberté", dit Tetiana.


Zelensky refuse de recevoir Guterres à Kiev après sa visite en Russie

Zelensky refuse de recevoir Guterres à Kiev après sa visite en Russie
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  • Antonio Guterres s'est déplacé en Russie jeudi pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet de Brics auquel ont notamment participé les dirigeants de l'Inde et de la Chine
  • Le secrétaire général de l'ONU s'est entretenu avec M. Poutine, lui réitérant "sa position selon laquelle l'invasion russe de l'Ukraine" était une "violation" du droit international, selon un communiqué du bureau de son porte-parole

KIEV: Le président Volodymyr Zelensky a refusé de recevoir à Kiev le secrétaire général des Nations unies en raison de la visite d'Antonio Guterres à Kazan, en Russie, pour le sommet des Brics, a annoncé vendredi à l'AFP un haut responsable de la présidence ukrainienne.

"Après Kazan, il (Guterres, nldr) voulait venir en Ukraine mais le président n'a pas confirmé sa visite", en raison de "l'humiliation" infligée au droit international à Kazan, a déclaré à l'AFP ce responsable s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Antonio Guterres s'est déplacé en Russie jeudi pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet de Brics auquel ont notamment participé les dirigeants de l'Inde et de la Chine.

Le secrétaire général de l'ONU s'est entretenu avec M. Poutine, lui réitérant "sa position selon laquelle l'invasion russe de l'Ukraine" était une "violation" du droit international, selon un communiqué du bureau de son porte-parole.

Le Kremlin n'a à pour l'instant pas encore fourni d'informations sur le contenu de leurs discussions en tête-à-tête.

Avant leur rencontre, M. Guterres avait à nouveau appelé devant les participants au sommet à "une paix juste" en Ukraine, reprenant les mots du président Zelensky à propos de son "plan de victoire".

Egalement avant ces entretiens bilatéraux, Kiev avait critiqué le "mauvais choix" de M. Gutteres de se rendre à Kazan, ne faisant ainsi qu'"endommager la réputation de l'ONU".


Borrell évoque une «course contre la montre» au Liban pour éviter un «embrasement»

Pour le dirigeant espagnol, un cessez-le-feu est essentiel avant toute solution politique, basée sur l'organisation "le plus rapidement possible" d'une élection présidentielle. (AFP)
Pour le dirigeant espagnol, un cessez-le-feu est essentiel avant toute solution politique, basée sur l'organisation "le plus rapidement possible" d'une élection présidentielle. (AFP)
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  • Un cessez-le-feu et une solution politique rapide au Liban sont impératifs pour éviter un "embrasement généralisé", a averti vendredi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell
  • Pour le dirigeant espagnol, un cessez-le-feu est essentiel avant toute solution politique, basée sur l'organisation "le plus rapidement possible" d'une élection présidentielle

BRUXELLES: Un cessez-le-feu et une solution politique rapide au Liban sont impératifs pour éviter un "embrasement généralisé", a averti vendredi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

"Nous sommes engagés dans une course contre la montre entre le lancement d'un possible processus politique au Liban et un embrasement généralisé aux conséquences incalculables", a-t-il souligné dans un communiqué.

Pour le dirigeant espagnol, un cessez-le-feu est essentiel avant toute solution politique, basée sur l'organisation "le plus rapidement possible" d'une élection présidentielle.

Les institutions politiques, que se partagent les différentes communautés libanaises, sont paralysées depuis deux ans par l'incapacité des autorités à organiser l'élection d'un nouveau président.

M. Borrell a également jugé nécessaire de "donner de la substance" à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en 2006 pour mettre un terme aux combats entre Israël et le Hezbollah, organisation chiite libanaise soutenue par l'Iran.

Ce texte stipule que seuls l'armée libanaise et les Casques bleus de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, doivent être déployés à la frontière sud du Liban. Il prévoit aussi le désarmement des groupes armés, dont le Hezbollah.

M. Borrell juge de ce point de vue qu'il est indispensable de renforcer l'armée libanaise afin qu'elle puisse se déployer à terme "dans tout le pays", y compris dans le sud, fief de l'organisation chiite.

M. Borrell a participé jeudi à Paris à une conférence internationale sur le Liban qui a permis de récolter un milliard de dollars pour les Libanais et leur armée, mais sans obtenir d'avancées diplomatiques.

Les combats se poursuivent dans le sud où l'armée israélienne a annoncé vendredi la mort de cinq soldats tués dans des combats dans le sud, où elle mène depuis plusieurs semaines une offensive terrestre contre le Hezbollah.

Les affrontements ont fait plus de 800.000 déplacés, selon l'ONU. En Israël, 60.000 personnes ont également dû quitter leur foyer depuis un an, du fait de frappes du Hezbollah.


Sommet de Kazan: Le ministre saoudien des Affaires étrangères s'engage en faveur de la coopération avec les Brics

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, a dirigé la délégation du Royaume au sommet Brics Plus 2024 à Kazan, en Russie, jeudi, au nom du roi Salmane. (Agence de presse saoudienne)
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, a dirigé la délégation du Royaume au sommet Brics Plus 2024 à Kazan, en Russie, jeudi, au nom du roi Salmane. (Agence de presse saoudienne)
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  • Le prince Faisal a exprimé la gratitude du Royaume pour l'accueil chaleureux réservé à la délégation saoudienne et a reconnu les liens croissants entre l'Arabie saoudite et les pays des Brics
  • L'Arabie saoudite n'a pas officiellement rejoint le bloc, mais participe à ses activités en tant que nation invitée

RIYAD: Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, a dirigé la délégation du Royaume au sommet Brics Plus 2024 à Kazan, en Russie, jeudi, au nom du roi Salmane.

Le prince Faisal, qui a transmis les salutations du roi et du prince héritier Mohammed ben Salmane au président russe Vladimir Poutine et aux dirigeants des autres nations des Brics, a prononcé un discours reflétant le rôle croissant de l'Arabie saoudite dans la coopération multilatérale mondiale.

Il a exprimé la gratitude du Royaume pour l'accueil chaleureux réservé à la délégation saoudienne et a reconnu les liens croissants entre l'Arabie saoudite et les pays des Brics.

L'Arabie saoudite n'a pas officiellement rejoint le bloc, mais participe à ses activités en tant que nation invitée.

«Le volume du commerce bilatéral avec les pays des BRICS a dépassé 196 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro) en 2023, ce qui représente 37% du commerce extérieur total du Royaume", a déclaré le prince Faisal, soulignant les relations économiques importantes qui motivent l'engagement du Royaume auprès du bloc.»

Le sommet a été l'occasion pour l'Arabie saoudite de souligner l'importance de la coopération internationale pour relever les défis mondiaux, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

«Au moment où nous avons le plus besoin de relever les défis mondiaux, nous assistons à une escalade des tensions et à une polarisation croissante», a déclaré le prince Faisal.

Il a réitéré l'appel du Royaume en faveur d'institutions internationales plus fortes afin de garantir une représentation équitable et de répondre aux besoins de tous les pays.

S'attardant sur l'évolution de la situation au Moyen-Orient, le prince Faisal a condamné les actions militaires israéliennes en cours à Gaza, avertissant que la poursuite de l'escalade menaçait à la fois la sécurité régionale et la sécurité internationale.

Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat dans l'enclave, à l'acheminement sans restriction de l'aide humanitaire et à la libération des otages.

Le ministre a également souligné les efforts de paix de l'Arabie saoudite, notamment le lancement récent de l'Alliance internationale pour la mise en œuvre de la solution à deux États, qui vise à garantir une solution durable fondée sur les frontières de 1967 et la création d'un État palestinien ayant Jérusalem-Est pour capitale.

Le prince Faisal a félicité les pays du Brics pour leur solidarité avec la cause palestinienne, reconnaissant leur soutien à une solution qui respecte l'autodétermination palestinienne, a ajouté la SPA.

En conclusion, le prince Faisal a réaffirmé l'engagement de l'Arabie saoudite à poursuivre l'expansion des partenariats avec les Brics et à renforcer la coopération dans toute une série de domaines.

«Le Royaume continuera à renforcer ses partenariats avec le groupe des Brics et à élargir les horizons de la coopération dans tous les domaines, dans le but de parvenir au développement et à la prospérité au niveau international», a-t-il conclu.

Plusieurs autres hauts fonctionnaires saoudiens, dont Abdelrahman al-Ahmad, l'ambassadeur du Royaume en Russie, ainsi que de hauts conseillers du ministère des Affaires étrangères, ont également participé au sommet.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com