Plusieurs facteurs permettent d’entrevoir une nouvelle ère au Moyen-Orient

Des soldats turcs à Qaminas, à six kilomètres au sud-est d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, le 10 février 2020 (Photo, AFP).
Des soldats turcs à Qaminas, à six kilomètres au sud-est d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, le 10 février 2020 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mardi 14 juin 2022

Plusieurs facteurs permettent d’entrevoir une nouvelle ère au Moyen-Orient

Plusieurs facteurs permettent d’entrevoir une nouvelle ère au Moyen-Orient
  • Grâce au soutien aveugle des États-Unis, Israël agit en toute impunité dans les territoires occupés
  • L’intention déclarée de la Turquie pourrait pousser les combattants kurdes des Unités de protection du peuple, à s’allier au régime syrien

Le Moyen-Orient traverse une période difficile depuis plus de dix ans, mais peut-on s’attendre à un environnement entièrement nouveau une fois le calme rétabli?

Certains des problèmes de la région datent de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles, et il ne faut donc pas s'attendre à un changement rapide.

L’administration américaine Trump s’est unilatéralement retirée de l’accord nucléaire multilatéral, connu sous le nom de «Plan d’action global conjoint» (PAGC), négocié avec l’Iran. Cet accord a été conclu avec la participation de six autres grandes puissances – la Chine, la France, l’Allemagne, la Russie, le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). Les États-Unis envisagent désormais deux possibilités: la première est de forcer l’Iran à revenir à l’accord, la seconde est d’admettre que l’accord est complètement dépassé.

Washington envisage également un scénario totalement différent dans lequel il n’y aurait plus d’accord; il s’agirait de persuader les autres pays du PAGC d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. En réalité, la dénonciation de l’accord par Donald Trump s’est retournée contre lui et l’Iran est revenu sur ses engagements de limiter la quantité de matières fissiles en sa possession. Par conséquent, il ne sera pas prudent de miser sur la pression américaine sur l’Iran.

L’autre dossier épineux au Moyen-Orient est le conflit israélo-palestinien. Il contient davantage de points de discorde. Grâce au soutien aveugle des États-Unis, Israël agit en toute impunité dans les territoires occupés. La solution à deux États, tantôt favorisée et tantôt rejetée, demeure la proposition la plus élaborée, mais Israël continue de trouver des excuses pour ne pas la soutenir. En 2017, les États-Unis ont brisé le processus de paix en reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël. Ainsi, Washington a également renoncé à la décision prise en 1947 de soutenir la déclaration de l’Assemblée générale des nations unies selon laquelle Jérusalem était un «corpus separatum» («corps séparé»). En d’autres termes, l’ambassade américaine en Israël a été déplacée vers un territoire qui n’était pas israélien.

La politique de l’ancien Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, consistant à construire de nouvelles colonies en Cisjordanie a exacerbé encore plus la situation. Une grande majorité de Palestiniens – et plus encore de Palestiniens de Gaza – continuent de revendiquer leurs droits inaliénables sur le sol palestinien, notamment le droit à l’autodétermination. Les nouvelles colonies en Cisjordanie continueront d’être un casse-tête pour le gouvernement israélien. J’ai eu la chance de suivre de près la question palestinienne au cours de mes quarante années de diplomatie. À chaque nouvelle démarche, Israël a réussi à s’emparer d’une plus grande partie de territoires palestiniens, mais il n’a jusqu’à présent fait aucune concession en faveur du peuple palestinien. Cela donne une idée des perspectives de la cause palestinienne.

Outre ces problèmes à long terme, le Moyen-Orient connaît également des évolutions positives. Avec les accords d’Abraham négociés par les États-Unis, les Émirats arabes unis (EAU) sont devenus le premier pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à établir des relations diplomatiques officielles avec Israël après l’Égypte et la Jordanie.

«Outre ces problèmes à long terme, le Moyen-Orient connaît également des évolutions positives.»
Yasar Yakis

Des efforts sont en cours pour inviter la Syrie à revenir dans la Ligue arabe, bien que certains pays arabes continuent de faire preuve de réserve vis-à-vis du retour de la Syrie, sans doute à la demande des États-Unis.

Il y a deux mois, l’Égypte a dirigé une réunion du Comité de suivi constitutionnel de la Libye sous la présidence de la conseillère spéciale de l’Organisation des nations unies (ONU), Stephanie Williams. La réunion a rassemblé des membres de la Chambre des représentants basée à Tobrouk et du Haut Conseil d’État. Ce processus pourrait aider à sortir de l’impasse qui bloque la tenue des élections dans le pays.
Avec la décision précipitée de la précédente administration américaine de retirer les forces américaines de l’est de l’Euphrate en Syrie et l’accent mis par la Russie sur la guerre en Ukraine, l’Iran a commencé à se positionner dans plusieurs endroits stratégiques du pays. Cela pourrait renforcer la présence de Téhéran en Syrie et consolider davantage sa position au Liban.

L’intention déclarée de la Turquie de mener une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie pourrait pousser les Forces de défense syriennes, composées de combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), à s’allier au régime syrien. La Russie peut être satisfaite d’un tel résultat, mais les États-Unis pourraient essayer de déjouer cette alliance. Cette situation pourrait fortement affecter le cours des événements en Syrie.

La nouvelle architecture de défense du Moyen-Orient post-printemps arabe sera façonnée par ces facteurs et une multitude d’autres.

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AKP au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com