Un nouvel accord entre l’Iran et le Venezuela pourrait-il mettre fin aux difficultés économiques des deux pays?

Les dirigeants politiques iraniens et vénézuéliens ont un ennemi commun: Washington. (AP)
Les dirigeants politiques iraniens et vénézuéliens ont un ennemi commun: Washington. (AP)
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Publié le Mardi 14 juin 2022

Un nouvel accord entre l’Iran et le Venezuela pourrait-il mettre fin aux difficultés économiques des deux pays?

  • Des ingénieurs iraniens ont participé à la réparation d’installations vénézuéliennes délabrées et ils commenceront bientôt à travailler sur la plus grande raffinerie du Venezuela
  • Selon un rapport de 2008 du Carnegie Endowment for International Peace, le Venezuela dispose de quelque cinquante mille tonnes de gisements d’uranium prêts à être exploités

LONDRES: Un accord de coopération, récemment signé entre l’Iran et le Venezuela, permettra aux deux États parias de combiner davantage leurs économies. Cependant, un État riche en pétrole et dépourvu de légitimité ne peut pas régler les maux d’un autre, selon les experts. 

Samedi, le président vénézuélien en difficulté, Nicolás Maduro, est apparu dans les médias d’État iraniens dans le nord de Téhéran pour signer un «accord de coopération» de vingt ans avec son homologue iranien, Ebrahim Raïssi. 

Cet accord, selon M. Raïssi, permettra aux deux pays de coopérer dans les secteurs du pétrole, de la pétrochimie, de la défense, de l’agriculture, du tourisme et de la culture. Mais plus que l’économie, la vraie menace qui pèse sur la signature de l’accord – un pacte improbable entre un régime théocratique chiite et une dictature communiste – est le régime de sanctions imposé par les États-Unis contre chacun des deux pays, ainsi que la relation de ces derniers avec la communauté internationale au sens large. 

«Le Venezuela a fait preuve d’une résistance exemplaire contre les sanctions et les menaces des ennemis et des impérialistes», a déclaré le président iranien. «Le document de coopération de vingt ans témoigne de la volonté des deux pays de développer leurs relations.» 

«Les sanctions et les menaces contre la nation iranienne au cours des quarante dernières années ont été nombreuses, mais le pays les a transformées en avantages au service du progrès du pays.» 

Mais pour Yossi Mekelberg, membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Chatham House, l’accord ne résout nullement la mauvaise gouvernance, un problème fondamental au sein des deux pays. 

«L’Iran et le Venezuela pourraient faire partie des pays les plus riches du monde, mais ils ne le sont pas», souligne-t-il dans un entretien accordé à Arab News. «Il suffit de considérer leurs ressources naturelles, sans parler du Venezuela et de ses réserves naturelles, pour comprendre que leurs industries pétrolières s’effondrent.» 

Dans un contexte de forte demande de pétrole et de gaz, le Venezuela et l’Iran devraient prospérer, mais leurs gouvernements ont empêché la «ruée vers l’or» que connaissent actuellement les autres pays exportateurs d’énergie et qu’ils utilisent pour se préparer à l’ère postcombustibles fossiles. 

«L’Iran et le Venezuela sont des pays qui pourraient s’enrichir, mais leur problème est la mauvaise gouvernance. Que ce soit du fait de partis de gauche ou de partis cléricaux, ce sont des États en faillite», déclare M. Mekelberg. 

Il souligne que les deux pays entretiennent également des relations conflictuelles avec les États-Unis et la communauté internationale au sens large. 

«Leur alliance est celle des pays qui, sous le coup de sanctions, ne sont pas vraiment en mesure de régler leurs propres problèmes intérieurs, puis sont victimes de leurs propres régions; ils essaient alors de trouver un moyen de s’en sortir en se soutenant les uns les autres», poursuit-il. 

«Il y a une logique interne à tout cela, mais je ne pense pas que cela va beaucoup les aider. Ils doivent faire face au monde. Deux économies qui échouent n’en font pas une qui réussit.» 

En ce qui concerne spécifiquement l’énergie – la principale exportation de chacun des deux pays – l’accord signé à Téhéran va-t-il contribuer à la croissance de leurs économies? 

L’Iran et le Venezuela étant tous deux de grands producteurs de pétrole et d’énergie, «ils ne vont pas exporter l’un vers l’autre», précise M. Mekelberg. 

Les deux pays ont cependant fait quelques progrès en matière d’échange d’expertise. Des ingénieurs iraniens ont participé à la réparation d’installations vénézuéliennes délabrées et commenceront bientôt à travailler sur la plus grande raffinerie du Venezuela. 

«Mais ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’investissements», ajoute M. Mekelberg, qui n’estime pas que l’un ou l’autre des deux pays soit capable de le faire dans les proportions requises. 

Alors que les aspects économiques de l’accord suscitent quelques interrogations, les deux pays ont coopéré pendant des années dans l’échange illégal de pétrole et d’autres produits de base. Le potentiel d’une coopération plus poussée en matière de défense serait une plus grande source de préoccupation pour l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient et les États-Unis. 

Dès 2006, le Venezuela et l’Iran ont commencé à coopérer sur le plan militaire. Dans un discours prononcé devant la Brookings Institution en 2009, le procureur du comté de New York a tiré la sonnette d’alarme, affirmant que l’Iran formait des combattants vénézuéliens pour en faire des terroristes du type Hezbollah. 

«On rapporte que, depuis 2006, des conseillers militaires iraniens ont été intégrés aux troupes vénézuéliennes», avait soutenu feu Robert Morgenthau. «La guerre asymétrique, enseignée aux membres du Corps des Gardiens de la révolution iranienne (CGRI), du Hezbollah et du Hamas, a remplacé les manuels de campagne de l’armée américaine en tant que doctrine militaire vénézuélienne de base.» 

Le potentiel de coopération nucléaire est sans doute encore plus préoccupant. Selon un rapport de 2008 du Carnegie Endowment for International Peace, le Venezuela dispose de quelque cinquante mille tonnes de gisements d’uranium prêts à être exploités. 

Alors que les mises en garde contre le potentiel de coopération nucléaire persistent depuis des années, la stagnation des progrès dans les négociations sur le nucléaire iranien en cours à Vienne, accompagnée de délais de rupture de plus en plus faibles prédits par les experts, signifie que le nouvel accord pourrait jouer un rôle démesuré dans le développement des armes nucléaires de l’Iran. 

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Le nouvel accord permettra aux deux États parias de combiner davantage leurs économies. (AFP) 

«Le soutien du Venezuela au programme nucléaire iranien a fluctué ces dernières années, des sources de renseignement ayant précédemment indiqué que feu le président, Hugo Chavez, envisageait d’acheter de l’uranium à l’Iran en même temps qu’il entamait des pourparlers pour acheter un réacteur nucléaire à l’Argentine», indique Rhiannon Phillips, analyste associée pour la région Mena au cabinet de conseil en risques politiques Sibylline, à Arab News. 

«La coopération en matière de projets de défense peut faire allusion à des partenariats iraniens sur la technologie des drones offensifs et de combat, suscitant une inquiétude importante pour les alliés occidentaux. Ce n’est pas non plus une nouvelle tendance, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, ayant fait part de son inquiétude concernant les drones iraniens Mohajer au Venezuela plus tôt cette année, avec des portées signalées pouvant aller jusqu’à deux cents kilomètres.» 

L’analyste ajoute: «Le soutien iranien au terrorisme est déjà un moteur essentiel des hostilités géopolitiques au Moyen-Orient, notamment entre Téhéran d’une part, et l’Arabie saoudite et Israël d’autre part. Mais il pourrait accroître les inquiétudes des pays d’Amérique latine si les capacités vénézuéliennes dépassent ou violent le seuil de sécurité régionale.» 

EN BREF

• L’accord permettra aux deux pays de coopérer dans les secteurs du pétrole, de la pétrochimie, de la défense, de l’agriculture, du tourisme et de la culture. 

• L’Iran a livré le deuxième des quatre navires qu’il est chargé de construire pour le Venezuela. 

«Diego Molano, ministre colombien de la Défense, a déjà exprimé son inquiétude quant à la présence de mandataires iraniens au Venezuela, soit des militants du Hezbollah, et à la probabilité que ces groupes cherchent à utiliser la technologie militaire iranienne pour mener des attaques à l’intérieur du pays.» 

Rhiannon Phillips affirme également que l’Iran est depuis longtemps impliqué dans le terrorisme au Moyen-Orient – une menace que l’accord de coopération Iran-Venezuela risque de ressusciter. 

L’attentat-suicide de l’Amia de 1994 contre un centre culturel juif en Argentine a tué quatre-vingt-cinq personnes et en a blessé des centaines d’autres. En 2006, les procureurs argentins ont officiellement accusé le gouvernement iranien et le Hezbollah d’avoir perpétré cet attentat. Il semble que l’Argentine n’ait pas oublié cette attaque. 

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Les deux parties sont de grands producteurs d’énergie et de pétrole et se soutiendront mutuellement dans leurs projets. (AFP) 

Dimanche, les autorités argentines ont immobilisé un Boeing 747 vendu au Venezuela par la compagnie aérienne iranienne Mahan qui est étroitement liée au CGRI et sanctionnée par le gouvernement américain. 

Selon un document du ministère argentin de l’Intérieur, partagé avec Reuters par le député argentin Gerardo Milman, quatorze Vénézuéliens et cinq Iraniens étaient à bord de l’avion. M. Milman avertit: «Nous soupçonnons que cet avion soit à l’origine d’activités de renseignement en Argentine.» 

On ne sait pas sur quoi les agents enquêtaient. Ce qui est clair, cependant, c’est que l’Argentine, qui est profondément et tragiquement familière avec le terrorisme iranien, ne veut pas prendre le risque d'attendre trop longtemps pour le découvrir. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".