Vaste grève en Tunisie sur fond de profonde crise politique

Les partisans de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) portent des drapeaux alors qu'ils se rassemblent lors d'une grève publique nationale devant leur siège à Tunis. (Reuters)
Les partisans de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) portent des drapeaux alors qu'ils se rassemblent lors d'une grève publique nationale devant leur siège à Tunis. (Reuters)
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Publié le Jeudi 16 juin 2022

Vaste grève en Tunisie sur fond de profonde crise politique

Les partisans de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) portent des drapeaux alors qu'ils se rassemblent lors d'une grève publique nationale devant leur siège à Tunis. (Reuters)
  • La grève de 24 heures, à l'appel de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) et qui semblait largement observée dans toutes les villes
  • Face à une inflation galopante, l'UGTT réclame notamment de nouveaux accords salariaux pour «corriger le pouvoir d'achat» pour les années 2022 et 2023 ainsi que, rétroactivement, pour 2021

TUNIS: Vols annulés, transports publics immobilisés et bureaux de poste fermés: une grève à l'appel de la centrale syndicale a paralysé jeudi le secteur public en Tunisie, accentuant la pression sur le président Kais Saied déjà confronté à de graves crises politique et financière. 

La grève de 24 heures, à l'appel de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) et qui semblait largement observée dans toutes les villes, concerne théoriquement quelque 3 millions de salariés et devrait paralyser 159 entreprises étatiques. 

« Votre grève est suivie à 96,22% », s'est félicité le chef de l'UGTT Noureddine Taboubi lors d'un discours enflammé devant des centaines de militants rassemblés devant son siège à Tunis. 

Les vols au départ et à l'arrivée à l'aéroport international de Tunis ont été annulés car les personnels de la compagnie publique qui gère l'enceinte participent à la grève. 

Tunisair, elle aussi publique, a annoncé l'annulation de tous ses vols. 

Télécoms, services postaux, régies publiques de gaz, d'électricité et d'eau et transports: la grève touche de vastes pans des services. Elle entraîne aussi l'immobilisation des transports en commun (trains, tramways et bus). 

Dans son discours, M. Taboubi a imputé au gouvernement l’échec des négociations salariales ayant conduit à la grève. 

« C'est un gouvernement intransigeant qui sème la zizanie et répand de fausses informations », a-t-il lancé. Il a accusé des »mercenaires » partisans du pouvoir de »mener des campagnes de diabolisation et de harcèlement » contre l'UGTT. 

« La lutte ne s'arrêtera pas »  

Face à une inflation galopante, l'UGTT réclame notamment de nouveaux accords salariaux pour « corriger le pouvoir d'achat » pour les années 2022 et 2023 ainsi que, rétroactivement, pour 2021. 

Elle exige aussi le retrait d'une circulaire gouvernementale interdisant aux ministères de mener des discussions bilatérales sectorielles sans l'accord du chef du gouvernement. 

« Ce n'est pas une hausse des salaires que nous demandons, mais de réajuster le pouvoir d'achat des travailleurs pour tenir compte de l'inflation », a dit M. Taboubi, pour qui ce réajustement devrait se situer à plus de 10%. 

« Nous n'arrêterons pas la lutte, quel qu'en soit le coût, tant que nos revendications ne sont pas satisfaites », a-t-il ajouté. 

M. Taboubi a souligné que l'UGTT ne renoncerait pas non plus à sa demande de faire supprimer une cotisation d'1% prélevée depuis 2018 sur les salaires pour combler le déficit des caisses sociales. 

Cette grève se déroule au moment où Kais Saied, qui s'est arrogé les pleins pouvoirs il y a 11 mois, est sous le feu d'intenses critiques de l'opposition pour l'avoir exclue d'un dialogue national censé aboutir à une nouvelle Constitution qu'il prévoit de soumettre à référendum le 25 juillet. 

L'UGTT a décliné une invitation à participer à ce dialogue. 

« Nous ne pensons pas que ce dialogue est susceptible de sortir la Tunisie de ses crises », a répété M. Taboubi, affirmant que son organisation « ne servira pas de caution au président Saied ou à un quelconque parti politique ». 

« Echec collectif »  

Ses détracteurs ont beau l'accuser de ne pas tenir compte des énormes difficultés financières du pays, l'UGTT apparaît en position de force puisque le gouvernement a besoin de son soutien au programme de réformes qu'il a soumis au Fonds monétaire international dans l'espoir d'obtenir un nouveau prêt. 

Ce plan de réformes prévoit un gel de la masse salariale de la fonction publique, une réduction de certaines subventions et une restructuration des entreprises d'Etat. 

L'UGTT demande des « garanties » pour que les entreprises publiques, dont beaucoup de monopoles (office des céréales, électricité, carburants, phosphates, etc..), ne soient pas privatisées. 

Acteur influent sur la scène politique depuis sa création en 1946, l'UGTT a reçu en 2015 avec trois autres organisations tunisiennes le prix Nobel de la Paix pour sa contribution à la transition démocratique en Tunisie, berceau du Printemps arabe en 2011 mais où la démocratie vacille depuis le coup de force de M. Saied en juillet 2021. 

« Cette grève est la culmination d'un échec collectif de dix gouvernements successifs, de l'UGTT, du FMI et des partenaires internationaux de la Tunisie. La transition vers la démocratie n'a été accompagnée d'aucun changement dans la structure économique du pays », estime Fadhel Kaboub, professeur tunisien d'économie à l'université de Denison aux Etats-Unis. 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.