Les gauches opposent un refus net à Mélenchon sur un groupe unique de députés

Jean-Luc Mélenchon a proposé lundi que LFI, PS, EELV et PCF forment un groupe unique de la Nupes à l'Assemblée nationale, au lendemain de l'élection de quelque 150 députés, une proposition refusée net par ses partenaires. (AFP)
Jean-Luc Mélenchon a proposé lundi que LFI, PS, EELV et PCF forment un groupe unique de la Nupes à l'Assemblée nationale, au lendemain de l'élection de quelque 150 députés, une proposition refusée net par ses partenaires. (AFP)
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Publié le Lundi 20 juin 2022

Les gauches opposent un refus net à Mélenchon sur un groupe unique de députés

  • Devant le siège de LFI à Paris, Jean-Luc Mélenchon a proposé que la Nouvelle union populaire écologique et sociale se constitue «comme un seul groupe» dans l'hémicycle
  • Non seulement Jean-Luc Mélenchon n'est pas Premier ministre comme il l'ambitionnait, mais le résultat Nupes est en-deçà des espérances de nombreux cadres qui, en privé, allaient jusqu'à espérer 200 députés

PARIS: Est-ce le début des tensions au sein de la gauche unie? Jean-Luc Mélenchon a proposé lundi que LFI, PS, EELV et PCF forment un groupe unique de la Nupes à l'Assemblée nationale, au lendemain de l'élection de quelque 150 députés, une proposition refusée net par ses partenaires.

Le chef de file des Insoumis, qui avait réussi un bon coup politique en unissant les gauches, a fait l'unanimité contre lui à l'occasion d'une sortie soudaine et, selon son entourage, non prévue.

Devant le siège de LFI à Paris, Jean-Luc Mélenchon a proposé que la Nouvelle union populaire écologique et sociale se constitue "comme un seul groupe" dans l'hémicycle, inquiet que l'obtention de 89 députés par le RN remette en cause son "statut" de première opposition à Emmanuel Macron.

"Dès lors qu'il y a un seul groupe, sans aucune discussion possible, l'opposition s'appellerait Nupes", a-t-il expliqué devant le siège de La France insoumise à Paris, affirmant qu'il s'agissait d'une "proposition, pas d'une injonction".

La réponse ne s'est pas fait attendre.

Non seulement la cheffe des députés PS sortante Valérie Rabault, peu enthousiaste sur la Nupes, mais également le porte-parole du PS Pierre Jouvet, cheville ouvrière de l'accord, ont opposé un refus franc. "Il n'a jamais été question d'un groupe unique. Il y aura un groupe socialiste à l'Assemblée nationale", a déclaré ce dernier à l'AFP.

Le chef d'EELV Julien Bayou s'est voulu diplomate mais ferme: "On est complémentaires et nos forces seront plus efficaces à l'Assemblée nationale si nous existons grâce à quatre groupes plutôt qu'un seul". Même son de cloche chez les communistes: "avoir un groupe propre est un des éléments de l'accord", a souligné Igor Zamichiei, numéro 2 du PCF.

Jean-Luc Mélenchon est conscient de marcher sur des oeufs, ménageant une porte de sortie: "Naturellement je m'en remettrai à ce que décideront les groupes". Mais il estime que les 89 sièges remportés par l'extrême droite font courir à la Nupes, dont aucune composante n'atteint individuellement ce résultat, le risque d'être éclipsée.

«Sentiment mêlé»

Cet épisode intervient alors que les différents partis de gauche en sont encore à compter le nombre de leurs députés. Et d'encaisser la relative déception des résultats du second tour.

Selon le décompte effectué par l'AFP, en incluant les députés d'Outre-mer, mais sans présager du choix des dissidents socialistes et de plusieurs élus divers gauche, la Nupes aura au moins 150 représentants dans l'hémicycle.

"On espérait diriger le pays ce (lundi) matin, il y a une forme de déception", reconnaît auprès de l'AFP Paul Vannier, responsable des élections à La France insoumise et élu dans le Val-d'Oise.

Non seulement Jean-Luc Mélenchon n'est pas Premier ministre comme il l'ambitionnait, mais le résultat Nupes est en-deçà des espérances de nombreux cadres qui, en privé, allaient jusqu'à espérer 200 députés.

Il n'en reste pas moins que par rapport à 2017, "notre progression est considérable, pour la Nupes comme pour LFI en particulier", qui aura entre 70 et 80 députés, aux profils divers, indique M. Vannier.

Les socialistes, qui détenaient le plus grand nombre de sortants, peuvent envisager une trentaine de députés. Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, éprouve un "sentiment mêlé, la joie d’avoir réussi avec ce rassemblement, mais la déception car on s'était pris à croire à une victoire de la gauche".

Les écologistes peuvent aussi être satisfaits en passant d'une poignée d'élus - dont aucun d'EELV - à 23 députés, dont des figures comme le chef du parti Julien Bayou, sa numéro 2 Sandra Regol et l'écoféministe Sandrine Rousseau.

C'est "le plus grand groupe écologiste de l'Histoire à l'Assemblée nationale", a déclaré M. Bayou, inespéré quelques semaines seulement après le mauvais résultat de Yannick Jadot à la présidentielle (4,6%).

Avoir 15 députés pour former un groupe s'annonce plus tendu pour le PCF qui, avec ses 12 élus, devra convaincre des élus d'Outre-mer ou de Corse de le rejoindre.

La fragmentation de l'hémicycle, avec notamment 89 députés RN, "va inciter la gauche à rester unie et de proposer une opposition assez ferme" à Emmanuel Macron, prédit le politologue Simon Persico, professeur à Sciences Po Grenoble.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".