A l'école ukrainienne de Paris, la guerre toque à la classe

Des réfugiés ukrainiens essaient des chaussures données par la Croix-Rouge française et par des habitants locaux après avoir été hébergés dans des mobile-homes temporaires, à La Ville-aux-Dames, dans le centre de la France, le 31 mars 2022. GUILLAUME SOUVANT / AFP
Des réfugiés ukrainiens essaient des chaussures données par la Croix-Rouge française et par des habitants locaux après avoir été hébergés dans des mobile-homes temporaires, à La Ville-aux-Dames, dans le centre de la France, le 31 mars 2022. GUILLAUME SOUVANT / AFP
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Publié le Mardi 21 juin 2022

A l'école ukrainienne de Paris, la guerre toque à la classe

  • Pour Hanna, c'est premier jour de classe à l'école ukrainienne de Paris, où les enfants réfugiés se sont inscrits en nombre, pour «garder un pied en Ukraine»
  • 250 enfants inscrits à la rentrée de septembre l'an dernier, plus de 400 depuis avril, indique l'école, qui a dû monter plusieurs classes à la hâte

PARIS: Un soleil de plomb baigne la cour de récréation, dégarnie en ce samedi après-midi de pic caniculaire. Mais pour Hanna, c'est premier jour de classe à l'école ukrainienne de Paris, où les enfants réfugiés se sont inscrits en nombre, pour "garder un pied en Ukraine".

La fillette de 10 ans, à la fois grave et souriante, est arrivée en France en avril avec ses deux sœurs aînées. Ses parents, tous deux militaires, sont restés combattre, assure-t-elle.

"Je suis très contente d'être ici et de pouvoir continuer l'école ukrainienne, même loin du pays", confie-t-elle à l'AFP pour son premier jour sur les bancs du lycée privé Paul-Claudel- d'Hulst, où l'école ukrainienne du samedi a ouvert une de ses nouvelles antennes pour faire face à l'afflux des réfugiés.

250 enfants inscrits à la rentrée de septembre l'an dernier, plus de 400 depuis avril, indique l'école, qui a dû monter plusieurs classes à la hâte.

Même si elle a pu s'inscrire dans un collège parisien pour suivre le cursus français de 6e, Hanna a également suivi le programme ukrainien avec des professeurs restés là-bas, par visioconférence. Et depuis les vacances scolaires ukrainiennes, début juin, s'est inscrite dans cette école adossée à la cathédrale parisienne Saint-Volodymyr-le-Grand.

Plus de 18 000 réfugiés ukrainiens scolarisés en France

Plus de 18.000 enfants ukrainiens sont actuellement scolarisés dans les écoles, collèges et lycées français, soit environ un cinquième des réfugiés qui ont fui l'Ukraine pour s'installer en France, ont indiqué les autorités mardi à l'AFP.

Selon les derniers chiffres du ministère de l'Education nationale, 18.611 élèves arrivant d'Ukraine depuis le conflit avec la Russie déclenché le 24 février sont accueillis dans les classes du premier et du second degré.

Dans le détail, 10.777 enfants sont scolarisés en école, 5.930 en collège et 1.904 en lycée, selon les données arrêtées jeudi par ce ministère.

Après une rapide augmentation du nombre d'enfants inscrits lors des trois premiers mois suivant le début de la guerre dans le système scolaire français, ouvert à tous les réfugiés, les scolarisations stagnent depuis un mois.

Le 24 mai, trois mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Education nationale dénombrait 17.677 enfants ukrainiens scolarisés, soit environ un millier de moins qu'aujourd'hui. C'étaient alors les académies de Nice et de Versailles qui comptaient les plus importants contingents.

Le nombre d'Ukrainiens qui se sont installés en France depuis la guerre continue, lui, d'augmenter, a indiqué le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), Didier Leschi, qui verse aux déplacés ukrainiens une allocation de subsistance.

Vendredi, 92.000 Ukrainiens bénéficiaient de cette allocation pour demandeurs d'asile (Ada) en France, soit "250 allocataires de plus tous les jours en moyenne", a-t-il souligné.

L'allocation pour demandeurs d'asile, attribuée aux réfugiés ukrainiens --même si ces derniers n'ont pas besoin de demander l'asile car ils bénéficient de la "protection temporaire" accordée par l'Europe--, s'élève à 6,80 euros par jour et pour une personne.

La décélération des inscriptions d'enfants ukrainiens dans les établissements français alors

que les arrivées sur le territoire sont continues (et concernent à 90% des femmes et des enfants) peut s'expliquer par un mouvement de retour vers l'Ukraine de ces familles, pour l'instant délicat à chiffrer pour les autorités, qui ne disposent pas de statistiques fiables pour l'heure.

Ainsi, une "bonne partie" des écoliers réfugiés qui se sont parallèlement inscrits dans l'école ukrainienne de Paris, adossée à la cathédrale Saint-Volodymyr-le-Grand, "sont déjà repartis", a confié à l'AFP la directrice de l'école Nadia Myhal, sans toutefois chiffrer exactement cette tendance.

Elan patriotique

"Je pense que ça va m'aider quand je vais rentrer en Ukraine", pense aussi Sofia, 10 ans également et dans l'école depuis cinq semaines.

Quand rentrer, justement ? "On reste ici l'été, après on verra", répond la jeune fille. Et quelle place donner au conflit dans une classe d'école ?

"Les maîtresses n'en parlent pas trop, parce que ça peut être traumatisant qu'on leur pose des questions et qu'ils doivent se souvenir de tout ce qu'ils ont vécu", assure Nadia Myhal, qui dirige l'école depuis quatre décennies.

Depuis l'exode des Ukrainiens, dont plus de 80.000 se sont installés en France, elle a ouvert ses portes à tous les enfants réfugiés sans frais de scolarité et embauché quatre institutrices parmi les déplacées qui étaient enseignantes en Ukraine.

"Être ici leur permet surtout de garder un pied en Ukraine. Pour ces enfants, c'est psychologiquement très important d'être en contact avec d'autres enfants ukrainiens", souligne-t-elle.

Mais même sans trop en parler, "on ne peut pas complètement laisser ça en dehors" de la classe, reconnaît, Maria Zinchenko, enseignante de CE1.

"On le fait juste d'une façon qui ne traumatise pas les enfants. Par exemple, il y a des chants patriotiques qu'on apprenait pour les fêtes, avant. Maintenant, ils les chantent en chœur à chaque fois!"

«L'Ukraine, c'est aussi des belles choses»

Le sujet est moins tabou pour les enfants que pour les adolescents, qui ressentent les choses de manière "plus dramatique", abonde pendant la récréation une autre enseignante, Natalia (elle n'a pas donné son nom), la voix couverte par un garçon qui chante à tue-tête Stefania, la chanson victorieuse de l'Ukraine à la dernière Eurovision.

En cette fin d'après-midi, dans sa classe, les CM2 effectuent un "voyage" par internet, en guise de cours d'Histoire-Géographie. Sur des ordinateurs, ils découvrent la foire colorée de Sorotchintsy, à laquelle Nicolas Gogol a consacré une nouvelle.

"Je veux leur montrer que l'Ukraine, c'est aussi des belles choses", explique l'institutrice.

Une méthode qui convient parfaitement à Alexandra, 10 ans dont cinq en France, mais nouvelle dans l'établissement. Avant le conflit, elle passait ses samedis dans une école russe.

"Depuis la guerre, mes parents ont décidé qu'on ne parlerait plus russe, donc j'apprends l'ukrainien. Et c'est beaucoup mieux, les maîtresses sont plus gentilles. C'est plus flippant de dire +j'ai pas compris+ à une maîtresse russe", assure-t-elle, en faisant pouffer ses camarades.

Toute heureuse de sa nouvelle école, Alexandra dit ne pas avoir hâte d'être en vacances, cet été. "En plus, cette fois, je ne peux pas rentrer en Ukraine, il y a la guerre."


Les deux ex-prisonniers français disent qu'ils n'auraient «pas tenu» en Iran sans le soutien en France 

Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur. (AFP)
Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur. (AFP)
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  • "Ils m'ont demandé de passer un message pour dire à leurs familles, mais aussi à tous ceux qui les ont soutenus en France, que sans ce soutien, il n'auraient pas pu tenir", a dit Pierre Cochard sur la radio publique France Inter
  • "Il faut attendre le diagnostic des médecins, mais je les ai trouvés d'abord très heureux, très soulagés tous les deux, par cette libération, on le comprend après trois ans et demi de détention dans des conditions difficiles", a ajouté le diplomate

PARIS: Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur.

"Ils m'ont demandé de passer un message pour dire à leurs familles, mais aussi à tous ceux qui les ont soutenus en France, que sans ce soutien, il n'auraient pas pu tenir", a dit Pierre Cochard sur la radio publique France Inter.

"Il faut attendre le diagnostic des médecins, mais je les ai trouvés d'abord très heureux, très soulagés tous les deux, par cette libération, on le comprend après trois ans et demi de détention dans des conditions difficiles", a ajouté le diplomate.

Après trois ans et demi de détention, ils ont été remis lundi aux autorités françaises à Téhéran et se trouvent actuellement à l'ambassade de France.

Pour autant, ils ne sont pas autorisés à quitter le territoire de la République islamique.

De son côté, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a souligné sur la radio privée RTL que la France n'avait "pas de certitude sur le moment où" la libération définitive de Cécile Kohler et Jacques Paris interviendrait.

"Mais nous n'allons ménager aucun effort pour obtenir leur retour en France dans les meilleurs délais", a-t-il promis.

"Ce n'est qu'une étape, et nous allons continuer à nous mobiliser sans relâche pour obtenir leur libération définitive", a-t-il ajouté, insistant par ailleurs sur la discrétion nécessaire pour "garantir le succès de ce type de manœuvre diplomatique".

"Donc nous ne révélons pas le détail de ces discussions que nous avons avec les autorités à tous les niveaux du Président de la République jusqu'à l'ambassadeur à Téhéran que je veux féliciter pour sa mobilisation", a ajouté le ministre alors que les autorités iraniennes ont évoqué dès septembre un accord sur un échange de prisonniers.

Depuis une dizaine d'années, l'Iran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux, notamment français, les accusant le plus souvent d'espionnage, afin de les utiliser comme monnaie d'échange pour relâcher des Iraniens emprisonnés dans des pays occidentaux ou afin d'obtenir des gages politiques.

Au moins une vingtaine d'Occidentaux seraient encore détenus, selon des sources diplomatiques.

Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran a rendu publique le 11 septembre la possibilité d'un accord de libération des deux Français en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février pour avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux. Son avocat français, Me Nabil Boudi, s'est réjoui de la libération Cécile Kohler et Jacques Paris, assurant que sa cliente a été "détenue injustement".

Celle-ci a été libérée sous contrôle judiciaire dans l'attente de son procès prévu en janvier.


Fin de vie: Falorni et Biétry demandent un référendum à Macron avant l'été, faute de loi

Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
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  • Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée
  • Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes

BORDEAUX: Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire.

Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée, mais la chute du gouvernement de François Bayrou a reporté leur examen au Sénat.

Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes, et le ministre des Relations avec le Parlement Laurent Panifous a annoncé la semaine dernière un nouveau débat à l'Assemblée en février.

"Le parcours de ce texte n'avance pas comme il le devrait. Régulièrement retardé, reporté, réinscrit puis de nouveau ajourné... Cela devient insupportable!", déplorent MM. Falorni et Biétry, dans un courrier remis mardi matin au président de la République à l'occasion d'une visite de M. Macron aux Assises de l'économie de la mer à La Rochelle, selon le député apparenté MoDem de Charente-Maritime.

"Pourtant, les malades en fin de vie, eux, n'ont pas le temps d'attendre. Vis-à-vis d'eux, cette situation de blocage est une forme d'indécence", ajoutent les deux hommes.

"C'est pour cela que, si cet enlisement se poursuivait en début d'année prochaine, nous vous demandons solennellement de consulter directement les Français par référendum avant l'été 2026 sur les textes de loi votés en mai dernier par les députés", poursuivent-il.

M. Macron avait lui-même évoqué en mai un référendum, en cas d'"enlisement" au Parlement, tout en précisant qu'il le ferait "avec beaucoup de précaution".

Il répondait alors à une interpellation de Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, à travers une courte vidéo où la question de l'ancien patron des sports de Canal+, qui aura 82 ans mercredi, était lue par une voix de synthèse.


Le procès du cimentier français Lafarge pour financement du terrorisme s'ouvre à Paris

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
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  • Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales
  • Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens

PARIS: Le procès du groupe français Lafarge et de huit anciens responsables, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont le groupe Etat islamique, en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie, s'est ouvert mardi à Paris, une première en France pour une multinationale.

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés.

Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales.

Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un, visé par un mandat d'arrêt international, devrait être absent au procès.

Lafarge est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes - dont certains, comme l'organisation Etat islamique (EI) et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes" - afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord de la Syrie.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction avait été achevée en 2010.

Intermédiaires 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Economie pour violation d'embargo et l'autre des associations Sherpa, Centre européen pour les droits constitutionnels (ECCHR) et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe issu de la fusion de 2015 - d'abord baptisé LafargeHolcim, puis renommé Holcim en 2021 -, qui a toujours pris soin de se désolidariser des faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux Etats-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars et accepté d'y payer une sanction financière colossale de 778 millions de dollars.

En France, Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

"Responsabilités des multinationales" 

Selon la défense de Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes, l'accord de plaider-coupable est une "atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait pour objectif "de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour l'ex-PDG, qui "attend de pouvoir enfin défendre son honneur, et de comprendre ce qui s'est passé", le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Sherpa, partie civile dans le dossier, estime de son côté que ce procès est une "occasion inédite pour la justice française de se pencher sur la responsabilité des multinationales lorsqu'elles opèrent dans des zones de conflit".

Un autre volet retentissant de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.