Réfugiés ukrainiens, l'incarnation de la crise mondiale des déplacés de force

Le XXIe siècle verra un nombre croissant de personnes contraintes de fuir leur pays (Photo fournie).
Le XXIe siècle verra un nombre croissant de personnes contraintes de fuir leur pays (Photo fournie).
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Publié le Vendredi 01 juillet 2022

Réfugiés ukrainiens, l'incarnation de la crise mondiale des déplacés de force

  • D’après le rapport du HCR sur les tendances mondiales pour 2021, le nombre de personnes déplacées dans le monde a atteint 100 millions
  • L’Europe a volontiers accueilli 7 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine tout en refusant des millions d’autres en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique

NEW YORK: Le mois dernier, les Nations unies ont célébré la Journée mondiale des réfugiés alors que le nombre de personnes qui ont été forcées de quitter leur foyer en raison de la guerre, de la persécution, de la violence et des violations des droits de l’homme s’élève désormais à plus de 100 millions.

Ce nombre est issu du rapport sur les tendances mondiales de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, publié récemment.

Le rapport montre que cinq pays – la Syrie, le Venezuela, l’Afghanistan, le Sud-Soudan et le Myanmar – représentent plus des deux tiers des personnes déplacées dans le monde.

Les personnes contraintes de se déplacer à l’intérieur de leur propre pays – qualifiées de PDI – constituent la majorité des déplacés de force. La Syrie, le Yémen, l’Afghanistan, l’Éthiopie, la République du Congo et la Colombie, continuent d’accueillir les populations de PDI les plus importantes au monde.

Si les conflits actuels ne sont pas résolus et que l’on n'empêche pas l’éclatement de nouveaux conflits, le rapport des Nations unies prévient que le XXIe siècle verra un nombre croissant de personnes contraintes de fuir et leurs options devenir de plus en plus limitées.

La nature des mouvements de population sont devenus si complexes que les organismes d’aide se démènent pour trouver de nouveaux moyens de faire face à cet exode massif. Les gens fuient non seulement la violence, mais aussi les inégalités économiques, alors que l’écart de richesse continue de se creuser dans le monde.

La police anti-émeute détient un migrant lors d’affrontements près du camp de Moria, sur l’île de Lesbos, le 2 mars 2020 (Photo, AFP).

Les changements climatiques, les sécheresses, les inondations et les catastrophes naturelles qui en résultent ont provoqué des déplacements encore plus importants. La crise alimentaire exacerbée par la guerre en Ukraine risque maintenant de provoquer une nouvelle vague de déplacements.

«La nature de ces flux est désormais si compliquée que les réponses d’aide sont également compliquées, difficiles à organiser et à gérer, et exposées à la manipulation de politiciens sans scrupules qui diabolisent à la fois les flux et les réponses, prétendant qu’il est impossible d’accueillir des réfugiés, et que la véritable réponse est, comme nous l’entendons dans de nombreux endroits, de “fermer les frontières et de repousser les gens”», a annoncé Filippo Grandi, le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, lors d’une récente conférence à laquelle Arab News a assisté.

Le nombre de personnes déplacées dans le monde a augmenté chaque année au cours de la dernière décennie, approchant les 90 millions à la fin de 2021, soit plus du double du chiffre de 2001. La plupart des réfugiés viennent de Syrie, du Venezuela et d’Afghanistan.

Ce nombre a également été propulse par les nouvelles vagues de violence et de conflits dans des pays comme l’Éthiopie, le Burkina Faso, le Nigeria et le Congo.

Un bateau transportant des migrants, secouru après avoir été bloqué dans le détroit de Gibraltar (Photo, AFP).

La guerre en Ukraine a entraîné le déplacement le plus rapide et l’un des plus importants depuis la Seconde Guerre mondiale. En quatre mois seulement, près de 7 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, dépassant ainsi la crise syrienne qui, en douze ans, a déplacé plus de 6 millions de Syriens.

Grandi a salué la réponse humanitaire «assez extraordinaire» au conflit en Ukraine. Cependant, l’humanitaire italien, qui a commencé son rôle actuel au plus fort de la crise des réfugiés syriens en 2016, a déploré la différence de la réponse internationale entre les deux conflits.

«Si vous êtes bien financé en Ukraine, en Pologne ou dans l’UE, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres situations. Nous avons l’Éthiopie depuis la fin de 2020 et tout au long de 2021. Nous avons eu la situation de l’Afghanistan durant l’été de l’année dernière», a indiqué Grandi, ajoutant que les crises en Syrie, au Soudan du sud et en Palestine ont ajouté au nombre grandissant de réfugiés.

«Du Bangladesh à la Colombie, nous avons une douzaine d’opérations pour lesquelles je suis très inquiet à cause du sous-financement», a-t-il dit. «Il est important de marteler et de faire passer le message que l’Ukraine ne peut pas être la seule réponse humanitaire.»

Lorsqu’en 2015, des foules de réfugiés syriens désespérés fuyant les combats à Alep se sont présentées aux portes de l’Europe, Grandi a déclaré que les dirigeants lui ont annoncé: «On est plein. Nous ne pouvons plus prendre personne.»

Des ressortissants ukrainiens fuyant le conflit dans leur pays se rassemblent au centre d’accueil mis en place pour eux après leur arrivée à l’aéroport Paris-Beauvais (Photo, AFP).

«Un bateau d’une quarantaine de personnes arrive en Sicile et les dirigeants se disputent au téléphone pour décider qui en prend combien et pour combien de temps», a-t-il déclaré. «Et maintenant, comment est-il soudainement possible qu’en six semaines, 7 millions de personnes arrivent et sont accueillies? Il y a eu des problèmes mais en général, ils ont été accueillis généreusement, efficacement et avec protection.»

«Je ne suis pas naïf», a avoué Grandi, «je comprends très bien le contexte. Je comprends que ce ne sera peut-être pas toujours comme ça. Mais cela prouve certainement un point important: Que répondre à l’afflux de réfugiés, à l’arrivée de personnes désespérées sur les côtes ou aux frontières des pays riches, n’est pas ingérable. Elle est en fait gérable de manière efficace, mais il faut une volonté politique.»

Cette volonté envers les 1,3 millions de demandeurs d’asile syriens qui sont arrivés en Europe en 2015 était largement inexistante et ces réfugiés ont souvent été accueillis au vitriol et à la haine, même de la part de hauts responsables gouvernementaux.

Viktor Orban, Premier ministre hongrois, a qualifié les demandeurs d’asile de «poison» et d’«envahisseurs musulmans».

«Il n’y a aucune chance, nous allons vous renvoyer. Ce continent ne sera pas votre patrie, vous avez votre propre patrie. C’est notre patrie, nous l’avons construite», a annoncé Orban en 2015.

Toujours en 2015, Marine Le Pen a comparé l’afflux de réfugiés à l’invasion barbare de Rome. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a qualifié les réfugiés en fuite de «fourmilière», et le Premier ministre polonais de l’époque, Jarosław Kacziński, a accusé les migrants d’être porteurs de maladies.

Cette attitude envers les réfugiés et les migrants n’as pas été abandonnée en 2015. En 2020, Matteo Salvini, ancien vice-Premier ministre italien, a affirmé que les migrants africains apportaient des maladies comme la tuberculose et la gale en Italie. Cependant, lors d’un direct sur Facebook en mars de cette année, Salvini s’est engagé à transporter les réfugiés ukrainiens en Italie.

«Bien sûr, si vous martelez dans l’opinion publique que les personnes qui arrivent vont voler vos emplois, menacer votre sécurité et détruire vos valeurs, l’opinion publique ne se tournera pas positivement vers les migrants entrants», a noté Grandi.

Le fait que les dirigeants européens n’aient pas utilisé une telle rhétorique contre les Ukrainiens a positivement prédisposé l’opinion publique à l’égard ceux qui sont venu chercher refuge, a déclaré Grandi.

«C’est l’attitude à adopter: Soyez constructifs. Transmettez le message que les politiciens ont transmis au sujet des Ukrainiens: Ces personnes sont dans le besoin.

«Les gens fuient parce qu’ils ont peur. Il n’y a pas que les Ukrainiens. Les Syriens ont fui les bombes. Les gens du Tigré ont fui les bombes, les gens du Sahel fuient soit les bombes, soit les attaques. Fuir l’insécurité est la même chose, que vous soyez Ukrainien ou Nicaraguayen. Et je pense qu’il est important de continuer à faire passer ce message.»

Les supporters de Borisov brandissent une bannière indiquant «Refugees Go Home» («Que les réfugies rentrent chez eux» durant le match aller du groupe E de l’UEFA Champions League entre le Bayer Leverkusen et le FC Bate Borisov (Photo, AFP).

Le rapport du HCR a dissipé les idées reçues selon lesquelles les crises de réfugiés ne touchent que les nations riches, ou ce que l’on appelle communément le Nord. En réalité, plus de 80% des réfugiés dans le monde ont fui vers des pays pauvres et à revenu intermédiaire.

«Personne n’a entendu parler des 150 000 Nicaraguayens accueillis par le Costa Rica», a ajouté Grandi. «Pourtant, c’est un gros problème pour le Costa Rica.»

De nombreuses nations occidentales considèrent les crises de réfugiés comme un problème qu’elles ne sont pas obligées de résoudre, alors même que le nombre de solutions dépendent désormais d’un accord entre l’Occident et la Russie, dont l’engagement diplomatique, en raison de la guerre en Ukraine, est pratiquement à l’arrêt.

«Les cicatrices de ces fractures entre l’Occident et la Russie, entre les grandes puissances du Conseil de sécurité, sur la coopération internationale sont telles qu’elles mettront longtemps à se refermer. Et pourtant, si elles ne guérissent pas, je ne sais pas comment nous feront face à ces crises mondiales», a affirmé Grandi.

Le préambule de la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951 définit un réfugié comme une personne qui «ne bénéficie plus de la protection et de l’assistance» de son propre pays, et qui relève donc de la responsabilité de la communauté internationale dans son ensemble.

«Ce qui est intéressant», a déclaré Grandi, «c’est que les donateurs comprennent très bien qu’il ne peut y avoir d’inégalité dans la réponse».

Aucun autre exemple récent n’illustre peut-être autant cette abdication de responsabilité de la part de l’Occident que le «plan Rwanda» de la Grande-Bretagne, un projet qui vise à envoyer par avion au Rwanda, pour contrôle et traitement, toutes les personnes qui traversent la Manche sans autorisation.

Filippo Grandi, haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (Photo, HCR).

Selon ce plan, le Royaume-Uni versera des fonds à un «fonds de transformation et d’intégration économique» du gouvernement rwandais et financera chaque migrant pour sa relocalisation et son hébergement temporaire.

«Nous ne soutenons pas cet accord», a déclaré Grandi. «Tout cela est faux et contraste tellement avec la générosité affichée envers les Ukrainiens.

«Le droit d’asile repose sur le fait que les personnes qui se trouvent sur le territoire d’un pays reçoivent une protection, surtout si ce pays est signataire de la convention et dispose des institutions nécessaires pour s’occuper des demandeurs d’asile. Exporter cette responsabilité vers un autre pays va à l’encontre de toute notion de partage international des responsabilités.»

«Le Royaume-Uni prétend faire cela pour sauver les gens de voyages dangereux. Permettez-moi d’en douter un peu. Sauver les gens d’un voyage dangereux, c’est bien. Mais est-ce là la véritable motivation de cet accord? J’en doute. Mais je pense que si le Royaume-Uni et d’autres pays voulaient vraiment que ces voyages dangereux cessent, alors il existe d’autres moyens de le faire.»

Grandi a indiqué que ce dispositif est un «nouveau jeu de balle qui se superpose au Rwanda», un pays qui, bien qu’ayant accueilli des dizaines de milliers de réfugiés congolais et burundais, ne dispose pas des structures nécessaires pour procéder à la détermination du statut de réfugié – structures qui sont bien en place en Angleterre.

«Je l’ai dit clairement à Priti Patel: Cet accord rend notre travail très difficile», a déclaré Grandi, faisant référence à la ministre britannique de l’Intérieur. «Le précédent que cela crée est catastrophique.»

Interrogé sur le fait de savoir si la crise mondiale de la sécurité alimentaire en cours était susceptible de pousser davantage de personnes à quitter leur foyer, Grandi a répondu qu’il «ne pouvait pas imaginer comment» il pourrait en être autrement.

Il a conclu en disant que, bien qu’il appelle le monde à aider à faire face aux conséquences du conflit, «le problème doit être résolu à la racine et la guerre doit être arrêtée. Les négociations doivent reprendre».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un nouveau directeur pour le British Museum, secoué par une affaire de vols

Des visiteurs admirent les marbres du Parthénon, également connus sous le nom de marbres d'Elgin, au British Museum de Londres le 9 janvier 2023. (AFP)
Des visiteurs admirent les marbres du Parthénon, également connus sous le nom de marbres d'Elgin, au British Museum de Londres le 9 janvier 2023. (AFP)
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  • Nicholas Cullinan, 46 ans, a été nommé après l'approbation unanime des administrateurs du musée et l'accord du Premier ministre Rishi Sunak
  • Nicholas Cullinan a salué l'«honneur» que représente la direction de «l'un des plus grands musées du monde»

LONDRES: L'actuel directeur de la National Portrait Gallery de Londres, Nicholas Cullinan, a été nommé directeur du British Museum, a annoncé jeudi l'institution secouée par le scandale du vol de 2 000 pièces et le feuilleton au long cours des marbres du Parthénon.

Le précédent directeur Hartwig Fischer, de nationalité allemande et premier non Britannique à diriger le musée, avait démissionné fin août 2023 après la révélation des vols.

L'intérim était depuis assuré par l'ex-directeur du Victoria & Albert Museum Mark Jones.

Nicholas Cullinan, 46 ans, a été nommé après l'approbation unanime des administrateurs du musée et l'accord du Premier ministre Rishi Sunak.

A la tête de la National Portrait Gallery depuis 2015, il a mené à bien un réaménagement complet des collections et du musée, dont l'espace ouvert au public a augmenté d'un cinquième, selon le communiqué annonçant sa nomination.

L'historien de l'art a notamment été commissaire au Metropolitan Museum of Art de New York et à la Tate Modern de Londres. Il prendra ses fonctions au British Museum cet été.

Nicholas Cullinan a salué l'"honneur" que représente la direction de "l'un des plus grands musées du monde".

Il a évoqué "un nouveau chapitre" qui "englobera les transformations les plus importantes, architecturales et intellectuelles, qui se déroulent dans tout musée dans le monde, pour continuer à faire en sorte que le British Museum soit aussi engagé et collaboratif que possible".

Fondé en 1753, le British Museum abrite une collection de huit millions d'objets, parmi lesquels la pierre de Rosette ou les frises du Parthénon, acquises à l'époque coloniale et revendiquées par la Grèce.

L'institution, dont la visite est gratuite, représente l'attraction touristique la plus prisée du Royaume-Uni, avec 5,8 millions de visiteurs en 2023, en augmentation de 42% par rapport à l'année précédent, selon l'association du secteur.

La révélation du scandale de vols à grande échelle a conduit au renvoi d'un employé, qui a été arrêté par la police sans qu'aucune poursuite ne soit engagée contre lui à ce stade.

Depuis leur découverte, le British Museum a indiqué avoir récupéré un peu plus de 350 objets.

Le nouveau patron du musée devra également mettre en oeuvre une rénovation majeure, estimée à plus d'un milliard d'euros, rendue nécessaire par l'état vétuste de certaines galeries.


Sénégal: la prise du pouvoir approche pour l'opposant antisystème Diomaye Faye

Le candidat de l'opposition sénégalaise à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye (Photo, AFP).
Le candidat de l'opposition sénégalaise à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye (Photo, AFP).
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  • L'opposant antisystème, M. Faye, qui était encore en prison il y a deux semaines, l'a emporté dès le premier tour dimanche avec 54,28% des voix, loin devant le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79%)
  • Au tour du Conseil constitutionnel maintenant d'examiner d'éventuels recours de candidats et de déclarer M. Faye définitivement vainqueur, ou d'annuler l'élection, hypothèse hautement invraisemblable

DAKAR: L'opposant sénégalais Bassirou Diomaye Faye pourrait être proclamé définitivement vainqueur de la présidentielle d'ici à la fin de la semaine, parachevant une ascension extraordinaire et express jusqu'au sommet de l'Etat.

Après des semaines de crise qui ont fait craindre un report de l'élection jusqu'à décembre ou une vacance du pouvoir, l'appareil s'emploie à rétablir à marche forcée la norme de transition réglée qui caractérise le pays et à rendre possible une passation conforme à la tradition entre le sortant Macky Sall et son successeur d'ici à la semaine prochaine.

L'organe chargé de proclamer les résultats finaux provisoires les a rendus publics mercredi alors qu'il avait jusqu'à vendredi pour le faire. L'opposant antisystème, M. Faye, qui était encore en prison il y a deux semaines, l'a emporté dès le premier tour dimanche avec 54,28% des voix, loin devant le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79%).

Au tour du Conseil constitutionnel maintenant d'examiner d'éventuels recours de candidats et de déclarer M. Faye définitivement vainqueur, ou d'annuler l'élection, hypothèse hautement invraisemblable.

Les candidats ont 72 heures pour saisir le Conseil, dit la Constitution. Mais le Conseil a décidé lui aussi de réduire les délais, probablement pour faire en sorte qu'une passation ait lieu avant le 2 avril, date officielle de fin du mandat de M. Sall.

Le Conseil a donné à tout contestataire jusqu'à jeudi minuit (vendredi 00H00 GMT) pour se manifester.

Il a invoqué "les circonstances exceptionnelles" ayant entraîné "la compression de tous les délais". Il fait référence au report de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et finalement fixée au 24 mars.

L'ajournement décrété à la dernière minute par le président Sall a causé une grave crise et semé le doute sur la possibilité d'une passation avant l'expiration de son mandat.

Un transfert dans les temps importe dans un pays qui s'enorgueillit de ses pratiques démocratiques et qui est considéré comme l'un des plus stables en Afrique de l'Ouest secouée par les coups d'Etat.

En l'absence de contestation, "le Conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin", dit la Constitution. En cas de recours, le Conseil a, théoriquement, cinq jours pour statuer.

Les adversaires de M. Faye ont reconnu sa victoire et aucun n'a jusqu'alors exprimé publiquement l'intention de soulever d'objection. Les résultats provisoires paraissent rendre la victoire de M. Faye irréfutable tout en confirmant la magnitude de ce qui s'apparente à un séisme politique.

«Dernier» Conseil 

Bassirou Diomaye Faye est le premier opposant à l'emporter dès le premier tour depuis l'Indépendance en 1960.

Jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, il devrait devenir à 44 ans le cinquième et plus jeune président du pays de 18 millions d'habitants.

Son avènement pourrait annoncer une profonde remise en cause systémique. Il se présente comme l'homme de la "rupture" avec douze années de présidence Sall, du rétablissement d'une "souveraineté" bradée selon lui à l'étranger, et d'un "panafricanisme de gauche". Il fait voeu de combattre la corruption et l'injustice.

Face à l'éventualité d'une vacance de pouvoir, le président Sall a dit plusieurs fois qu'il serait parti le 2 avril, même si le Conseil constitutionnel a laissé la porte ouverte à une prolongation si nécessaire.

Le Conseil des ministres qu'il a présidé mercredi était le "dernier", selon le communiqué de ses services. Il a demandé au gouvernement de "prendre toutes les dispositions requises" pour préparer les dossiers de passation, en vue de "l’installation dans les meilleures conditions" du nouveau président, dit le communiqué.

Les trois dernières années de la présidence Sall ont été marquées par les retombées des crises globales, un farouche bras de fer avec l'opposition antisystème et les troubles intérieurs.

Le Sénégal a connu un nouvel accès de fièvre en février quand M. Sall a décrété l'ajournement de l'élection. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021, et les lettres de créance démocratiques du Sénégal ont été examinées sous un autre jour.

M. Faye a lui-même été détenu des mois avant sa libération en pleine campagne électorale mi-mars.

Il a énoncé "la réconciliation nationale", la "refondation" des institutions et "l'allègement sensible du coût de la vie" comme ses "chantiers prioritaires". Il a pris soin de rassurer à l'étranger, attentif à ses promesses de reconsidérer ou renégocier les partenariats existants. Le Sénégal "restera le pays ami et l'allié sûr et fiable de tout partenaire qui s'engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive", a-t-il dit.


Pont effondré à Baltimore: les corps de deux des six ouvriers retrouvés

Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
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  • Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala
  • En raison de la quantité de béton et de débris, «les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité» vers «ce que nous pensons être les véhicules piégés», dit la police

BALTIMORE: Les corps sans vie de deux des six ouvriers recherchés ont été repêchés mercredi des eaux glacées du port de Baltimore, sur la côte Est américaine, ont annoncé les autorités, au lendemain de l'effondrement spectaculaire d'un pont percuté par un porte-conteneurs.

"Des plongeurs ont localisé un pick-up rouge à environ 7.6 mètres de profondeur", a annoncé lors d'un point presse, la police du Maryland, l'Etat où se situe Baltimore. "Deux victimes du drame étaient prisonnières du véhicule".

Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala, qui faisaient partie de l'équipe d'ouvriers présente sur la chaussée du pont Francis Scott Key au moment de l'accident.

Les corps de quatre de leurs collègues, tous présumés morts, n'ont eux pas encore été retrouvés, ont ajouté les autorités.

Mais, en raison notamment de la quantité de béton et de débris, "les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité" vers "ce que nous pensons être les véhicules piégés", a déclaré Roland Butler, de la police du Maryland.

Les secours vont donc chercher à retirer la structure de l'eau pour faciliter l'accès aux plongeurs, a-t-il précisé.

Les autorités avaient averti mardi soir qu'elles ne pensaient pas pouvoir "retrouver ces individus encore en vie", alors que deux membres de leur équipe avaient été secourus peu après le drame.

Les victimes, originaires d'Amérique latine selon la presse américaine, réparaient des nids de poule sur le pont lorsqu'il s'est écroulé dans le fleuve Patapsco.

«Pas conçu pour résister»

L'agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a fourni mercredi une chronologie détaillée de la tragédie, basée sur l'analyse préliminaire de l'enregistreur de données du porte-conteneurs.

Long de 300 mètres pour 48 mètres de largeur, le Dali, battant pavillon singapourien, a quitté le quai du port de Baltimore mardi à 0H39 (04H39 GMT) à destination de l'Asie, a indiqué Marcel Muise, enquêteur du NTSB, lors d'une conférence de presse.

À 1H24 locales, des alarmes ont commencé à retentir à bord du navire, signalant des problèmes de propulsion. Le pilote a rapidement informé les autorités portuaires par radio que le navire se dirigeait vers le pont, et a demandé l'intervention de remorqueurs.

L'appel à l'aide a été également reçu par deux équipes de l'autorité locale des transports qui se trouvaient sur le pont en raison des travaux. Ces dernières ont alors fermé toutes les voies de circulation, sauvant ainsi probablement des vies.

Puis, à 1H29, l'enregistreur du navire a enregistré des "sons correspondant à la collision".

Le pont, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers de véhicules, s'est alors effondré tel un château de cartes, des pans entiers de la structure se retrouvant sur le bateau.

Des images impressionnantes de vidéosurveillance montrent le porte-conteneurs dévier de son cap, heurter une pile du pont inauguré en 1977 puis s'écrouler.

Pour le ministre américain des Transports Pete Buttigieg, "ce type de pont (...) n'a tout simplement pas été conçu pour résister à un choc direct contre pilier de soutien essentiel".

L'équipage avait tenté en vain de ralentir la course du navire en jetant l'ancre.

L'enquête préliminaire montre qu'il s'agit d'un accident, selon les autorités.

«Coût de la reconstruction»

Le président Joe Biden s'est engagé à ce que "l'Etat fédéral paie la totalité du coût de la reconstruction" du pont, qui porte le nom de l'auteur des paroles de l'hymne national américain, en admettant que cela prendrait du temps.

"Nous serons aux côtés des habitants de Baltimore aussi longtemps qu'il le faudra", a-t-il encore assuré mercredi soir sur le réseau social X.

Car l'enjeu est aussi économique: ce pont à quatre voies, long de 2,6 km, est situé sur un axe nord-sud crucial pour l'économie de la côte Est des Etats-Unis.

Pour l'heure, le transport maritime y est "suspendu jusqu'à nouvel ordre", selon les autorités. Le port de Baltimore est le neuvième du pays en termes d'activité et génère plus de 15.000 emplois.

Le Dali est "stable" et ne représente pas de danger pour l'environnement et le public, en dépit de la présence à bord de 5,6 milliards de litres de diesel et de quelques conteneurs de matières dangereuses, a assuré mercredi Peter Gautier, responsable des gardes-côtes.

Deux conteneurs, sur un total de 4,700, sont tombés à l'eau.

Le navire est exploité par la société maritime Synergy Group et affrété par le géant danois du transport maritime Maersk.

Les autorités portuaires de Singapour ont déclaré mercredi qu'il avait passé avec succès deux inspections en 2023 et qu'une jauge de contrôle de la pression du carburant défectueuse avait été réparée en juin.

Les autorités chiliennes avaient signalé en 2023 un défaut dans les machines du navire, une anomalie rapidement réparée selon elles.