Attentat avorté de Villejuif: des explications dignes d'un roman

Accusé d'avoir projeté un attentat contre une église en avril 2015 à Villejuif et d'y avoir tué une femme de 32 ans, l'étudiant algérien Sid-Ahmed Ghlam est jugé à Paris avec neuf autres protagonistes (Photo, AFP-Archives)
Accusé d'avoir projeté un attentat contre une église en avril 2015 à Villejuif et d'y avoir tué une femme de 32 ans, l'étudiant algérien Sid-Ahmed Ghlam est jugé à Paris avec neuf autres protagonistes (Photo, AFP-Archives)
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Publié le Mercredi 28 octobre 2020

Attentat avorté de Villejuif: des explications dignes d'un roman

  • Rabah Boukaouma, 40 ans, est accusé d'avoir commandé les gilets pare-balles retrouvés chez Sid-Ahmed Ghlam
  • Rabah Boukaouma n'est pas un inconnu des services de renseignement qui soutiennent qu'il est « en lien avec la mouvance islamiste radicale »

PARIS : « Ça s'obscurcit », « on n'arrive plus à suivre »... Les explications embrouillées de Rabah Boukaouma, un des coaccusés de Sid-Ahmed Ghlam au procès du projet d'attentat avorté contre une église de Villejuif en 2015, n'ont guère convaincu mardi la cour d'assises spéciale de Paris.

Rabah Boukaouma, 40 ans, est accusé d'avoir commandé les gilets pare-balles retrouvés chez Sid-Ahmed Ghlam et d'avoir récupéré une voiture qui servira de cache d'armes à l'étudiant algérien accusé d'avoir assassiné une jeune mère de famille de 32 ans le 19 avril 2015.

Sommé de s'expliquer, il a servi une histoire digne d'un roman. Les gilets pare-balles ? « J'ai surpris une conversation dans une crêperie (des Mureaux) entre deux personnes qui parlaient de gilets pare-balles », raconte Rabah Boukaouma.

« Ah! bon... Ces personnes parlaient de gilets comme ça à voix haute », feint de s'étonner la présidente Xavière Siméoni.

« Oui, oui il y avait peu de monde », répond sans se troubler l'accusé.

Cette histoire de gilets lui donne une idée. Pourquoi ne pas en acquérir pour les offrir à « un ami d'enfance » parti en Syrie depuis 2013 ?

« Mais enfin », commence à s'agacer la présidente, « nous étions en 2015, vous connaissiez la situation alors en Syrie. Vous pensiez qu'on manquait de gilets pare-balles là-bas ? »

« Euh... L'hiver précédent j'avais déjà envoyé des vêtements à cet ami car l'hiver avait été rigoureux », explique confusément Rabah Boukaouma, en précisant qu'il avait fait acheminer son paquet par l'intermédiaire de son cousin Abdelnasser Benyoucef via « une association » en France.

« Quelle association ? », demande la présidente. « Je ne me souviens pas... une association militante », dit-il. 

« Émir » de la « katibat al-Battar », la « brigade de l'épée du prophète », une unité d'élite du groupe jihadiste Etat islamique, Abdelnasser Benyoucef était basé à Raqqa. L' « ami d'enfance », Hamid Mokhfi, faisait partie d'une autre unité de l'EI stationnée à Idlib, deux villes distante de 300 km...

Mais dans son récit, Rabah Boukaouma ne s'embarrasse pas de ces détails géographiques. Il explique avoir contacté une des personnes qui parlaient de gilets dans la crêperie (Abdelkader Jalal, également dans le box des accusés, ndlr) et fait affaire avec lui.

« Un peu compliqué tout ça »

C'est étrange, relève la présidente, Hamid Mokhfi est mort lors d'un bombardement pendant la bataille d'Idlib en avril 2015. Boukaouma ne se démonte pas et évoque « la famille » de son ami qui avait aussi besoin de gilets de protection.

L'histoire ne s'arrête pas là. Rabah Boukaouma indique qu'il a également demandé à Abdelkader Jalal de lui fournir une voiture pour y ranger les gilets pare-balles.

« Vous aviez besoin d'une voiture alors que travailliez dans un garage ? », s'étonne la présidente.

La voiture volée sera déposée par Jalal à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 13 avril 2015. Rabah Boukaouma s'y rend (pour récupérer Jalal) et affirme avoir glissé les gilets pare-balles, enfermés dans des sacs poubelles... sous la voiture.

« C'est un peu compliqué tout ça », soupire Xavière Siméoni.

Le lendemain, 14 avril 2015, Sid-Ahmed Ghlam viendra récupérer dans la voiture garée à Aulnay les gilets pare-balles mais aussi des armes et du matériel destiné au projet d'attentat.

Sid-Ahmed Ghlam est formel: tout ce matériel, dont les gilets pare-balles, était dans le coffre de la voiture. Les gilets n'étaient pas dans des sacs poubelle sous le véhicule mais dans des sacs de voyage. Des traces d'ADN de Rabah Boukaouma ont été retrouvées sur ces sacs.

« Qui a mis ces sacs dans le coffre ? », veut savoir la présidente.

« Je ne sais pas Madame, des proches d'Abdelnasser Benyoucef peut-être... », bredouille Rabah Boukaouma. Selon lui, l' « émir » aurait « profité de l'occasion ». « Il a joué double jeu avec vous », lui souffle la présidente. « Oui », répond l'accusé.

Rabah Boukaouma n'est pas un inconnu des services de renseignement qui soutiennent qu'il est « en lien avec la mouvance islamiste radicale ».

« Je ne suis plus le même homme », se défend l'accusé qui a repris ses études en prison et voudrait travailler dans « le droit humanitaire ».

« L'islam devrait rester dans la sphère religieuse », dit-il en soulignant ne plus reconnaître les islamistes radicaux comme ses « coreligionnaires ».

Est-il sincère ? « Je n'en suis pas convaincu », tranche l'avocat des parties civiles Antoine Casubolo-Ferro.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".