Pape au Canada: les autochtones veulent faire entendre leur histoire

A la tête de la nation crie d'Enoch, une communauté autochtone d'environ 2 700 membres près d'Edmonton (Alberta), le chef Billy Morin se dit «plein d'espoir» quant à cette visite (Photo, AFP).
A la tête de la nation crie d'Enoch, une communauté autochtone d'environ 2 700 membres près d'Edmonton (Alberta), le chef Billy Morin se dit «plein d'espoir» quant à cette visite (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 21 juillet 2022

Pape au Canada: les autochtones veulent faire entendre leur histoire

  • Les autochtones canadiens, toujours victimes de discriminations, veulent profiter de la venue du pape fin juillet pour faire connaître au monde entier leur histoire
  • Cette visite du pape doit être un «moment pour mettre en lumière les gens qui ont souffert... Ce sont eux qui comptent»

MONTREAL: Les autochtones canadiens, toujours victimes de discriminations, veulent profiter de la venue du pape fin juillet pour faire connaître au monde entier leur histoire et les traumatismes liés à des décennies d'assimilation forcée.

Trois personnalités autochtones ont raconté à l'AFP leur espoirs et leurs doutes sur cette visite historique.

«Sentiment mélangé», Elisapie, chanteuse inuite

Artiste originaire de Salluit, le plus septentrional des 14 villages du Nunavik, l'extrême nord du Québec, Elisapie est devenue l'une des voix autochtones.

"J'ai des sentiments mélangés par rapport à la venue du pape", glisse la chanteuse de 45 ans, connue pour avoir dénoncé le "racisme systémique" au Québec et interpellé directement le Premier ministre de la province sur les réseaux sociaux à ce sujet.

"Je me dis que ça doit faire du bien pour les survivants de sentir qu'il y a un acte, de savoir que le pape vient. Mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est aussi trop facile", ajoute-t-elle.

"On souffre encore beaucoup des traumatismes, qui passent de génération en génération", rappelle l'artiste qui vit aujourd'hui à Montréal et se réjouit de voir que les gens sont aujourd'hui curieux de comprendre l'histoire des autochtones.

Cette visite du pape doit être un "moment pour mettre en lumière les gens qui ont souffert... Ce sont eux qui comptent".

Regard intense et taches de rousseur en pagaille, la chanteuse estime qu'il est temps maintenant que les gouvernements fassent leur part car sinon "c'est très difficile d'avancer en tant que société et de cohabiter".

"Il y a eu un éveil et les gens sont à l'écoute. Ils ont envie de nous tendre la main et ça, c'est une bouffée d'air incroyable. Ça nous guérit presque. Maintenant, aux institutions d'agir!"

«Un long cheminement», Wilton Littlechild, survivant des pensionnats

C'était un anniversaire particulier. Le 1er avril, jour de ses 78 ans, Wilton Littlechild était au Vatican quand le pape a présenté des excuses historiques pour la responsabilité de l'Eglise dans la gestion des pensionnats pour autochtones.

"Je n'aurais pas pu recevoir de meilleur cadeau d'anniversaire", confie ce survivant "très ému parce que ça a été un long cheminement".

L'aboutissement d'une vie. Depuis une dizaine d'années, cet avocat en droit des autochtones a effectué plusieurs voyages au Vatican, rencontrant Benoit XVI puis François.

"Pour que l'on puisse guérir autant que possible, nous avons besoin de ces excuses", explique ce grand-père, qui a passé 14 ans de sa vie dans trois pensionnats différents.

Chapeau de cowboy sur ses courts cheveux noirs, et chemise à motifs de loups, cet ancien chef qui a aussi travaillé pendant des décennies à l'ONU sur les droits autochtones, explique avoir survécu grâce aux études et au sport qu'il a pratiqué à un haut niveau.

"Le sport et le hockey ont sauvé ma vie", affirme Wilton Littlechild, derrière de fines lunettes rectangulaires, se souvenant des larmes qui ruisselaient sur son visage lorsqu'il courait chaque soir pour oublier les abus du pensionnat.

"J'ai pardonné", explique celui qui se décrit comme catholique.

«Plein d'espoir», Billy Morin, chef cri

A la tête de la nation crie d'Enoch, une communauté autochtone d'environ 2 700 membres près d'Edmonton (Alberta), le chef Billy Morin se dit "plein d'espoir" quant à cette visite, qui pourra aider à panser les plaies de nombreuses victimes.

"Tout le monde ne veut pas que le pape s'excuse, certains s'en fichent", indique-t-il.

"Mais pour de nombreux aînés, cela pourrait leur permettre de tourner la page... Un moment de guérison, de célébration, de réflexion."

Il s'estime "chanceux" de ne pas avoir été forcé d'étudier en pensionnat comme ses grands-parents. Mais le traumatisme de cette période continue d'affecter sa famille, explique-t-il, causant notamment alcoolisme et distance émotionnelle.

"Nos grands-parents, mes parents, ont dû réapprendre à être de bons parents", explique ce père de quatre enfants, qui renoue désormais avec la langue crie dont il a été privé en grandissant.

L'homme de 35 ans, costume gris, lunettes rectangulaires et longue tresse noire, estime que si le pape "ne s'excusait pas, cette question de la reconnaissance resterait toujours en suspens".

C'est une "étape importante" mais "il faudra encore des décennies pour surmonter les pensionnats et la souffrance qui en a découlé".

Pape au Canada: «Des excuses, ici, auront une forte portée symbolique», selon chercheuse

Cela fait des années que les autochtones canadiens attendent et espèrent les excuses du pape pour la responsabilité de l'Eglise dans les pensionnats où quelque 150.000 enfants autochtones ont été enrôlés de force de la fin du XIXe siècle aux années 1990.

Cette visite prévue fin juillet devrait être un moment fort pour le pays tout entier, qui est confronté aux aspects les plus sombres de son histoire, explique Marie-Pierre Bousquet, professeure d'anthropologie et directrice d'un programme en études autochtones à l'université de Montréal.

Question: Le pape s'est déjà excusé pour les pensionnats, quelle est l'importance de son voyage au Canada?

Réponse: "Pour les autochtones et même pour tous les Canadiens, il est fondamental que les excuses soient prononcées ici, en terre canadienne. Cela leur donne une toute autre force, une autre portée. De plus, dans les cultures autochtones, la terre des ancêtres revêt une importance particulière.

Et puis, il est important que de nombreux survivants y assistent. C'est une demande très ancienne, des années qu'ils attendent.

Mais les générations vont vivre cela de façon différente. On sent que les jeunes autochtones sont intéressés mais ils ne semblent pas vraiment savoir quoi en attendre. Pour les plus anciens, ils espèrent mais il y a eu tellement de déceptions, de fausses promesses déjà..."

Q: Qu'espèrent-ils précisément de ce voyage?

R: "Pour certains les attentes sont immenses, ils espèrent de grands changements par la suite, des avancées en termes de réconciliation, des financements pour sortir de leurs conditions souvent très difficiles...

Et même ceux qui estiment que +c'est trop peu et trop tard+ sont tout de même très attentifs à ce qui se passe.

Mais au final cela devrait être principalement de l'ordre du symbolique, de l'émotion. Et c'est déjà important car beaucoup de choses ont besoin de sortir. Ce sont des émotions qui ne se sont pas exprimées pendant des années. Les autochtones ont besoin de parler et d'être entendus.

Même si ce qui sort est de l'ordre du négatif, il est crucial que tous les Canadiens entendent la colère, la tristesse... Il faut qu'elles soient visibles.

Cette visite n'est pas une célébration. L'heure sera à la commémoration et au respect, il faut que les survivants des pensionnats soient au cœur du processus pour que cela ait un sens."

Q: Cela peut-il être une nouvelle étape pour la société canadienne qui semble avoir vraiment pris conscience de son histoire récemment?

R: "La société a profondément évolué ces derniers mois et années sur ces questions. Le pays est face à son histoire. Aujourd'hui, les Canadiens réalisent que le passé qui a permis au Canada d'être le grand pays qu'il est aujourd'hui n'est pas celui qu'ils pensaient.

Du côté des autochtones, il y a un désir très fort de décolonisation, que la société canadienne regarde aujourd'hui en face les conséquences du système d'assimilation mis en place pendant des décennies. Ce sera une énorme déception si cette prise de conscience ne se fait pas."


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.