Assassinat d'Yvan Colonna: «procédures disciplinaires» contre deux agents de la prison d'Arles

Le rapport de l'IGJ était remis au cabinet de la Première ministre et non au Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti (Photo, AFP).
Le rapport de l'IGJ était remis au cabinet de la Première ministre et non au Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 28 juillet 2022

Assassinat d'Yvan Colonna: «procédures disciplinaires» contre deux agents de la prison d'Arles

  • Le meurtrier présumé d'Yvan Colonna, un Camerounais de 36 ans, Franck Elong Abé, n'avait jamais été orienté vers un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) depuis son arrivée dans l'établissement en 2019
  • Il avait été arrêté en Afghanistan par l'armée américaine en 2012 avant d'être remis à la France en 2014

PARIS: L'ex-directrice de la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône) et un surveillant vont faire l'objet de "procédures disciplinaires", a annoncé jeudi la Première ministre Elisabeth Borne, après la remise d'un rapport sur l'assassinat en mars d'Yvan Colonna qui conclut à des "manquements" de leur part.

Le surveillant chargé de l'aile où se trouvait l'indépendantiste corse, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, a fait preuve d'un "net défaut de vigilance" en restant "sans aucun motif éloigné" du lieu des faits, qui ont duré neuf minutes, conclut le rapport de l'Inspection générale de la justice (IGJ), publié sur le site de Matignon en version anonymisée.

Quant à "l'ancienne cheffe d'établissement" Corinne Puglierini, en poste jusqu'à dix jours avant l'agression, la mission d'inspection pointe "l'insuffisance" de son management et l'absence de "gestion appropriée" des commissions d'évaluation de la dangerosité des détenus.

Le meurtrier présumé d'Yvan Colonna, un Camerounais de 36 ans, Franck Elong Abé, n'avait jamais été orienté vers un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) depuis son arrivée dans l'établissement en 2019, alors qu'il purgeait plusieurs peines dont une de neuf ans de prison pour "association de malfaiteurs terroriste".

Il avait été arrêté en Afghanistan par l'armée américaine en 2012 avant d'être remis à la France en 2014.

Lors de son audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 30 mars, Corinne Puglierini avait assuré que le "comportement" du détenu à son arrivée à Arles "ne permettait pas une évaluation au QER" car il n'était pas "en capacité de participer à cette évaluation".

Elle avait toutefois fait état ensuite d'une évolution positive, qui avait justifié qu'on lui accorde en septembre 2021 un poste d'"auxiliaire" pour faire le ménage dans les salles de sport de la prison.

Le rapport de l'IGJ déplore également "une programmation inadaptée des images de vidéosurveillance", qui a "souffert d'un grave déficit de conception et de formation des utilisateurs".

Il formule douze recommandations, dont six visent à "renforcer (...) la surveillance des salles d'activités" de la prison et à améliorer son dispositif de vidéosurveillance.

«Zones d'ombre»

Plus largement, il recommande de rappeler à l'ensemble de l'administration pénitentiaire que la "vocation première" de la vidéosurveillance "vise à intervenir immédiatement pour faire cesser un incident".

La Première ministre a "décidé de suivre l'intégralité des recommandations" du rapport, a fait savoir Matignon.

Elisabeth Borne demandera notamment au ministre de la Justice "une mission d'inspection sur l'évaluation des quartiers d'évaluation et de prise en charge de la radicalisation" (QER), dispositif déployé il y a cinq ans dont "il apparaît nécessaire de dresser un bilan".

Le rapport de l'IGJ était remis à la Première ministre et non au Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti car, ce dernier ayant été l'avocat d'Yvan Colonna, il est contraint de se déporter de tout ce qui concerne son ancien client.

Le 2 mars, Yvan Colonna avait été violemment agressé dans la salle de sports de la maison centrale d'Arles par Franck Elong Abé. Il était décédé des suites de ses blessures après trois semaines de coma.

Ce détenu, qui a expliqué s'en être pris à Yvan Colonna parce qu'il avait "blasphémé", a été mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

L'agression avait suscité colère et polémiques et ravivé les tensions en Corse, alors qu'Yvan Colonna réclamait de longue date son incarcération sur l'île.

"Les responsabilités individuelles des surveillants ne sauraient masquer celle, fondamentale, du pouvoir politique qui a délibérément empêché Yvan Colonna de purger sa peine près de chez lui, en violation des règles pénitentiaires, par vengeance d'Etat", a réagi jeudi auprès de l'AFP Emmanuel Mercinier-Pantalacci, l'un des avocats de l'indépendantiste.

Marie-Antoinette Maupertuis, présidente autonomiste de l'assemblée de Corse, a salué auprès de l'AFP la publication du rapport, qui correspond à une "demande de vérité et de justice".

"Il faudra approfondir le sujet parce qu'il reste malgré tout des zones d'ombre et de questionnements", a déclaré à l'AFP le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Felix Acquaviva, qui a annoncé jeudi matin une prochaine "commission d'enquête" parlementaire pour "faire la lumière sur les dysfonctionnements" ayant mené à la mort d'Yvan Colonna.


Deux morts et trois blessés légers à Lyon dans un incendie d'immeuble

Le feu est parti du rez-de-chaussée avant de parcourir la cage d'escalier. Son origine reste à cette heure indéterminée. (Photo d'illustration, AFP)
Le feu est parti du rez-de-chaussée avant de parcourir la cage d'escalier. Son origine reste à cette heure indéterminée. (Photo d'illustration, AFP)
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  • Les pompiers ont été alertés vers 03H30 pour ce sinistre qui s'est déclaré dans un bâtiment de trois étages, situé place Dumas de Loire dans le 9e arrondissement de la ville
  • La préfète déléguée pour la défense et la sécurité du Rhône, Juliette Bossart-Trignat, s'est rendue sur place avec des élus dont Mohamed Chihi, l'adjoint à la mairie écologiste en charge de la sûreté

LYON: Un incendie dans un immeuble d'habitation à Lyon a fait deux morts et trois blessés légers dans la nuit de lundi à mardi, a annoncé la préfecture Rhône.

Un premier bilan en début de matinée faisait état d'une personne décédée et de trois en urgence relative, selon la même source.

Les pompiers ont été alertés vers 03H30 pour ce sinistre qui s'est déclaré dans un bâtiment de trois étages, situé place Dumas de Loire dans le 9e arrondissement de la ville.

"Le feu est parti du rez-de-chaussée avant de parcourir la cage d'escalier. Son origine reste à cette heure indéterminée", a précisé à l'AFP la préfecture en matinée, ajoutant que le feu avait été circonscrit vers 06H00.

Parmi les victimes du sinistre, outre les "deux personnes décédées et trois personnes en urgence relative transportées à l’hôpital", dont l'identité et la nature des blessures n'ont pas été communiquées, "32 personnes impliquées" ont été accueillies "au point de regroupement ouvert par la Mairie de Lyon et armé par la Croix Rouge", précise-t-on de même source dans un dernier communiqué à la mi-journée.

"Les opération d’extinction des foyers résiduels et de déblaiement se poursuivent. Dès cet après-midi, une expertise technique de la structure de bâtiment sera réalisée", ajoute-t-on.

La préfète déléguée pour la défense et la sécurité du Rhône, Juliette Bossart-Trignat, s'est rendue sur place avec des élus dont Mohamed Chihi, l'adjoint à la mairie écologiste en charge de la sûreté.

"Plusieurs personnes ont perdu leur logement, ils seront relogés. La Ville de Lyon se tient à leurs cotés", a-t-il assuré sur X (anciennement Twitter), tout en présentant ses condoléances aux proches des victimes.

"Un dispositif d’accompagnement des personnes impliquées vers un hébergement puis un relogement pérenne est assuré par la mobilisation des assurances et du bailleur", précise encore la préfecture à la mi-journée.

Un accompagnement psychologique de ces personnes leur a été proposé dès leurs prises en charge au point de rassemblement, selon la même source.


Enterrée par Macron, une centrale à charbon entame sa transition

Cette photographie prise le 12 septembre 2022 montre la centrale thermique Emile-Huchet, centrale à charbon et centrale à gaz, située à Saint-Avold et Carling, dans l'est de la France. (AFP).
Cette photographie prise le 12 septembre 2022 montre la centrale thermique Emile-Huchet, centrale à charbon et centrale à gaz, située à Saint-Avold et Carling, dans l'est de la France. (AFP).
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  • Emmanuel Macron a annoncé fin septembre que la France sortirait du charbon "d'ici à 2027"
  • GazelEnergie n'a pas attendu le feu vert du gouvernement, en août, pour prolonger le contrat de travail des salariés, qui devait prendre fin en avril dernier

SAINT-AVOLD: Autour de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), d'énormes tas de charbon, prêts pour l'hiver, côtoient, pour la première fois, un amas plus modeste de pellets de bois. L'usine prépare sa conversion à la biomasse.

Emmanuel Macron a annoncé fin septembre que la France sortirait du charbon "d'ici à 2027", en convertissant les deux dernières centrales du pays à l'énergie renouvelable: "On doit sortir du charbon, c'est une énergie fossile et la plus polluante".

Le projet était dans les tuyaux depuis plusieurs années, rappelle à l'AFP Camille Jaffrelo, porte-parole de GazelEnergie, propriétaire de l'installation. Maintenant que le président de la République a fixé un cap, "on rouvre les cartons".

Car la situation a longtemps été incertaine pour les quelque 150 salariés de la centrale: grosse émettrice de CO2, elle devait fermer en mars 2022. Mais entre guerre en Ukraine et déboires du parc nucléaire, elle a repris du service l'hiver dernier et va à nouveau jouer les prolongations l'hiver prochain.

GazelEnergie n'a pas attendu le feu vert du gouvernement, en août, pour prolonger le contrat de travail des salariés, qui devait prendre fin en avril dernier. Camille Jaffrelo l'assure, "tous" ont été prolongés.

« Un vrai pas en avant »

Sylvain Krebs, 47 ans, est responsable du parc charbon. Il explique que si les stocks vont permettre de "faire la saison", une nouveauté cette année est le tas de pellets, situé derrière lui: "C'est l'avenir (...) donc on va travailler dessus, on va regarder comment ils se comportent".

Le stockage de ces petits morceaux de bois séché et torréfié sera particulièrement étudié, pour vérifier qu'ils sont bien hydrophobes, explique Antonin Arnoux, le directeur de la centrale.

Au total, 300.000 tonnes de charbon sont entreposées, et 500 tonnes de pellets: au long de l'hiver, leur combustion sera elle aussi testée par les employés.

Le choix de ces pellets de bois, différents de ceux utilisés dans les habitations, s'explique par leurs propriétés, notamment calorifiques, qui sont très proches du charbon.

"C'est un vrai pas en avant", se réjouit M. Krebs, selon qui, avec cette transition, "je ne suis plus un pollueur". Au quotidien, le travail des employés ne sera pas modifié: "les compétences du personnel sont les mêmes", avec le charbon ou les pellets. Elles sont néanmoins rares et précieuses: il faut en moyenne un an et demi de formation.

Réindustrialisation

Les grues s'activent sur le site de Saint-Avold. Une chaudière biomasse, un stockage d'électricité sur batteries et une unité de production d'hydrogène renouvelable sont prévus, de sorte que le site devienne une "éco-plateforme de valorisation énergétique", selon GazelEnergie.

Ces projets permettent non seulement de générer de l'emploi, mais aussi de faire venir des usines. C'est "tout un territoire qui pousse" pour réindustrialiser ce site et le transformer, après que le charbon l'a fait vivre pendant deux siècles.

L'unique autre centrale à charbon de France encore en activité est située à Cordemais, en Loire-Atlantique. EDF, sollicité par l'AFP, a indiqué par courriel que "l'ambition industrielle pour (sa) décarbonation progressive (...) se déploie dès 2023 en proposant une production d'électricité moins carbonée grâce à l'utilisation de jusqu'à 20% de biomasse en substitution du charbon".

Tout en précisant "qu'une conversion totale à la biomasse d'ici 2027 nécessite de définir les modalités de régulation d'un tel fonctionnement". En attendant, la centrale reste, selon RTE, "nécessaire pour la sécurisation de l'alimentation du Grand Ouest tant que (le réacteur nucléaire) de Flamanville n'a pas atteint son fonctionnement nominal".

La production de ces deux centrales a représenté l'an passé 0,6% du mix électrique français, largement dominé par l'énergie nucléaire.


Coup d'envoi du vaste chantier des Etats généraux de l'information

Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, participe à une session sur la liberté de la presse lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF), à Davos, le 26 mai 2022 (Photo, AFP).
Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, participe à une session sur la liberté de la presse lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF), à Davos, le 26 mai 2022 (Photo, AFP).
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  • Les Etats généraux de l'information sont lancés mardi matin, pour tenter de fixer des «règles du jeu» dans un univers médiatique en plein bouleversement
  • «Le but, c'est d'aboutir à un plan d'action» pour «garantir le droit à l'information à l'heure numérique», explique Christophe Deloire

PARIS: Fausses infos, mainmise des milliardaires, révolutions technologiques, défiance envers les journalistes: les Etats généraux de l'information sont lancés mardi matin, pour tenter de fixer des "règles du jeu" dans un univers médiatique en plein bouleversement.

L'organisation de ce vaste chantier sera précisée par le comité de pilotage indépendant des Etats généraux, lors d'une conférence de presse à 11h30 à Paris.

Ces Etats généraux étaient une promesse de campagne d'Emmanuel Macron en 2022. Longtemps attendue, leur tenue a été annoncée par l'Elysée mi-juillet.

"Le but, c'est d'aboutir à un plan d'action" pour "garantir le droit à l'information à l'heure numérique", explique à l'AFP Christophe Deloire, délégué général de ce comité présidé par Bruno Lasserre (de la Cada, Commission d'accès aux documents administratifs).

Cela pourra passer par des mesures "législatives, fiscales, budgétaires", avec peut-être une modification de la loi de 1986 qui régit l'audiovisuel.

Mais les Etats généraux devraient aussi aboutir à des "recommandations" au secteur des médias, selon M. Deloire, par ailleurs secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).

Réseaux sociaux

Organisés par groupes de travail, les Etats généraux débuteront par "une phase de diagnostic jusqu'à la fin de l'année", avant "les propositions". Ils s'achèveront "en mai-juin" 2024.

"Le périmètre est très large: de la qualité de l'information au financement du journalisme jusqu'aux réseaux sociaux et à l'intelligence artificielle, en passant par beaucoup d'autres choses", note M. Deloire.

Selon lui, l'ampleur de ce périmètre "peut être un facteur de complexité mais aussi un immense avantage", car "les bouleversements de l'espace informationnel sont tels qu'on ne les réglera pas petit bout par petit bout".

"Les Etats généraux sont lancés pour avoir une vue globale" et "pour fixer des règles du jeu communes, parce que cet espace informationnel est un bien commun", fait-il valoir.

Parmi les thèmes abordés, la qualité de l'information tiendra une place centrale, à l'heure où les réseaux sociaux rebattent les cartes chez les jeunes.

Selon le baromètre Kantar-La Croix publié en janvier, ces plateformes sont la deuxième source d'information des Français de 18 à 24 ans, derrière les journaux télévisés. Avec les risques de désinformation qui vont de pair.

Autre sujet d'ampleur, la concentration de nombreux médias français entre les mains de grands groupes privés et de quelques milliardaires (Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé...). Cela a fait l'objet d'une commission d'enquête sénatoriale en 2022.

Indépendance

Au-delà des implications économiques, cette concentration pose la question brûlante de l'indépendance: comment garantir que les propriétaires de médias n'influent pas sur leur ligne éditoriale?

La question a resurgi cet été avec la grève au JDD (Journal du dimanche), dont la rédaction s'est opposée en vain à l'arrivée comme directeur du journaliste Geoffroy Lejeune, marqué à l'extrême droite.

Beaucoup y ont vu la main du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi est en passe d'avaler Lagardère, propriétaire du JDD. Lagardère s'en est défendu.

"Ce serait une erreur de penser que les Etats généraux sont une réponse à Bolloré, c'est beaucoup plus large", assure M. Deloire.

Après la crise au JDD, plusieurs parlementaires ont proposé de conditionner les aides publiques des médias à des mécanismes d'indépendance éditoriale.

Egalement au menu, la protection des sources des journalistes. Ce thème d'actualité a été propulsé sur le devant de la scène par la récente garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, après une enquête sur une mission de l'armée française en Egypte.

Cela a indigné la profession et des rassemblements sont prévus mardi à 18h30 à Marseille ou Strasbourg.

L'une des difficultés des Etats généraux est d'éviter d'en faire un événement corporatiste, qui n'intéresserait que les journalistes.

"On veut partir des citoyens, en allant leur parler là où ils sont", espère M. Deloire.

Une tâche ardue, d'autant que la perte de confiance dans les médias est une tendance de fond des dernières années.