Dernière gardienne des souks de Beyrouth, l’emblématique Librairie Antoine ferme ses portes

Les employés sortent les derniers éléments de décor... et l'horloge arrêtée depuis le 4 août 2020 à 18:08 (photo, Nabil Ismail)
Les employés sortent les derniers éléments de décor... et l'horloge arrêtée depuis le 4 août 2020 à 18:08 (photo, Nabil Ismail)
On pose les verrous (photo Nabil Ismail)
On pose les verrous (photo Nabil Ismail)
La librairie détruite après la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth (photo, Nabil Ismail)
La librairie détruite après la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth (photo, Nabil Ismail)
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Publié le Dimanche 31 juillet 2022

Dernière gardienne des souks de Beyrouth, l’emblématique Librairie Antoine ferme ses portes

  • Jusqu’en 2009, le groupe Antoine, qui gère toutes sortes d’opérations liées à la culture, l’édition et la presse autour de ses librairies, affichait un chiffre d’affaires de 80 millions de dollars
  • Avant de poser les verrous sur ce lieu fédérateur, la librairie accueillait une dernière séance de dédicaces des ouvrages respectifs du couple de journalistes Joumana Haddad et Akl Awit

BEYROUTH : La fermeture de la Librairie Antoine aux Souks de Beyrouth, le 28 juillet 2022, porte le coup de grâce à tout le secteur et inquiète sur l’avenir du livre et de la culture dans la capitale libanaise. Avant de poser les verrous sur ce lieu fédérateur, la librairie accueillait une dernière séance de dédicaces des ouvrages respectifs du couple de journalistes Joumana Haddad et Akl Awit. Sous l’horloge arrêtée à 18 :08, heure de la double et monstrueuse explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 aout 2020 et qui avait déjà dévasté les lieux, Joumana Haddad signait son ouvrage inachevé, « La victime N°232 » et Awit son opus sur le mal libanais sous le titre « Le Pays », autre nom des souks historiques de Beyrouth qui en furent le cœur battant.

Les auteurs ont lu des extraits de leurs ouvrages au rythme d’une mise en scène de Lina Abyad, entrecoupée d’intermèdes de violoncelle, dans une ambiance crépusculaire rendue plus lourde encore à l’approche du 4 aout. Cette date réveille depuis deux ans des blessures et des traumatismes restés à vif, aucune forme réelle de justice n’ayant encore été rendue ni aux victimes ni aux habitants de la capitale.

Des « souks » fantomatiques

En 2009, le groupe Antoine, qui gère toutes sortes d’opérations liées à la culture, l’édition et la presse autour de ses librairies, affichait un chiffre d’affaires de 80 millions de dollars. Un chiffre colossal, non seulement au regard d’un petit marché comme celui du Liban, mais surtout pour un commerce basé sur l’effort de la lecture que le grand public est réputé de moins en moins enclin à fournir. Cette formidable dynamique porte l’entreprise à ouvrir une librairie sur deux étages dans les nouveaux souks de Beyrouth, version contemporaine du centre-ville historique détruit par la guerre, conçus par l’architecte star Rafael Moneo. La fermeture de l’enseigne, cette semaine, en raison de l'effondrement économique libanais qui oblige les entreprises à réduire la voilure, achève de transformer les souks de Beyrouth en un lieu désert et fantomatique.

Un phare

Sous l’enfilade d’arcades inspirées des souks de Tripoli, la capitale du Nord, qui, eux, ont été préservés, règne à ce moment-là une atmosphère de cathédrale. Baignés de lumière zénithale, munis d'un système de ventilation naturelle, offrant une expérience commerciale confortable pour le chaland en toute saison, les luxueux « Beirut Souks », frappés par une crise économique larvée, n’ont jamais réussi à rassembler les foules des grands jours. Malgré tout, la librairie Antoine y demeurait le phare qu’elle a toujours été. Les clients s’y attardaient pour choisir livres, journaux et magazines avant de s’attabler à l’un des cafés-terrasse donnant sur l’esplanade au-delà de laquelle s’étend la mer. Le secteur, où se dressait au XIXe siècle le khan Antoun Bey, caravansérail qui accueillait, pêle-mêle, pèlerins en route vers La Mecque et voyageurs d’Orient, était naturellement propice au commerce dans tous les sens du terme : échange de marchandises et échanges d’idées.

Refuge des intellectuels arabes

La première Librairie Antoine a ouvert ses portes en 1933, toujours au centre-ville de Beyrouth, en face du couvent des Lazaristes. Elle a été fondée par Antoine Naufal, fils d’un tailleur d’Adana venu, en 1921, se réfugier dans son Liban natal de la menace kémaliste à l’encontre des non Turcs. D’abord apprenti chez un drapier, Antoine Naufal se place ensuite comme commis à la Librairie du Foyer. Quelques années plus tard, il ouvre ainsi sa propre librairie dans ce petit local de 30m2 qui fera sa fortune et sa renommée. Ses frères Pierre et Émile se joignent à l’entreprise qui peut, dès lors, commencer son expansion. En 1972 est ouverte une nouvelle enseigne Antoine sur la célèbre rue Hamra, à l’époque une brillante artère commerciale dont les cafés étaient animés, en pleine guerre froide, de débats auxquels participait tout ce que le monde arabe comptait d’intellectuels et l’occident d’espions. Venue de chez Antoine, l’odeur d’encre et de papier des journaux du matin imprimés de frais et encore chauds de soleil se mêlait aux effluves du petit-noir et des viennoiseries qui cimentaient les constructions mentales. On tirait des plans sur les comètes, et Antoine fournissait les tirages. La présence -ou la subsistance- de 12 autres enseignes de la librairie consolera-t-elle les Beyrouthins de cette fermeture ?  


L'actrice libanaise Razane Jammal est l'autrice d'un livre pour enfants

L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
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DUBAI : L'actrice libanaise Razane Jammal s'apprête à sortir un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu".

L'actrice, célèbre pour ses rôles dans les séries Netflix "The Sandman" et "Paranormal", a pris les médias sociaux dimanche pour partager la nouvelle, écrivant : "Ce qui a commencé comme une petite histoire que j'ai écrite il y a sept ans s'est transformé en un livre pour vos petits. J'y ai mis tout mon cœur et je suis ravie de vous inviter à notre premier lancement à Beyrouth". 

Le lancement est prévu le 25 juin dans l'espace communautaire Minus 1 de la capitale libanaise. L'actrice fera une lecture du conte pour enfants, qui raconte l'histoire d'une "lionne végétarienne, d'un poisson amical et de leur amitié des plus inhabituelles", selon l'auteur.

Publiée par Turning Point Books, l'histoire a été illustrée par Sasha Haddad, une illustratrice libanaise diplômée de la Cambridge School of Arts en 2014.

Dans le rôle qui l'a sans doute propulsée vers la célébrité, Jammal a incarné Lyta Hall dans "The Sandman" (2022), basé sur les légendaires romans graphiques.

Son personnage rêve chaque nuit de son mari décédé, réalisant peu à peu qu'il n'est pas le fruit de son imagination, mais qu'il se cache dans le monde des rêves.

C'est un rôle que Jammal a réussi à jouer avec vérité et subtilité - une subtilité pour laquelle elle a remercié sa mère lors d'une précédente interview avec Arab News.

"J'ai toujours été extra, et ma mère était bien plus subtile que moi. J'ai dû m'ajuster pour vibrer sur sa fréquence, une fréquence à la fois très douce et très crue, vulnérable et nourricière. C'est ce qu'elle m'a transmis.

"J'ai grandi en menant une vie simple, basée sur la communauté, dans un endroit où il y a 500 mères, où tout le monde vous nourrit et où vous vous sentez en sécurité - même si ce n'est pas du tout le cas. En même temps, nous avons vécu tant de traumatismes, des guerres civiles aux assassinats, en passant par la perte de tout notre argent lors d'une nouvelle crise financière. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com